Gus vient de larguer sa nana, et c'est assis dans un rade autour d'un p'tit noir, qu'il va se faire tancer par un ami de l'éplorée. Ce rade c'est le Tourbillon.
Le tourbillon c'est un de ces
rades d'époque, comme on n'en fait plus. Modernité oblige, tarif salé du foncier et gentrification poussent ces lieux populaires au charme désuet à l'extinction. Laissant place à des bistros plus branchés, qui sentent moins la bière éventée et le RSA et ou l'on se fait torpiller le larfeuille à coups de cocktails exotiques pour pouvoir se pavaner sur une terrasse en bois précieux.
Gus va être happé par ce troquet à l'ancienne et découvrir la faune des habitués qui le compose le temps d'une longue journée qui finira d'une surprenante manière.
Rodolphe Casso est habile pour tracer furtivement des personnages originaux et pourtant communs, uniques sans vraiment l'être, car on les reconnait dans leur singularité. On tire sur l'oxymore n'est-ce pas ? Eh bien c'est un peu le principe de ce presque huis-clos dans un lieu pourtant réputé pour être ouvert et qui génère du profit grâce aux allées-venues des consommateurs. le tourbillon, comme un vortex semble aspirer les entités qui gravitent alentour, il en est de même pour ce bastringue et notre héros. Il est aspiré par ce trou noir prolétarien.
J'ai apprécié ce récit, agrémenté de paroles de chansons, connues ou crées par l'auteur, moi qui suis habituellement assez hermétique à ce genre d'inclusions, dénuées de sons j'ai toujours du mal, mais je les ai trouvées ici très à propos.
C'est une ode à ces bars dépassés ou je prends plaisir les rares fois ou l'occasion se présente, à gouter de petites tranches de vies en sirotant une bière industrielle fadasse. J'ose mettre de côté ma passion pour l'union pétillante du malt et du houblon bien brassés épiant discrètement des brèves de conversations croustillantes dans ces refuges archaïques pour clients habitués ou en transit.
Comme cette fois ou j'avais découvert un zèbre carburant uniquement au Ricard (ou riflon pour les intimes), qui demandait systématiquement un ticket de caisse alors que le patron notait toutes ses consos, amusé par l'étrange requête, je l'interroge et il me répond qu'il n'a pas de montre ou de téléphone portable et qu'il se sert du ticket pour connaître l'heure qu'il et savoir combien de temps il lui reste avant de rentrer chez lui. Ce genre d'anecdotes inénarrables on les trouve difficilement hors de ces lieux anachroniques, et c'est un peu ce qui les rend précieux à mes yeux.
Un bon moment de lecture dont on ressort sans gueule de bois, ni argent claqué dans un tiercé perdant.
Une lecture qui m'a rappelé les brèves de comptoir de
Jean-Marie Gourio. Une perspicacité dans la lecture des persona du quotidien rappelant celle de J. M.
Erre avec un humour un poil moins corrosif mais tout autant de compassion.
Un ouvrage à compléter avec l'excellent bouquin de photo :
Rades de
Guillaume Blot