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EAN : 9782253031567
115 pages
Le Livre de Poche (01/02/1983)
3.69/5   135 notes
Résumé :
"J'ai vécu la vie de mon ami le chat-tigre. La jungle qui tue ne m'a pas eu, elle me fera grâce parce que je l'aime d'un amour fervent, parce que je lui dois tout, parce qu'elle m'a appris à être libre. La jungle est l'ennemi loyal et sûr, qui frappe en face, qui prend à bras-le-corps. L'adversaire hideux et bête, qui torture et qui fuit, le plus redoutable ennemi dans la jungle, c'est l'homme..." Blaise Cendrars
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Critiques, Analyses et Avis (19) Voir plus Ajouter une critique
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Je viens à peine de terminer la lecture de L'or - La merveilleuse histoire du général Johann August Suter et voilà que je me lance de nouveau dans la lecture d'une biographie romancée de Blaise Cendrars sur un personnage qui a existé, Jean Galmot, personnage haut en couleur, attachant, complexe, totalement atypique, que l'écrivain n'hésite pas à comparer à Don Quichotte. Je ne sais pas vous, mais moi j'ai toujours adoré ce fameux Don Quichotte...
C'est un court récit et c'est à croire que Blaise Cendrars aime se pencher sur des personnages dont la réussite sociale est aussi fulgurante que leur chute...
Mais qui est Jean Galmot et pourquoi Blaise Cendrars s'est pris d'affection pour ce personnage ? Son histoire est comme un roman, digne d'une légende.
Blaise Cendrars s'est longtemps promené dans les coulisses du monde et la trajectoire de Jean Galmot ne pouvait que le séduire.
Nous sommes au début du XXème siècle, le début de ce récit croise la fin de l'affaire Dreyfus, la révision du procès et ce n'est pas un hasard, tout d'abord parce que Jean Galmot était journaliste à cette époque et parce que celui-ci est séduit par la cause dreyfusarde. Il sera amené à chroniquer cette affaire et c'est étonnant de découvrir que plus tard son parcours sera pour lui aussi semé de mensonges, de trahisons, d'ignominie...
Difficile d'enfermer Jean Galmot dans un seul registre : journaliste, espion, poète, écrivain, aventurier, homme d'affaires, député... Je vous l'ai dit, sa vie est un roman incroyable, même sa mort l'est aussi... Et c'est sans doute cela qui a séduit Blaise Cendrars. Mais peut-être davantage, dans le parcours semé d'embûches, derrière la silhouette ambigüe d'un homme complexe, difficile à saisir, l'écrivain y a vu la bonté, la générosité, l'humanisme, l'opiniâtreté aussi, ne cédant rien à la meute de ses ennemis, luttant jusqu'au bout, jusqu'à ce jour où il mourut empoisonné par un bouillon assaisonné d'arsenic...
Mais qui était Jean Galmot au juste ? À vingt-six ans, il est ambitieux, criblé de dettes que beau-papa rembourse sous la condition que son beau-fils aille se refaire une moralité là-bas en Guyane française... Nous sommes en 1906. Et c'est là-bas que le jeune homme va faire fortune, mais pas seulement. Il se révèle une âme d'aventurier et de rêveur en se découvrant broussard infatigable et en se frottant aux délices de la forêt.
Certes il va faire fortune dans le rhum, mais dans son ascension d'industriel ambitieux il va se révéler être un des grands porte-paroles de la cause noire, ce qui lui vaudra le surnom de « Papa Galmot » au sein de la communauté indigène guyanaise. Cet engagement doublé d'une manière saine et héroïque de mener ses affaires va lui valoir aussi les foudres de ses confrères industriels et du pouvoir parisien en place, dans un contexte politique où l'esprit colonial est à son apogée. Quand Jean Galmot devient député sans étiquette de la Guyane française, c'est le pompon, tout est réuni pour commencer à semer des trappes et des chausse-trapes sur le chemin de cet homme qui commence vraiment à agacer, non mais quoi ?!
C'est sans doute ce côté franc-tireur qui a dû séduire Blaise Cendrars.
C'est bien connu, tous les chemins mènent au rhum, et c'est justement l'affaire des rhums qui va faire trébucher notre héros...
