« Comme vous nous avez manqué »: sa Majesté Felipe VI s'adresse ainsi en 2015 à l'ensemble des séfarades de part le monde, ces descendants des juifs expulsés d'Espagne en 1492.
L'auteur a pris ces mots - là pour lui, si intimes, personnels, poignants , à l'instant même où le roi les a prononcés .
Sa décision est prise, il rentre au pays , même s'il l'avoue , cinq siècles après, une légère hésitation subsiste. ....
« Retour à Séfarad » met en scène ce candidat, juif séfarade , candidat à l'obtention du passeport Espagnol ,démarche ô combien complexe , semée d'embûches et décourageante : les candidats doivent prouver leur lien à l'hispanité ,suivre des cours de langue et de civilisation à l'institut
Miguel de Cervantes, dans les bureaux de l'administration le dossier bute sur des obstacles imprévus.. pratiquement insurmontables ....
Comment se souvenir , retrouver ces racines d'il y a cinq siècles ?
Dans quel état va t- il retrouver ce pays?
Il s'en est passé des choses depuis le 31 juillet 1492.
Inutile de partir en quête de la maison familiale , du cimetière , encore moins des — archives....
Alors : au cours d'un voyage particulièrement érudit , l'auteur arpente le pays, s'entretient avec une foule d'intellectuels , écrivains , philosophes , s'interroge et interroge sans relâche ,parle , parle ,échange, dresse des inventaires ,polémique , digresse, évoque
Marguerite Duras , « Je suis un écrivain dans son genre « ,
Robert Musil, Michelet ,
Miguel de Cervantes,
René Char,
Pierre- Boileau, l'historien Yitzhak Bear,
Georges Simenon ,
Stendhal et son « de l'Amour » ,
Julien Gracq,
Charles Baudelaire et tant d'autres.... .
Des histoires entraînent d'autres anecdotes , leur multiplicité rythmée et enthousiaste oblige le lecteur à une concentration telle qu'il doit surprendre sa lecture pour reprendre son souffle, il rencontre Franco, rois catholiques, maints diplomates Espagnols .......jusqu'au fait étrange que l'auteur se lève pour visionner sur « Arte » un documentaire à propos du cheval andalou....
Cet ouvrage est un festival d'érudition massive—-en tout sens —- un méli-mélo d'anecdotes historiques ou contemporaines , parfois fantaisistes , un peu embrouillées , toujours savantes, sur le fil, un brin provocatrices mais jamais pesantes ..
Pierre Assouline : dont j'avais lu « La cliente » en 1998 « Lutetia » en 2005, Sigmaringen » en 2014, nous plonge dans un très long voyage dans le temps et l'espace à propos de l'Espagne à l'aide d'une trajectoire fouillée , très documentée allant de l'Inquisition aux traces contemporaines de ces juifs dans les villes, les anciennes synagogues devenues églises.
Une plongée fascinante , parfois drôle et provocatrice , ironique , désabusée, semée d'aventures intellectuelles multiples , de réflexions très fortes , puissantes, à propos de l'identité , du sentiment très fort d'appartenance, d'attachement , du devenir , de la connaissance de soi , de L'HISTOIRE DES PEUPLES et de leur destinée ...
Des déserts ruraux et villages d'outre - tombe, aux chants andalous profonds —-aux cathédrales d'Espagne : les vitraux à León, la rosace à Burgos——aux reflux de mémoire de l'auteur ——jusqu'aux rues animées et grouillantes de Madrid , sans parler du Moyen - Âge, de
Federico Garcia Lorca, de la Shoah, du président d'Israël, du franquisme, des juifs américains , de Màlaga..........
Un roman palpitant mais exténuant, prenant et riche , comme souvent avec
Pierre Assouline, ancien directeur du magasine Lire . ( à voir l'importante documentation à la fin , le nombre d'ouvrages cités ! )