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Citations de Salman Rushdie (656)


"Le temps des sentiments n'est pas celui des horloges. Nous savons que, lorsque nous sommes enthousiasmés par ce que nous faisons, le Temps s'accélère, et quand nous nous ennuyons, il ralentit".
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Question: Quel est le contraire de la foi?
Pas l'incrédulité. Trop catégorique, certain, fermé. En soi une sorte de foi.
Le doute.
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Tant que je n'aurais pas affronté l'attaque, je ne pourrais rien écrire d'autre. Je compris qu'il fallait que j'écrive le livre que vous êtes en train de lire avant de pouvoir passer à autre chose. Écrire serait pour moi une façon de m'approprier cette histoire, de la prendre en charge, de la faire mienne, refusant d'être une simple victime. J'allais répondre à la violence par l’art.
Je n'aime pas l'idée que l'écriture soit une thérapie, l'écriture, c'est l'écriture, la thérapie, c'est la thérapie, mais il y avait de bonnes chances qu'écrire cette histoire de mon point de vue, m'aide à me sentir mieux.
(p.174)
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SOUVENIRS (JDD 2022-08-14)
Gilles Paris a été pendant dix ans l’attaché de presse français de Salman
Rushdie. Il raconte ici une discrète et féconde complicité.

C’est en 1995 que je rencontre Salman Rushdie. À 36 ans, je dirige le service de presse des éditions Plon, qui s’apprêtent à publier son cinquième livre, Le Dernier Soupir du Maure, retraçant l’histoire à Cochin et à Bombay de quatre générations de la famille du narrateur, Moraes Zogoiby dit « le Maure ». Cet épais roman paraît sept ans après Les Versets sataniques. Je passe plus de temps Place Beauvau à préparer sa venue qu’au bureau. Une enquête sur le terreau islamiste français ne nous laisse guère de choix quant à l’ampleur de sa protection. Six voitures, dont une blindée dans laquelle je serai seul à l’accompagner, et deux motos qui ouvrent le cortège. Un vigile se tient à la porte d’entrée du 76, rue Bonaparte – adresse de l’éditeur – et vérifie l’identité de chaque visiteur.

Le jour de son arrivée, nous allons l’accueillir à l’aéroport, son éditeur Ivan Nabokov, Sylvie Audoly, son adjointe, et moi. Nous traversons la piste dans un fourgon de police qui s’arrête au pied de l’avion, d’où descend, seul, Salman Rushdie. À peine a-t-il franchi la dernière marche que les policiers l’escortent jusqu’au véhicule. À Paris, j’ai choisi un hôtel tranquille rue des Beaux-Arts, avec une seule entrée. Il occupera une suite donnant sur une vaste terrasse. J’ai apporté une petite chaîne, quelques CD de U2 (deux ans plus tôt, il a rejoint Bono sur scène à Londres) et de pop anglaise.

Les journées sont chargées en entretiens. L’homme est extrêmement courtois, il accepte tout le programme sans broncher. Il souhaite alléger la protection, trouvant ce cortège très exagéré. Pour lui, c’est une victoire du camp adverse et elle entrave sa liberté. Le Raid a envahi l’hôtel. Chaque valise est ouverte dans le hall, les touristes s’agacent de la procédure. Le premier salon est rempli de policiers. Au dernier étage, chaque visiteur est fouillé. Le Raid a même pris position sur le toit.

Chaque matin, nous prenons un café dans sa suite, et je lui explique le programme de sa journée. Je lui détaille ce qui l’attend. Il connaît la plupart des journalistes littéraires et, à voir leurs mines réjouies en sortant de la suite, ils sont satisfaits de leur rencontre. Pour Télérama, il accepte de se vêtir d’un drapeau américain, photo virale qui fera la une du magazine. Salman Rushdie est généreux dans ses entretiens, autant qu’il est attentif à mes recommandations. Je maudis à mon tour ce cortège de six voitures. Le danger, s’il existe, me semble virtuel.

Pourtant, le 12 février 1989, cinq personnes ont été tuées par la police pendant une manifestation contre Les Versets sataniques à Islamabad (capitale du Pakistan). Hitoshi Igarashi, le traducteur japonais, a reçu plusieurs coups de couteau mortels en 1991. En 1993, c’est l’éditeur norvégien du livre, William Nygaard, qui a été blessé de trois balles dans le dos. Cette même année, le traducteur turc, Aziz Nesin, échappe à un incendie criminel qui cause la mort de 37 personnes. Lorsque Salman me demande de voir une amie au Café de Flore, à la suite d’un entretien annulé, j’use de stratagèmes pour déjouer l’attention des membres du Raid. L’un des serveurs de ce café prévient des photographes qui bientôt se pressent pour saisir l’instant.

