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EAN : 9782234086531
130 pages
Stock (08/01/2020)
3.55/5   20 notes
Résumé :
« Eugénie a seize ans ; elle pourrait en avoir plus, en avoir moins, elle est restée la même depuis ses six ans, même taille, mêmes traits, même corps. Elle a juste forci. Ses jambes sont courtes et larges, ses mains nouées, son ventre proéminent, son crâne volumineux, sa peau rugueuse, épaisse et plissée, ses pommettes saillantes, ses yeux petits, enfoncés dans les orbites, ses narines échancrées, ses lèvres épaisses et pendantes, son cou doublé d’un goitre imposan... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Qui n'a pas un jour croisé, voire utilisé, l'injure populaire «Quel crétin des Alpes!»?
Suffit de lire Hergé...

On sait à ce jour que le crétinisme est une pathologie de la thyroïde par carence en iode, et qui sans traitement produisait des êtres gravement déficients physiquement et mentalement. Il faudra attendre le 20e siècle pour une compréhension et une prise en charge pertinente de la maladie.

1835. Deux médecins partent en expédition dans les vallées reculées du Queyras pour y trouver des individus atteints de crétinisme et les ramener en placement d'office à l'hôpital parisien de la Salpétrière, dans le cadre d'un projet d'éducation et de sociabilisation imaginé par le Dr Jean-Pierre Falret.
Fort d'un bon droit humaniste, trois « idiotes » sont achetées à leur famille. Eugénie, 16 ans, va faire partie de l'étude scientifique, thérapies diverses et chirurgies, participant ainsi à notre compréhension du traitement médical de la maladie mentale au 19e siècle. En contre-champ se révèle la société de l'époque, fascinée par le phénomène, et impliquée dans un désir éducatif des individus.

Antoine de Baecque a précédemment écrit un ouvrage érudit sur le crétinisme, et en donne par ce roman/récit une version plus littéraire. En opposition à la «laideur» du sujet médical, l'auteur se fait lyrique dans les descriptions des êtres et des choses, sublimant de grandeur et beauté les régions montagneuses.

Décidément, les folles inspirent les romanciers ces dernières années: le bal des Folles de Victoria Mas, La salle de bal de Anna Hope,...
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Au début du XIXe siècle, les contours de la psychiatrie se dessinent. L'aliénation fait l'objet de l'attention du Docteur Jean-Pierre Falret. Il dirige la section des « idiotes » à l'hôpital de la Salpêtrière et cherche à améliorer leur état si ce n'est les guérir. On comprend que pour beaucoup, ces femmes souffrent de dépression et de psychose.
Il s'agit d'appliquer les préceptes hygiénistes de l'époque : on veille à l'hygiène corporelle mais aussi à l'hygiène de l'âme en instaurant la prière.
L'intention est louable mais voilà, ces femmes ont également le statut de prisonnières et sont davantage considérées comme des cas à explorer que comme des personnes. le bal des folles relaté dans le roman de Victoria Mas est évoqué. Aucun respect ne leur est donné, aucune dignité n'est préservée. Ça vous donne une idée du contexte.
Jean-Pierre Falret, qui ambitionne la gloire, décide de tester ses méthodes sur ce que l'on appelait communément les crétins des Alpes.
Ce roman raconte le périple de la mission dans les Alpes de Haute-Provence qui conduit le fils aîné du Docteur Falret et un confrère. Il s'agit de ramener à la Salpêtrière des « crétines » et de les guérir.
La première moitié du roman est consacrée au trajet dans la montagne (on est dans les années 1820, les moyens de locomotion sont encore rudimentaires) et à l'achat (oui oui) de ces jeunes filles difformes et visiblement sans intelligence. Trop contents de s'en débarrasser, les parents n'hésitent pas une seconde devant le billet de 100 francs.
Parmi les quatre enfants ainsi enlevées, Eugénie est celle qui sera le plus longtemps observée. Les méthodes échoueront. Elle deviendra un genre d'animal de cirque, exposée dans tout Paris. Sa triste destinée m'a fait penser à celle de la Vénus Hottentote.
Autant dire que la nausée a accompagné cette lecture malgré les descriptions bucoliques du périple montagnard et de la tendresse avec laquelle l'auteur décrit Eugénie.
Historien, l'auteur s'appuie ici sur les notes de Jules Falret, célèbre aliéniste et fils aîné du médecin responsable de la section des « idiotes » de la Salpêtrière. Celui-ci se montre plus humain que son père et restaure une certaine dignité à Eugénie.
L'auteur a donc transformé sa matière en texte littéraire et nous livre de façon assez neutre le compte rendu de ces expériences. C'est terrifiant.
J'avoue ne pas avoir les nerfs assez solides pour prendre le recul nécessaire et apprécier les apports à la médecine d'une telle maltraitance. du reste, est-ce possible ?
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L'insulte « crétin des Alpes » m'était connue depuis de nombreuses années même si je ne trouvais pas cela très charitable pour les habitants des montagnes car, après tout, les crétins existent dans bien des régions. Mais je n'imaginais pas que cette expression prenait en fait racine dans une réalité historique et médicale sur laquelle Antoine de Baecque revient dans ce livre passionnant et très documenté, à travers l'histoire d'Eugénie.