S'ensuivent quelques chapitres ou Blaise Cendrars se fait chroniqueur judiciaire. Les amateurs du genre apprécieront. Mon attention s'est un peu relâchée durant ces épisodes. Cependant je comprenais alors toutes les raisons pour lesquelles l'écrivain avait eu l'inspiration d'identifier son personnage à la figure de Don Quichotte, surtout au plus fort de la tourmente tandis qu'il continuait de clamer haut et fort : « je crois en la justice de mon pays ». Malheureux homme ! Et comment ne pas sourire et admirer le bon mot de son avocat qui disait : « dans ces conditions, tout homme libre en ce pays est en liberté provisoire ». J'adore !
Dressant le portrait à décharge d'un homme généreux, idéaliste, franc-tireur, Blaise Cendrars revêt ici l'habit du journaliste investigateur, ouvrant les archives, les tiroirs, pointant les loups, les fils blancs, jusqu'à montrer comment déjà à cette époque de notre démocratie balbutiante, on pouvait bourrer les urnes avec les voix des morts puisque c'est ce que fit l'adversaire de Jean Galmot de manière totalement décomplexée. Bon, nous étions en 1928, je vous rassure cela n'existe plus de nos jours, du moins en France... Ah ! Ouf ! Tu nous rassures...
Mais le style de Blaise Cendrars dépasse la simple chronique journalistique. Il nous raconte l'histoire d'un personnage presque mythique en y mettant son souffle et son empathie. J'ai beaucoup aimé cette approche.
C'est peut-être dans la confrontation d'une forêt semée d'embûches que le personnage de Jean Galmot a forgé son caractère. C'est cette image qui me revient au moment d'achever ma chronique, un homme perdu dans la forêt, confrontant son regard émerveillé avec celui du chat-tigre, ennemi chacun l'un pour l'autre et se respectant dans un duel loyal.
Comment alors ne pas s'émouvoir de ce passage du texte si inspirant ? « La jungle qui tue ne m'a pas eu, elle me fera grâce parce que je l'aime d'un amour fervent, parce que je lui dois tout, parce qu'elle m'a appris à être libre. La jungle est l'ennemi loyal et sûr, qui frappe en face, qui prend à bras-le corps. L'adversaire hideux et bête, qui torture et qui fuit, le plus redoutable ennemi dans la jungle, c'est l'homme... » Il allait le découvrir à ses dépens quelques années plus tard, lorsqu'une meute serait lancée contre lui où les règles de la jungle paraissaient brusquement si simples et si lointaines à côté...
Jean Galmot mourut à l'âge de quarante-neuf ans.
Qui a dit : « L'homme est un loup pour l'homme » ?
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Rhum est une biographie abracadabrante d'un homme hors pair dont l'ingéniosité à tout faire a été source d'un véritable scandale dans presque tous les domaines. La biographie n'est pas linéaire, elle se construit suivant les ressentis de l'auteur...comment suivre un homme qui a su se construire dans la jungle et dont l'énergie et la force crée également une espèce de jungle autour de lui. En tout cas, les choses ne s'éclaircissent pas trop quand bien même l'enquête de l'auteur fournit certaines sources bien définies du scandale. On se dit que ce personnage est trop énigmatique pour pouvoir parler de lui, même quand il sombre dans des affaires ténébreuses telle que celle des ''Rhums'' qui provoque d'ailleurs sa chute, la crise économique de 1924 aidant, même traqué, dépouillé, l'homme essaie toujours de se révéler, hé bien, il n'y a que la mort pour l'arrêter...
Un petit texte que j'ai aimé, l'auteur y met beaucoup plus de son souffle que de l'histoire du député à tout faire de la Guyane, on voit bien qu'il a été amèrement touché par le harcellement de Jean Galmot par ses multiples ennemis!
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Jean Galmot était un touche à tout, né en 1879 en Dordogne et mort en 1928 en Guyane.
C'est sa vie que nous raconte Blaise Cendrars. Au delà de la biographie, l'auteur fait une véritable plaidoirie pour celui qui fut assassiné par ses opposants politiques.
Galmot connut la Guyane par l'intermédiaire de son beau-père, homme d'affaires qui 'envoya la bas. Ce fut le début d'une histoire d'amour . Galmot commença à construire son empire financier avec le commerce de l'or, du bois de rose ou du rhum. Parallèlement , il sera élu député et surtout grand défenseur des autochtones. Son ascension ne pouvait laisser indifférent certains milieux qui entreprirent donc de le couler , financièrement d'abord puis politiquement.

Il est toujours compliqué de présenter une version manichéenne d'un personnage qui m'a fait pensé à une version vintage de Bernard Tapie.
Toujours est il que l'auteur montre bien les rouages du pouvoir, du faux procès à la magouille financière , jusqu'aux votes des morts, les Tiberi n'ont donc rien inventé :)! Sous la plume de l'auteur , on perçoit que le destin de Galmot eut pu être bien plus grand et que la Guyane aurait pu être indépendante dès les années 20.