Le soir sont souvent organisés des dîners en son honneur. Je lui fais rencontrer en 1999, à l’occasion de la parution de La Terre sous ses pieds, le journaliste Philippe Manœuvre, avec lequel il va partager ses goûts musicaux puis faire la cover de Rock & Folk. Ainsi que Marie-France Pisier, qui lira des extraits de La Terre sous ses pieds à Beaubourg.

De livre en livre, à Paris ou à Londres, je suis heureux de le retrouver. Il est amical, se souvient encore de la chaîne et des CD dans sa suite rue des Beaux-Arts. Au fil des livres, la sécurité s’est allégée. Lors de la parution de son dernier ouvrage, une seule moto l’accompagne dans ses déplacements.

Deux ans après cet ultime lancement, je reçois un e-mail de Salman. Il vient à Paris avec son fils, et souhaite l’emmener à Eurodisney. Je lui organise une visite privée, un jour sans public, où ils vont pouvoir profiter du lieu. Il me remercie chaleureusement.

C’est le fil ténu et assez exceptionnel d’une amitié distanciée, souvenir d’un travail commun, où je n’ai jamais cessé de le considérer comme l’écrivain qu’il est, et non comme un homme sur lequel pesait une fatwa.

GILLES PARIS


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Quand (…) était-il devenu irrationnel de détester la religion, quelle qu'elle soit, et de la détester avec force ? Depuis quand la raison était-elle redéfinie comme la déraison ? Depuis quand les histoires fantaisistes des superstitieux étaient-elles hors d'atteinte de la critique, de la satire ? Une religion n'était pas une race. C'était une idée, et les idées résistaient (ou s'effondraient) parce qu'elles étaient assez fortes (ou trop faibles) pour supporter la critique, non parce qu'elles en étaient protégées. Les idées fortes accueillaient volontiers les opinions contraires. (…) Seuls les faibles et les tyrans se détournent de leurs opposants, les insultent et, parfois même, leur veulent du mal.
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"Ce n'était qu'une question de temps" dit mon père, avec toutes les marques extérieures du plaisir ; mais en ce qui me concerne, le temps a toujours été quelque chose d'instable, sur lequel on ne pouvait pas compter.
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Salman Rushdie
Interview parue en ligne sur "Livres hebdo" le 4 mai 2024.Salman Rushdie : « Toute cette histoire est derrière moi »
DANS LE COUTEAU, SALMAN RUSHDIE REVIENT SUR L'ATTENTAT DONT IL A ÉTÉ VICTIME LE 12 AOÛT 2022

Avec la parution du Couteau, Salman Rushdie entend tourner la page de l’agression qui a failli lui coûter la vie, le 12 août 2022, à Chautauqua, dans l’État de New York. Mais son livre n’est pas seulement le récit factuel de l’attentat, de sa survie puis de sa résurrection, et certainement pas un règlement de comptes. Plutôt une catharsis, une ode à la littérature, à la liberté de penser et d’écrire, et, dit-il, « une histoire d’amour » dédiée à ses proches : sa femme Eliza, ses fils Zafar et Milan, sa sœur Sameen. C’est aussi un texte plein d’humour, comme son auteur. De passage à Paris pour la promotion de son livre, c’est, malgré la haute protection policière dont il est entouré, un Salman Rushdie détendu, très en forme, heureux d’être de retour en France, qui a répondu avec spontanéité aux questions de Livres Hebdo.

Livres Hebdo : Dans Le couteau, vous racontez que c’est votre agent, Andrew Wylie, qui vous a suggéré d’écrire sur l’attentat.

Salman Rushdie : En effet. Avec Andrew, mon agent depuis près de 40 ans, on est comme un vieux couple marié ! Il me comprend mieux que moi-même. Il m’a d’abord conseillé de ne rien écrire durant un an. Puis, après cinq-six mois, il m’a dit : « Tu écriras là-dessus ». Je m’y suis mis l’an dernier, en février. Il aurait été stupide de ma part d’écrire autre chose, même si pas mal de gens pensaient que j’allais éviter le sujet. Au contraire, c’est le sujet qui m’a dicté ce livre, dont la seule raison d’être est l’attaque dont j’ai été la cible.

