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EAN : 9782070427765
132 pages
Gallimard (29/05/2003)
3.27/5   266 notes
Résumé :
Salué dès sa publication en octobre 2001 comme l'un des livres majeurs d'Yves Bonnefoy, « Les Planches courbes » s'impose en effet au sommet d'un oeuvre sans faiblesse ni reniement. Une parole qui sait magistralement faire la place du sens et du chant s'élève, à la fois affirmée et fragile, inquiète et souveraine. Les planches courbes auxquelles le titre se réfère sont celles de la barque du passeur qui tente encore une avancée entre les deux rives du fleuve, les de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (23) Voir plus Ajouter une critique
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La poésie d'Yves Bonnefoy s'écoule comme un murmure, un doux chuchotement. Quand on la lit, étrangement, l'on a envie de faire silence. Silence au fond de soi, au fond de son coeur, au fond de son être, porté seulement par le frissonnement que procure cette voix poétique prodiguée avec la légèreté et la grâce d'un souffle, furtive douceur d'une poésie qui se fait berceuse dans la ouate des sens.

Cela s'entend, cela s'écoute comme un chant de vie à la fois proche et lointain, comme une répercussion de notes où se jouent mémoire et temps présent, réalité et songe, une définition du monde dans un écrin de sens, dans le creuset où naissent les sensations et les émotions primales, où participe l'affect davantage que l'intellect.
Les mots s'épandent en chapelet de sons, nous faisant le don d'une musique intérieure, faisant vibrer une corde sensible en frémissant vibrato. « Aller, par au-delà presque le langage / Avec rien qu'un peu de lumière »…
La poésie d'Yves Bonnefoy est tout en réceptivité, elle puise sa sève dans le perceptif, dans l'intuitif et le sensoriel, dans l'entendement du coeur. « Couché au plus creux d'une barque / le front, les yeux contre ses planches courbes », on la vit comme un voyage sur l'embarcation des mots.

Comme souvent avec Yves Bonnefoy, le travail artistique est avant tout une exploration, et le recueil « Les planches courbes », rassemblant poèmes en prose et textes poétiques, est une entrée en méditation, une incursion au coeur du langage, du temps, de la nature, de la mémoire.
Le poète est un « faiseur de sens », le créateur d'ornements à la fois mélodiques et littéraires, il étanche à la source du verbe notre soif de beauté, de sérénité et de gravité ; il dessine une carte de l'intime à parcourir avec la pulpe des sentiments, il se fait passeur de mots qui, infusés, répandus au coeur de l'être, appellent images et impressions.

Poète du dépouillement et de la sobriété, puisant dans l'éther du langage, dans « les ruines de la parole », dans l'alchimie des mots, la connaissance imparfaite, incohérente, illusoire de ce qui nous fait et de ce que nous sommes, « navires lourds de nous-mêmes / débordants de choses fermées », regardant « à la proue de notre périple toute une eau noire / s'ouvrir presque et se refuser, à jamais sans rive. »
« Partout en nous rien que l'humble mensonge / Des mots qui offrent plus que ce qui est / Ou disent autre chose que ce qui est »…

Mais comme il est bon parfois de ne pas tout expliquer en poésie, de refuser toute interprétation extérieure qui viendrait fausser la donne de son ressenti pour se laisser, tout simplement, humblement, porter par la musicalité des mots !
Ecouter cette poésie comme voix murmurante, susurrante, bruissant comme des pas dans l'herbe fraîche un matin de rosée, ne comprendre qu'avec ses sens, qu'avec sa peau, qu'avec ce qu'impriment sur l'épiderme ces mots baignés de sensualité et de lumière, afin de mettre, subrepticement, dans le calme des nuits, « ses pieds nus dans l'eau du rêve »...
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Une brève note de lecture en 5 étoiles et 7 mots-clés :

#OBJETS : Omniprésence de ce concret (beaucoup de pierres), ces objets repères (« planches courbes ») auxquels le poète se rattache et donne « une voix » ; « Tout cela, mon ami,/Vivre, qui noue/Hier, notre illusion,/À demain, nos ombres. […] Foudre qui dort encore/Les traits en paix,/Souriante comme avant/Qu'il y ait langage. » (p. 33-34).
#TRADUCTEUR : le poète traduit ici le langage poétique des objets tout comme il a admirablement bien et beaucoup traduit des livres (de l'anglais, de l'italien).
#ESCHATOLOGIE : présence de l'interprétation sur l'au-delà et sur Dieu, bien que Bonnefoy soit athée.
#CONCEPT : On dit que Bonnefoy s'est beaucoup intéressé au « concept », qu'il critique, pour s'attacher au « mot ». En effet, il arrive fréquemment que le sens de mots se dérobe.
#SURRÉALISME : On en ressent encore l'influence bien après la rupture avec ce mouvement.
#PASSAGE : La question de la relation aux parents (ou à Dieu), de la transmission, du comment on grandit.
#MYTHOLOGIE : de nombreux renvois, notamment à des personnages comme Ulysse, Charon, Orphée.
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Il y a bien longtemps de ça, un professeur de littérature nous rappelait que des poètes, il y en a de toute sorte : des beaux de l'air comme des butors...
J'ajouterais que l'écriture est parfois mal armée mais parfois de bonne foi.

Car Mr Bonnefoy porte bien son nom : il a confiance dans le monde réel et ses proches, il aime ses souvenirs les plus simples et les partage simplement.
Les paysages n'existent pas que pour eux ou pour que les hommes s'en servent mais pour qu'une vérité de Mère Nature s'y ébatte.

Ainsi le poète personnifie-t-il celle-ci comme une cohorte de vieilles amies qui nous assistent... Ou plutôt l'inverse il naturalise ses sensations et les vérités humaines et en fait un paysage rassurant.

"La neige
Elle est venue de plus loin que les routes,
Elle a touché le pré, l'ocre des fleurs,
De cette main qui écrit en fumée,
Elle a vaincu le temps par le silence."

Ainsi aussi, l'eau et la boue sont un miroir non pour qu'on s'y mire ni même pour qu'y paraisse le ciel mais pour que le vent ou plus simplement l'air passent entre ciel et boue.

Il ne faut pas y voir un symbole. Yves Bonnefoy a en tête l'immense dessin de la vie et en émiette, au-delà de la compréhension des parties , quelques vérités afin de rejoindre l'en-deçà, l'Un de la présence de la nature et de l'être.

Notre poète cache derrière chaque poème non une versification, non un rythme, ni une respiration mais la pensée ou mieux encore le souffle d'un mythe, d'un esprit, la brillance d'un peintre à l'oeuvre, la beauté d'Hélène qui enflamme Troie ou ces raisins que peint Xeukis et que s'arrachent les oiseaux gourmands.

"c'était là beaucoup de réalité, comme vous diriez, dans simplement une lettre"

Il s'attache à la matérialité du langage non comme un outil dont on use ou l'on joue mais comme la preuve que la poésie existe en chaque chose.

"Une façon de prendre, qui serait
De cesser d'être soi dans l'acte de prendre,
Une façon de dire, qui ferait
Qu'on ne serait plus seul dans le langage."

Yves Bonnefoy ramène la présence humaine dans la parole poétique.
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J'ai passé mon bac en 2007... Autrement dit, une éternité de cela. Enfin c'est l'impression que j'ai en tout cas.
Au programme de la filière l'(en plus, ça n'existe plus, c'est dire que de l'eau a coulé sous les ponts...), cette année-là, ce petit ouvrage.
Qui m'a résisté.
Dont je ne comprenais pas grand chose.
Que j'avais envie de foutre au feu.

Et aujourd'hui ?
Des passages entiers me hantent. Je les ai absorbés, digérés, pensés, interrogés.

Florilège :

«Nous sommes des navires lourds de nous-mêmes,
Débordants de choses fermées, nous regardons
À la proue de notre périple toute une eau noire
S'ouvrir presque et se refuser, à jamais sans rive.»

«Je pourrais m'écrier que partout sur terre
Injustice et malheur ravagent le sens
Que l'esprit a rêvé de donner au monde,
En somme, me souvenir de ce qui est,
N'être que la lucidité qui désespère
Et, bien que soit retorse
Aux branches du jardin d'Armide la chimère
Qui leurre autant la raison que le rêve,
Abandonner les mots à qui rature,
Prose, par évidence de la matière,
L'offre de la beauté dans la vérité.»

«Et demain, à l'éveil,
Peut-être que nos vies seront plus confiantes
Où des voix et des ombres s'attarderont,
Mais détournées, calmes, inattentives,
Sans guerre, sans reproche, cependant
Que l'enfant près de nous, sur le chemin,
Secouera en riant sa tête immense,
Nous regardant avec la gaucherie
De l'esprit qui reprend à son origine
Sa tâche de lumière dans l'énigme»

Bon, je ne prétends pas avoir tout compris aujourd'hui non plus. J'ai simplement accepté et entraperçu le pouvoir magique de la poésie.
L'alchimie des mots.
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Comme souvent, l'inscription à un programme scolaire d'un grand livre, d'un grand poète, se révèle contre-productive : dans une intention louable de mettre la vraie littérature à la portée de ceux qui ne lisent pas, ou pire, qui ne lisent que des sous-produits "culturels" frelatés, on expose le poème et le poète aux insultes des ignorants et au ressentiment des demi-habiles.

Bonnefoy, dans ce recueil, s'écarte quelque peu de la poésie moderniste, en ce qu'il laisse une place assez large à la compréhension rationnelle, à la pensée, et ne fonde pas tous ses effets sur les associations libres d'images et de sons, auxquelles les surréalistes et leurs héritiers nous ont habitués. Riche d'images et de mythes, sa poésie interroge aussi le lecteur à la façon de l'essai : il renoue ainsi avec une tradition ancienne, celle du discours en vers, que Ronsard avait su remettre à l'honneur, à l'imitation des Grecs et des Latins, dans notre littérature. La pensée et l'imagination collaborent sans que l'une prenne le pas sur l'autre.