Le peuple guyanais , à l'annonce de sa mort, lynchera ses adversaires, rendant un dernier hommage à "Papa Galmot".

Si l'homme sort grandi , le pouvoir politique est terrassé devant tant d'injustices et de magouilles.

Un livre instructif sur un personnage dont le nom m'était inconnu.
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Quand Cendrars se fait journaliste, ses enquêtes le poussent vers des personnages à la hauteur de ses romans et de ses récits : aventurier, homme d'affaire, écrivain, humaniste, anticolonialiste, Jean Galmot est un peu de tout cela. Attaqué de toute part pour ses investissements en Guyane, il sera au centre d'une ténébreuse affaire politico-économique, dite « Affaire des rhums ». Mis en examen, emprisonné, plus ou moins gracié, il finira ses jours en Guyane, sa terre d'adoption, sans doute empoisonné par un de ses nombreux ennemis.
Deux ans après la mort de Galmot en 1928, Cendrars sort ce livre, hagiographie romanesque à la gloire de ce héros aux accents de Don Quichotte. L'affaire Dreyfus n'est pas si loin : s'appuyant sur des extraits de journaux, des minutes de greffe de tribunaux, ou des textes de la main de Galmot, il nous fait entrevoir la vie de ce personnage atypique, idéaliste et rattrapé par la crise économique et les magouilles politiques d'après-guerre. Sans doute compréhensible à sa sortie (sous forme d'un reportage/feuilleton publié à l'automne 1930 dans l'hebdomadaire Vu), de nombreuses références au climat social de l'époque apparaissent cependant aujourd'hui peu compréhensibles. On se perd dans la description des nombreuses affaires financières auxquelles a été mêlé Jean Galmot, à tel point que l'on finit parfois par douter de son entière loyauté. Sa mort est expédiée rapidement en fin d'ouvrage, sans beaucoup d'explications sur son origine. Il faut foncer dans des encyclopédies ou autres livres d'histoire pour en apprendre un peu plus.
Au bout du compte, c'est une lecture agréable où l'on retrouve par instant l'atmosphère moite rencontrée dans L'or. Une belle découverte d'un personnage romanesque et ambigu à souhait, même si la puissance de l'écriture de Cendrars ne peut empêcher que l'on reste sur sa fin concernant les explications de sa déchéance et de son assassinat.
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Jean Galmot , dont l'histoire nous est relatée ici par Blaise Cendrars – il l'a connu - fut un homme d'affaires, aventurier et un écrivain français, élu député de la Guyane en 1919, il sera impliqué et emprisonné injustement pour escroquerie dans « l'Affaire des rhums ».

Et c'est justement cet épisode de la vie de Jean Galmot que Cendrars s'est mis en tête de nous narrer, de sa fulgurante ascension en Guyane jusqu'à sa mort ; assassiné.

Blaise Cendrars, poète, bien sûr, mais également journaliste, ici …dans la forme qu'il a donnée à ce récit : « Rhum » est une véritable enquête de journalisme d'investigation, pour employer les mots d'aujourd'hui. Une enquête qui ne manque pas de rappeler l'affaire Dreyfuss, par certains cotés, et qui ne peut que susciter la perplexité, voire le doute sur la fonctionnement de « La Justice ».
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Citations et extraits (29) Voir plus Ajouter une citation
Recommencer sa vie? Ces mots n’ont pas de sens...
Ai-je choisi ma destinée? Un jour, je suis parti...une force me
poussait. Pourquoi cette route plutôt qu’une autre? Que sais-je?
Sur la terre élastique mes pas n’ont pas laissé de traces. La vie
se déroulait de chaque côté du chemin, comme sur un écran de
cinéma... La vie grouillante, chaude, semblable au carrefour de la
jungle en sécheresse où les bêtes s’assemblent et courent en se
bousculant, traquées par la soif.
Combien d’existences as-tu vécues?... Une seule?... Alors tu ne
connais rien de la vie. Tu es comme un aveugle repu, assis au bord
du fleuve. Toi, tu peux recommencer ta vie et choisir le siège où
croupira ton âme...
Mais moi, j’ai vu sous tous les cieux du monde, sous les
flamboyants rouges des tropiques, sur le sable des solitudes, j’ai
vu les hommes passer en caravanes, lutter, jouir, s’entr’égorger
pour l’argent et l’amour, c’est-à-dire revivre...