« Tout mon fonds sortira progressivement en Folio »
Il s’agit de votre premier livre en grand format qui paraît chez Gallimard. Pourquoi ce changement ?

Gallimard a déjà publié, depuis 2009, plusieurs de mes livres en Folio. Nous avons décidé, avec Andrew, de réunir toute mon œuvre dans la même maison. Tout mon fonds sortira progressivement en Folio.

Un recueil de vos Essais 1981-2002 vient de paraître en même temps que Le couteau...

Oui, un gros volume, qui rassemble deux de mes recueils, Patries imaginaires et Franchissez la ligne… Deux livres pour le prix d’un, je suis un auteur économique ! Et rien que pour la France.

Vous entretenez, depuis vos débuts en littérature, une relation privilégiée avec notre pays. Vous comprenez et parlez même pas mal notre langue.

Mon tout premier roman, Grimus, a été publié chez JC Lattès, en 1977. C’était ma première traduction, avec Israël. Et Midnight’s Children (Les enfants de minuit, Stock, 1983) a remporté le Prix du meilleur livre étranger, le seul que j’aie reçu en France. C’est un long chemin parcouru, et j’adore venir en France.

Dans vos essais, comme dans Le couteau, vous parlez beaucoup de l’Inde, de vos rapports avec votre pays d’origine. Quand y êtes-vous retourné pour la dernière fois ?

Juste avant la pandémie. Je suis allé dans plusieurs villes, dont Delhi ou Bombay, ma ville natale, pour la promotion de l’adaptation au cinéma de Midnight’s Children, par la réalisatrice indo-canadienne Deepa Mehta. C’est moi qui ai écrit le scénario. C’est mon premier scénario abouti, réalisé, et j’ai reçu pour cela mon premier award au Canada.

Vous dites avoir souffert de l’absence de réaction, de soutien de la part des autorités indiennes à votre égard.

Je n’attendais pas grand-chose des officiels, mais quand même ! Rien. Contrairement à d’autres dirigeants, comme le président Biden, ou votre président Macron. En revanche, j’ai reçu beaucoup de messages de sympathie de la part d’intellectuels, journalistes, amis indiens.

« Je ne suis pas sûr de me reconnaître dans "l’Inde nouvelle" du pouvoir indien actuel »
Diriez-vous, comme Arundhati Roy, que l’Inde de Narendra Modi « n’est plus une démocratie » ?

Un milliard d’Indiens sont en train de voter en ce moment, c’est le propre d’une démocratie. Mais j’ai grandi avec la foi en Gandhi et Nehru, qui ne sont plus en odeur de sainteté aujourd’hui. Je ne suis pas sûr de me reconnaître dans « l’Inde nouvelle » du pouvoir indien actuel.

Les Versets sataniques y sont toujours interdits ?

Officiellement, oui, mais on peut sûrement acheter le livre sur Amazon, et le texte piraté circule sur Internet.

Vous arrive-t-il de réfléchir à ce qu’aurait pu être votre vie, sans les Versets sataniques ?

La vie aurait été plus tranquille ! Les années 1980, pour moi, ont été heureuses. Le monde où je vivais me plaisait bien. Et puis patatras, la fatwa. Je me suis dit que je devais continuer sur la même trajectoire, écrire mes livres, sans peur ni esprit de revanche. Et je m’y suis tenu. Si vous ne saviez rien de moi, si vous lisiez seulement mes romans, chronologiquement, vous ne remarqueriez pas ce qui m’est arrivé en 1989. Je suis assez fier de cela.

Le couteau est un livre atypique, inclassable.

Je me suis demandé moi-même ce qu’était ce texte. J’ai failli titrer : « Le couteau, une histoire d’amour ». L’amour pour ma femme, Eliza, ma cinquième épouse (je ne suis pas fier de ça !), pour mes deux fils, Zafar et Milan, mes sœurs… Toute la famille a été bouleversée par ce qui m’est arrivé.

Vous parlez de vos fils, pour la première fois. Que font-ils dans la vie ? L’un est-il écrivain ?

Ah non, certainement pas ! Zafar travaille dans l’événementiel. Milan est plus artiste, musicien ; il veut devenir ingénieur du son, producteur de musique.

« C’est un crime américain dans une Amérique violente, où le meurtre de masse est quotidien »
Ont-ils lu vos livres ?

Peut-être deux ou trois, je n’en suis pas sûr ! Et ça m’agace. Je ne cesse de leur dire de les lire. Mais, après tout, si leur père était avocat, ils ne seraient pas forcés de s’intéresser à ses dossiers.