Cela rend-il Bonnefoy plus "compréhensible" que les autres poètes contemporains ? En un sens, oui. Mais sûrement pas à des lecteurs contraints de Terminale "littéraire", ni à des amateurs pour qui penser, c'est rabâcher des évidences et des lieux communs qui font se sentir bien ensemble. Sa poésie, comme toute littérature digne de ce nom, nous demande un effort, ce qui ne peut que nous scandaliser, habitués que nous sommes aux plaisirs faciles. L'effort, évidemment, débouche sur des jouissances littéraires accrues, mais réservées à ceux qui les désirent vraiment.
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Citations et extraits (119) Voir plus Ajouter une citation
L'être : pas même la pierre, prétendent-ils,
Mais la cassure
Qui traverse la pierre, l'effritement
Des arêtes de la cassure, la couleur
Qui n'attend rien, qui ne signifie rien dans la lumière.
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Nous, mon ami, nous représentions le son a, disons, par une jarre nous gardions près de nous, dans l'espace même où l'on naît et où l'on meurt. Et comme nous mettions de l'eau dans la jarre, et parfois de l'huile ou même du vin, jusqu'à telle hauteur ou telle autre, alors que variaient aussi, d'une jarre à l'autre, le galbe de la paroi, la couleur des terres (pour ne rien dire de la giclée de peinture blanche que nos copistes voulaient parfois sur le flanc du vase quand ils ne se risquaient pas à y ébaucher une image), eh bien, c'était là beaucoup de réalité, comme vous diriez, dans simplement une lettre, non ?
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Demain je remuerai
La flamme presque froide, et ce sera
Sans doute un jour d'été comme le ciel
En a pour tous les fleuves, ceux du monde
Et ceux, sombres, du sang. Lhomme, la femme,
Quand savent-ils, à temps,
Que leur ardeur se noue ou se dénoue?
Quelle sagesse en eux peut pressentir
Dans une héitation de la lumière
Que le cri de bonheur se fait cri dangoisse ?
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Je me souviens, c'était un matin, l'été,
La fenêtre était entrouverte, je m'approchais,
J'apercevais mon père au fond du jardin.
Il était immobile, il regardait
Où, quoi, je ne savais, au-dehors de tout,
Voûté comme il était déjà mais redressant
Son regard vers l'inaccompli ou l'impossible.
Il avait déposé la pioche, la bêche,
L'air était frais ce matin-là du monde,
Mais impénétrable est la fraîcheur même, et cruel
Le souvenir des matins de l'enfance.
Qui était-il, qui avait-il été dans la lumière,
Je ne le savais pas,je ne sais encore.
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Et si demeure
Autre chose qu'un vent, un récif, une mer,
Je sais que tu seras, même de nuit,
L'ancre jetée, les pas titubant sur le sable,
Et le bois qu'on rassemble, et l'étincelle
Sous les branches mouillées, et, dans l'inquiète
Attente de la flamme qui hésite,
La première parole après le long silence,
Le premier feu à prendre au bas du monde mort.
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Videos de Yves Bonnefoy (31) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Yves Bonnefoy
Les derniers livres d'Yves Bonnefoy (1923-2016) expriment son désir de transmettre le legs de la poésie par-delà la mort. « Lègue-nous de ne pas mourir désespéré », lit-on dans L'heure présente (2011). Quant à L'Écharpe rouge (2016), c'est un « livre de famille » testamentaire en même temps que l'histoire d'une vocation : « Il se trouve que j'étais apte à me vouer à l'emploi disons poétique de la parole… » La Pléiade fut pour Bonnefoy l'occasion de porter sur son oeuvre un regard ordonnateur. Il choisit le titre du volume, Oeuvres poétiques, sans céder sur son désir de faire figurer au sommaire quelques textes brefs que l'on qualifierait spontanément d'essais. Tous les livres ou recueils poétiques, vers, prose, ou vers et prose, sont présents. Bonnefoy ne se reniait pas ; il a souhaité donner dans les appendices quelques textes rares. Il a voulu aussi que soit présente son oeuvre de traducteur, de Shakespeare à Yeats, de Pétrarque à Leopardi. Enfin il a ouvert à ses éditeurs les portes de son atelier.
« Le souvenir est une voix brisée, On l'entend mal, même si on se penche. Et pourtant on écoute, et si longtemps Que parfois la vie passe. Et que la mort Déjà dit non à toute métaphore. » L'heure présente, Yves Bonnefoy
À lire – Yves Bonnefoy, Oeuvres poétiques – Coll. La Pléiade, Gallimard 13 avril 2023.
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