Cher John,
Je viens de te quitter et tu me manques déjà. Beaucoup.
Ces quelques jours passés avec toi ont été un pur ravissement.
Je t'ai rencontré là où je vais souvent, ce n'est pas si loin de la maison, à un quart d'heure à pied du col de la Faucille. Plus de trois cents moutons dans un Haut-Jura où on ne jure que par le Comté et le lait des vaches, c'est une vraie gageure.
Tu n'aime pas les « sacs à dos », ces randonneurs que tu ridiculises mais maintenant qu'on se connait un peu, tu m'acceptes, silencieux. Tes chiens de travail, Flash et Mistral, font le taf et tes deux patous « dévastateurs » (croqueurs de marmottes, ils font fuir aussi les chevreuils, mais ils sont là pour le lynx et aussi le loup) se confondent avec les moutons . Les lynx sont de plus en plus nombreux, mais on les voit si rarement. Avant de monter je suis passé à Athénas, juste avant Les Rousses, le centre de conservations des espèces en danger. Je suis tombé sur un grand mec prétentieux qui ne connaissait pas grand chose à cette montagne là, où les équilibres sont très subtils et où les patous foutent le bordel.
John et ta double licence, les moutous en estive l'été, le service dans un resto de Lelex l'hiver, et ton coup de main aux pisteurs.
J'ai adoré l'histoire que tu m'as racontée. J'ai fait comme le lynx, je l'ai dévorée par petits morceaux, en y revenant tous les soirs.
Ton vrai prénom, c'est Julien. Ton grand-père John t'a tout appris. Alors à sa mort le « petit John » et devenu John.
Depuis dix ans, tu as une copine dans la vallée. Héloïse et toi habitent un bel appartement à Bellegarde mais, dans trois mois, vous larguez tout pour aller vous installer à La Réunion.
L'histoire que tu vas me raconter avec ce formidable humour décalé, cette tendresse que tu sais si bien cacher, cette verve pure et intelligente, cette histoire donc est celle d'un fait divers qui aurait pu t'échapper :
Ton ancien pote d'internat, Alexandre, est en détention à Villefranche S/S pour avoir tué un jeune homme avec une planche de bois. C'est ce que tu as lu dans un vieux Progrès .
Peut-être que tout aurait été différent si tu l'avais fait flamber pour allumer ton poêle. Mais bon, ça ne s'est pas passé comme ça et un SMS (envoyé avec ton vieux téléphone à clapet) va faire basculer ta vie.
Les moutons sont tranquilles, tu montes vite fait un parc provisoire, et je t'accompagne jusqu'au sommet du Reculet où tu vas me déballer toute l'histoire.
A travers toi, je vais rencontrer Alexandre devenu véto végan, grand défenseur des oiseaux; Nadia, son épouse, qui a rejoint sa mère en Suisse ( c'est à quelques encablures d'ici) avec ses deux enfants en bas âge; ton groupe de copines de lycée, folles-dingues mais tellement vivantes.
Car pour bien comprendre ce qui va se passer, il faut que tu évoques ce qui s'est déroulé entre ta terminale à Lons-le-Saunier et ton arrivée dans les pâturages du Haut-Jura.
Et tu as ce talent insensé de dire simplement les choses les plus compliquées, de décrire si justement ton processus de pensée et l'évolution de ta personnalité, qui vaut pour toi mais qui a une petite résonance universelle.
Et ces scènes si savoureuses au TGI de Lyon (les fameuses vingt-quatre colonnes), ta description du plafond du tribunal ! Et toutes ces rencontres dans le bois du Risous…hilarantes, captivantes.
Et puis surtout, tu ne te la pètes pas. Mine de rien tu brasses des thématiques profondes et complexes (Nature/Culture, Amour/Passion), en toute modestie, sans faire de leçons à qui que ce soit (sauf aux randonneurs dont je fais partie…!), tu évoques
Nietzsche dans un grand éclat de rire. J'adore.
J'aimerais t'avoir comme ami, mon Cher John.
Coup de foudre pour ce roman génial de
Pierric Bailly. Boum.