Ponctué de nombreuses anaphores, ce récit autobiographique se rapproche d'une scansion autour de questions sur l'identité, sur le genre, sur la peur, des territoires, la souffrance et l'amour. On sent là un besoin urgent de dire, de laisser sortir les souffrances et les déchirements d'une fille qui se cherche : femme – homme «
garçon manqué » – française – algérienne, mais qui a, avant tout, ce besoin d'être elle-même.
Nina Bouraoui écrit page 10 « Ma vie algérienne est nerveuse. Je cours, je plonge, je traverse vite. La rue est interdite […] la rue est derrière la vitre de la voiture. Elle est fermée, irréelle et peuplée d'enfants. La rue est un rêve. Ma vie algérienne bat hors de la ville. Elle est à la mer, au désert, sous les montagnes de l'Atlas. Là, je m'efface enfin. Je deviens un corps sans type, sans langue, sans nationalité. Cette vie est
sauvage. Elle est sans voix et sans visage. » Et il en va ainsi de son écriture :
sauvage, pas encore domptée comme elle le sera dans certains romans à venir comme
Satisfaction par exemple.
Elle se confronte à ses questionnements que le regard des autres soulève à tout moment. Ainsi, en parlant du contrôleur dans le train l'amenant à Rennes : « comme il ne sait rien de cet amour que je viens chercher à Rennes. Pour ma mère. » (p.100) Effectivement, l'amour et la reconnaissance de ses parents fait également partie de la quête de l'auteur. Plus loin, elle nous explique qu'elle est le fruit de leur silence, de leur choix : « c'est la mémoire de nos parents qui est importante. de leur souffrance. de leur humiliation. Notre berceau. Ce qui nous attendait. le contexte. Ce qui a été fait. Ce qui a été dit. Leurs blessures transmises. Cet héritage-là. » (p.134) Alors
Nina Bouraoui écrira que c'est cela qui l'amènera à l'écriture : « Et mon silence toujours. Parce que ma voix n'est rien. Elle s'échappe comme du vent. Bien sûr qu'il ne fallait pas répondre. Je trouverai mieux. Je l'écrirai. C'est mieux, ça, la haine de l'autre écrite et révélée dans un livre. J'écris. Et quelqu'un se reconnaîtra. Se trouvera minable. Restera sans voix. Se noiera dans le silence. Terrassé par la douleur. »
Il est des douleurs qui transcendent, c'est ce qui nous permet de lire Nina Bouaroui aujourd'hui. Ces douleurs qu'elle tisse et partage au fil de son oeuvre : un moyen de nous aider dans la vie aussi !