Mon vieux corps couvert de cicatrices a connu toutes les gloires,
tous les charniers, toutes les hontes, sous les vents alizés et
dans les villes où s’entassent les hommes. Je n’ai plus rien à
apprendre de la vie. Pourquoi la recommencerais-je?...
Recommencer la vie? Mes yeux éblouis des chemins n’ont gardé que
des images scintillantes de cauchemar... quarante ans d’un combat
de chaque jour, de chaque heure, contre les fauves de la forêt
tropicale et les fauves humains. Revoir ce long rêve? Jamais...
«De qui parles-tu?»
C’est vrai... un jour une femme est venue... Ce n’est plus qu’une
image agrippée à mon âme, une phosphorescence, très loin, dans
l’ombre intérieure.
Ses yeux, lumière dans la lumière, sont le seul souvenir... Pour
elle, je voudrais recommencer la vie. Quel est l’homme qui pour
rencontrer cette femme n’entrerait pas, en pleurant de joie, sur
la route sanglante qui fut la mienne?
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Un autre jour, il écrit le plus beau compte rendu de la bataille de fleurs (à Nice) qu’on ait jamais fait, le plus vivant et le plus imagé des reportages ; et cela, à cinq heures du soir, en sortant de chez lui après avoir fait la grasse… matinée, sans se douter que, pour cause de mauvais temps, la bataille de fleurs avait été remise au lendemain.
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Le peuple de ce pays est plein de bonté et de mansuétude. Leur vie s’écoule dans une tendre humilité, et les éclats de leur mélancolie s’expriment, le soir, au moyen de danses et de chants familiers. Dans la brousse, aussitôt qu’on s’éloigne des maisons des fonctionnaires, où les photophores grésillent sous les varangues, la chaleur est plus dense, et la nuit est lourde de paroles et de murmures.
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Recommencer sa vie ? Ces mots n'ont pas de sens...
Ai-je choisi ma destinée ? Un jour, je suis parti... une force me poussait. Pourquoi cette route plutôt qu'une autre ? Que sais-je ? Sur la terre élastique mes pas n'ont pas laissé de traces. La vie se déroulait de chaque côté du chemin, comme sur un écran de cinéma... La vie grouillante, chaude, semblable au carrefour de la jungle en sécheresse où les bêtes s'assemblent et courent en se bousculant, traquées par la soif.
Combien d'existences as-tu vécues ?... Une seule ?... Alors tu ne connais rien de la vie. Tu es comme un aveugle repu, assis au bord du fleuve. Toi, tu peux recommencer ta vie et choisir le siège où croupira ton âme...
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Don Quichotte avait-il peur ? Prenait-il des précautions avant d'attaquer les moulins à vent ? Non, jamais. Son enthousiasme le faisait agir. Et quel sera le sort de Don Quichotte ?...
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Vidéo de Blaise Cendrars
Interview de : Pierre Corbucci pour son livre : LA DISPARITION D'ARISTOTELES SARR
paru le 18 janvier 2024
Résumé du livre : Un roman aux accents tragiques qui entraîne le lecteur au coeur de la forêt amazonienne dans le combat qui oppose l'humain à la nature.
Amérique du Sud, années 1920. Lieutenant du génie, Aristoteles Sarr est chargé d'aménager une piste d'atterrissage au coeur de la forêt amazonienne. le survol de cette zone jamais cartographiée doit permettre de prolonger le chemin de fer. Convaincu du bien-fondé de sa mission, le jeune lieutenant n'a pas conscience que la jungle est animée d'une vie propre, que ses ténèbres fourmillent de dangers, et qu'à vouloir dominer la nature, on a tôt fait de s'en attirer les foudres. Aux abords de l'extravagant palais de la Huanca, dernière enclave humaine avant l'inconnu, d'étranges disparitions se multiplient.
Un roman picaresque aux mille nuances de vert, aussi puissant qu'une tragédie antique.
Bio de l'auteur : Pierre Corbucci est né en 1973. Après une enfance varoise, il étudie et enseigne l'histoire et la géographie avant de mettre sa plume au service de diverses agences de communication. Esprit curieux, mélomane avisé, voyageur alerte, il est toujours à l'affût de nouvelles histoires. Son goût marqué pour les littératures d'Amérique latine et le roman d'aventures lui donne envie d'explorer de nouveaux horizons littéraires. Fervent admirateur de Blaise Cendrars et de Gabriel García Márquez, il entraîne ses lecteurs aux confins de la jungle amazonienne à travers ce second roman.
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