Eugénie Loucher a 16 ans et vit à Saint-Véran avec son père et ses frères et soeurs. La fratrie compte trois crétins et le reste des enfants est goitreux. Comme beaucoup d'habitants de ces régions. Mais en ce mois de juin 1835, c'est Eugénie qui est choisi pour être admise à l'asile de la Salpetrière, à Paris, et pour devenir, comme plusieurs autres, un sujet d'étude mais aussi pour y recevoir une éducation.

Car le docteur Jean-Pierre Falret, en charge de l'asile, se sent investi d'une mission : comprendre ces êtres différents, leur apporter de l'aide, tenter de les guérir et peut-être éradiquer ce fléau qui touche un certain nombre de personnes.

Mais ne nous voilons pas la face, le Docteur Falret n'est pas un humaniste pur. Il cherche aussi une certaine reconnaissance et à assoir sa réputation grâce aux progrès que pourraient faire les enfants qu'il a choisies. Car le sort de ces crétins, crétines en l'occurrence car seules des filles ont été sélectionnées, excite la curiosité malsaine de la population et des bourgeois. Comme cela était déjà le cas pour les aliénées qui sont internées.

Eugénie devient d'ailleurs une attraction, notamment au cours de ce fameux bal des folles organisé chaque année et qui met en scène les internées de l'hôpital sous les yeux curieux et scrutateurs d'un public voyeur.

Mais le déracinement de ses montagnes natales s'avère néfaste pour Eugénie, comme pour ses petites compagnes, qui ne répondront jamais aux attentes du médecin. Celui-ci s'oppose bientôt à son fils, Jules, qui s'est attaché à Eugénie et n'est pas d'accord avec les méthodes de son père.

Ce livre est bref, comme la vie d'Eugénie. Mais que de tristesse contenue dans ces pages. Que le destin d'Eugénie est dramatique et inhumain.

Antoine de Baecque écrit l'histoire de manière très factuelle, mais le lecteur lira entre les lignes toute l'injustice liée au sort de la jeune fille ainsi que de toutes celles qui ont dû subir des internements souvent synonymes de traitements violents.

Et tout cela parait d'autant plus vain et cruel, qu'on a finit par découvrir que la maladie dont souffrait Eugénie n'était due qu'à une carence en iode et que peu de chose aurait pu faire basculer sa destinée.
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"Crétin des Alpes", une insulte du capitaine Haddock ? Pas que ... le crétinisme est une maladie due à un manque d'hormones thyroïdiennes qui sévit principalement dans les montagnes. Ce livre va justement nous emmener à la suite d'une expédition scientifique dans les Alpes pour ramener des crétines à l'hôpital Salpêtrière, à Paris, à des fins d'études. le récit se situe en 1835 et décrit donc les travaux du Dr Falret, une cinquantaine d'année avant les travaux du Dr Charcot qui ont servi de base au livre "le bal des folles" de Victoria Mas (https://www.babelio.com/livres/Mas-Le-bal-des-folles/1147633).
C'est le deuxième livre que je lis sur à peu prêt le même sujet donc.
On est toujours sur le même type de voyeurisme de la bonne société de l'époque qui aime s'encanailler en allant se frotter à des folles, à des crétines.
Toujours une médecine aliéniste moderne qui, imbue de sa science, veut le bien des anormaux malgré eux (Les recherches de ses médecins ont certes faits progresser la science...). Mais cettefois, des crétines qui seront même parfois maintenues derrière des barreaux et regardées comme des monstres de foire. Et je pense que c'est ce qui m'a mis mal à l'aise : j'ai eu l'impression d'être aussi un voyeur, sentiment que je n'avais pas eu en lisant le "bal des folles"




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"Crétin des Alpes !"