Malgré l’attentat, vous êtes demeuré vivre à New York. Vous n’avez pas songé à vous installer ailleurs ?

Non, j’y suis maintenant fixé. Ma femme y a sa famille. Et puis on va souvent à Londres, où vit la mienne. Je suis dégoûté par l’agression, et par mon agresseur, pas par les États-Unis. Mais je sais que cette histoire a un rapport avec la violence américaine. C’est un crime américain dans une Amérique violente, où le meurtre de masse est quotidien.

Une longue partie du Couteau est consacrée à quatre « sessions » imaginaires avec votre agresseur. L’avez-vous rencontré ?

C’est une partie fictionnelle, la plus littéraire du livre, et la plus intéressante à mes yeux. Je l’ai écrite comme un dialogue socratique. L’important pour le romancier était de donner à son personnage quelques bonnes répliques ! J’ai croisé mon agresseur une seule fois, 30 secondes, cela m’a suffi. Mais ce garçon demeure pour moi, écrivain, un mystère « romanesque » : qu’est-ce qui a poussé un jeune homme de 24 ans, sans antécédent judiciaire ni fiché pour radicalisation, à commettre un crime contre quelqu’un qu’il ne connaît pas, un écrivain qu’il avoue n’avoir pas lu ?

« Je témoignerai si on me le demande »
Vous témoignerez au tribunal ?

Le procès est censé avoir lieu en septembre, mais je n’en sais pas plus. Oui, je témoignerai si on me le demande, mais le jury n’a qu’à lire mon livre, ma déposition est déjà dedans !

L’accusé a décidé de plaider « non-coupable ». Pourquoi ?

C’est une tactique de négociation de ses avocats, je suppose. Mais je n’attends de ce procès qu’une seule chose : que mon agresseur aille en prison pour longtemps. Désormais, c’est son affaire à lui, pas la mienne. Je me sens presque « détaché ». Toute cette histoire est derrière moi.

Travaillez-vous à votre prochain roman ?

J’ai déjà quelques fragments. Mais, pour l’instant, je suis occupé par la promotion du Couteau, que j’accompagne en France, en Italie, en Espagne, en Allemagne, au Royaume-Uni, comme un écrivain normal. Ensuite, cet été, je m’y remets !
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Il n'avait jamais fourni matière à réflexion à ces augustes personnages mais à présent ils pensaient à lui. Rapidement, impitoyablement, le monde de la religion posait les termes du débat. Le monde laïc, moins organisé, moins uni, moins concerné, traînait loin derrière, et beaucoup de terrain, d'une importance vitale, fut cédé sans aucune lutte.
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Le monde est plein d'histoires d'amour et, en un sens, tous les amants sont des avatars de leurs prédécesseurs.
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Qui a soufflé au Prophète ses versets?
"Une voix murmure à son oreille:Quel genre d'idée es-tu? Démon-ou-strueux?
Nous connaissons cette voix. Nous l'avons déjà entendue"
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La vie nous est donnée mais nous devons accepter son mystère et nous devons nous réjouir de ce que peuvent saisir l’œil, la mémoire l’esprit. Tel était son credo. J’ai moi-même consacré ma vie à des activités financières, à me salir les mains avec de l’argent, et ce n’est que maintenant qu’il est parti que je puis rester dans son jardin et l’écouter parler.
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Un accident est vraiment une chose triste et cruelle, mais mais mais -Crac! Boum! Badaboum! - on rit et on rigole.
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La plupart des choses qui ont de l'importance dans notre vie se passent en notre absence...
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Salman Rushdie
Aujourd'hui, dans le roman, le politique et l'intime ne peuvent plus être séparés. Désolé, mais on n'est plus au temps de Jane Austen, qui pouvait écrire toute son œuvre pendant les guerres napoléoniennes sans jamais y faire allusion.
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L'Être Suprême ne se montre jamais ; ce qui revient sans cesse c'est cette scène, le Prophète envoûté, l'expulsion, le cordon de lumière, et Gibreel dans son double rôle à la fois en-haut-observant-en-bas. Et tous deux à moitié morts de peur par cette transcendance. Gibreel se sent paralysé par la présence du Prophète, par sa grandeur, il se dit je suis incapable de prononcer une parole j'aurais l'air d'un sacré imbécile. Le conseil de Hamza : ne montre jamais ta peur : les archanges ont autant besoin de ce conseil que les porteurs d'eau. