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EAN : 9782718608303
41 pages
Galilée (09/09/2010)
4.6/5   5 notes
Résumé :
Si je n’avais pas adopté ce parti prosodique, quatorze vers distribués en deux quatrains et deux tercets, ces poèmes n’auraient pas existé, ce qui ne serait peut-être pas bien grave, mais je n’aurai pas su ce que quelqu’un en moi avait à me dire. Les mots, les mots comme tels, autorisés par ce primat de la forme à ce qu’ils ont de réalité sonore propre, ont établi entre eux des rapports que je ne soupçonnais pas. Le besoin d’éviter dans ce lieu étroit la répétition,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
« Raturer outre », c'est « l'autre moi » du poète qui se parle à lui-même ; mais c'est bien plus encore...
C'est le négatif en noir et blanc d'une photographie en couleurs. Ce sont des personnes réunies sur une photographie dont l'image se floute, s'altère avec le temps, ne laissant place qu'à un pâle souvenir qui s'estompe progressivement, s'évanouit comme dans un rêve, jusqu'à l'oubli, jusqu'à la mort.
C'est une autre image de nous-mêmes, celle de notre « autre moi » que nous reflète le miroir. Ce sont toutes ces choses éphémères de la vie : une fleur, un bouquet, une écharpe, un rêve, un être… toutes ces belles offrandes qui nous sont faites et qu'il faut aimer intensément avant qu'elles ne se perdent dans les brumes du temps et du souvenir, avant de disparaître pour toujours.
Afin de mieux saisir l'intensité des textes poétiques écrits par Yves Bonnefoy, faite vous aussi l'expérience du miroir :
« Et cette autre (main), dans un miroir ? Elle s'approche
De la tienne, qui vient à elle, leurs doigts
Se touchent
Presque, mais dans le rien de cet écart
S'ouvre l'abîme entre être et apparence. »
Extrait « le pianiste II » (p.25)

Pour clore son recueil, l'auteur s'appuie sur le mythe de Psyché et d'Eros, nous offrant ainsi une magnifique allégorie de l'âme partagée entre l'amour charnel et l'amour divin. Et, force est de constater que la métaphore est saisissante de vérité :
« Âme et corps, pour nouer vos doigts,
unir vos lèvres,
Faut-il vraiment l'approbation des yeux ?
Peinent nos yeux, qu'oblige le langage
À déjouer sans répit trop de leurres ! »

A la façon d'un troubadour, Yves Bonnefoy raconte ses poèmes dans une musicalité troublante, parfois étonnante, mais toujours sensible, poétique et élégante. Basculant en permanence entre le rêve et la réalité, son lyrisme spirituel nous faire perdre pied et le sens de ses mots ne se reflète que derrière « l'autre moi » du poète, bien caché dans le miroir de sa pensée, à nous de la découvrir !
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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
Qui est-il, qui s'étonne, qui se demande
S'il doit reconnaître dans cette image ?
C'est l'été, vraisemblablement, et un jardin
Où cinq ou six personnes sont réunies.

Et c'était quand, et où, et après quoi ?
Ces gens, qui furent-ils, les uns pour les autres ?
Même, s'en souciaient-ils ? Indifférents
Comme déjà leur mort demandait d'être.
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L'idée d'un livre.

Ne désespère pas ! Vois, l'un près de l'autre,
Tu peux les voir penchés sur un même livre.
Un nom y est barré à toutes les pages,
Mais le trait qui le biffe, c'est la lumière.
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L'enfant du second jour


Le dieu qui errait là, au premier matin,
Qu’aurait-il espéré de la parole ?
Il ne fit rien que rassembler des pierres,
Ce sont ces tas qu’on voit, à des carrefours.

Mais vint un second jour. Et parut cet enfant
Qui ramasse, hésitant, une brindille
Pour l’offrir, infinie en sa main tendue,
À d’autres qui, surpris dans leur jeu, se taisent.

Ils le regardent qui avance, ils se détournent,
Le ciel à grand fracas traverse les arbres,
Son feu s’abat, où j’entendais ces rires.

Au soir du second jour le monde cesse,
Ce qui aurait pu être ne sera pas,
Toute la nuit il pleut jusqu’au fond de l’herbe.

p.26

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Un souvenir


Il semblait très âgé, presque un enfant,
Il allait lentement, la main crispée
Sur un lambeau d’étoffe trempée de boue.
Ses yeux fermés, pourtant. Ah, n’est-ce pas

Que croire se souvenir est le pire leurre,
La main qui prend la nôtre pour nous perdre ?
Il me parut pourtant qu’il souriait
Lorsque bientôt l’enveloppa la nuit.

Il me parut ? Non, certes, je me trompe,
Le souvenir est une voix brisée,
On l’entend mal, même si on se penche.

Et pourtant on écoute, et si longtemps
Que parfois la vie passe. Et que la mort
Déjà dit non à toute métaphore.

p.15
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Encore une photographie

Qui est-il, qui s'étonne, qui se demande
S'il doit se reconnaître dans cette image ?
C'est l'été, vraisemblablement, et un jardin
Où cinq ou six personnes sont réunies.

Et c'était quand, et où, et après quoi ?
Ces gens, qui furent-ils, les uns pour les autres ?
Même, s'en souciaient-ils ? Indifférents
Comme déjà leur mort leur demandait d'être.

Toutefois celui-ci, qui regarde cet autre,
Intimidé pourtant ! Étrange fleur
Que ce débris d'une photographie !

L'être pousse au hasard des rues. Une herbe pauvre
À lutter entre les façades et le trottoir.
Et ces quelques passants, déjà des ombres.
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Videos de Yves Bonnefoy (31) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Yves Bonnefoy
Les derniers livres d'Yves Bonnefoy (1923-2016) expriment son désir de transmettre le legs de la poésie par-delà la mort. « Lègue-nous de ne pas mourir désespéré », lit-on dans L'heure présente (2011). Quant à L'Écharpe rouge (2016), c'est un « livre de famille » testamentaire en même temps que l'histoire d'une vocation : « Il se trouve que j'étais apte à me vouer à l'emploi disons poétique de la parole… » La Pléiade fut pour Bonnefoy l'occasion de porter sur son oeuvre un regard ordonnateur. Il choisit le titre du volume, Oeuvres poétiques, sans céder sur son désir de faire figurer au sommaire quelques textes brefs que l'on qualifierait spontanément d'essais. Tous les livres ou recueils poétiques, vers, prose, ou vers et prose, sont présents. Bonnefoy ne se reniait pas ; il a souhaité donner dans les appendices quelques textes rares. Il a voulu aussi que soit présente son oeuvre de traducteur, de Shakespeare à Yeats, de Pétrarque à Leopardi. Enfin il a ouvert à ses éditeurs les portes de son atelier.
« Le souvenir est une voix brisée, On l'entend mal, même si on se penche. Et pourtant on écoute, et si longtemps Que parfois la vie passe. Et que la mort Déjà dit non à toute métaphore. » L'heure présente, Yves Bonnefoy
À lire – Yves Bonnefoy, Oeuvres poétiques – Coll. La Pléiade, Gallimard 13 avril 2023.
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