Si les fans de Tintin reconnaîtront là une des nombreuses insultes du Capitaine Haddock, la crétinerie avant d'être une insulte était une pathologie longtemps incomprise et très courante dans les massifs montagneux, due à une carence en iode entraînant une déficience sévère tant physique qu'intellectuelle.

Antoine de Baecque, historien, a publié en 2018 un essai intitulé Histoire des crétins des Alpes et avec Eugénie revient de façon romancée et plus accessible sûrement, sur cette période du XIXe où la psychiatrie balbutiante élaborait de belles théories sur l'éducation des crétins. Jean-Pierre Falret, qu'on appelle alors un aliéniste, dirige à la Salpêtrière le service des idiotes. Environ 20 ans avant Charcot, il fait des conférences publiques sur ses méthodes et le clou de ces conférences réside dans l'exhibition après celle des idiotes, d'Eugénie, une crétine ramenée des Alpes par son fils Jules, qu'il s'était mis en tête d'éduquer et civiliser. L'éducation était la grande affaire de ce siècle !

Ce roman passionnant, se lit comme le journal de bord d'une aventure extraordinaire. Émaillé de courts extraits d'archives de la Salpêtrière, sur ce qu'on savait/observait/ croyait à l'époque sur cette maladie, il raconte l'expédition en 1835 dans les vallées reculées des Alpes, du Queyras notamment, pour aller chercher quelques spécimens de crétines (achetées à leurs parents 100 francs !) afin de les ramener à l'asile et que le bon docteur Falret puisse vérifier ses théories...Le coeur se serre devant le destin d'Eugénie, cette jeune femme prisonnière d'un corps d'enfant difforme, dont on ne saura jamais quel était le ressenti, devenue monstre de foire malgré elle loin de la vie paisible qu'elle aurait eue dans son village...

L'imbrication entre le réel et l'imaginaire est si étroite, si réussie et si vraisemblable qu'on oublierait presque lire un roman...

Roman peu vu et c'est dommage, il fait écho de façon très intéressante au Bal des folles de Victoria Mas.
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critiques presse (1)
Bibliobs
06 février 2020
Sans chercher à tirer des larmes, Antoine de Baecque réussit à rendre attachante cette malheureuse erreur de la nature. Ce roman écrit de main de maître témoigne de son amour pour ses dissemblables.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Eugénie a 16 ans ; elle pourrait en avoir plus, en avoir moins, elle est restée la même depuis ses six ans, même taille, même traits, même corps. Elle a juste forci. Ses jambes sont courtes et larges, ses mains nouées , son ventre proéminent, son crâne volumineux, sa peau rugueuse et plissée, ses pommettes saillantes, ses yeux petits, enfoncés dans les orbites, ses narines échancrées, ses lèvres épaisses et pendantes, ses abajoues marquées.
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Les crétins sont laids, monstrueux, malheureux en apparence, mais ils ne sont ni abandonnés ni méprisés dans les villages des Alpes.
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Vidéo de Antoine de Baecque
Lecture de correspondances autour de la figure de Marie-Antoinette par Isild le Besco, commentées par Antoine de Baecque, professeur à l'Ecole normale supérieure. Marie-Antoinette, dès son arrivée en France à 14 ans en 1770, suscite un flot ininterrompu de correspondances, souvent les plus contradictoires. S'esquisse ici l'avènement de la célébrité et s'affirme le lien désormais indissoluble entre espace privé, univers public et visions politiques, éléments essentiels d'une nouvelle modernité. Une rencontre explosive à laquelle la comédienne Isild le Besco, et l'historien Antoine de Baecque mêlent leurs voix. Avec le soutien de la Fondation d'entreprise La Poste.
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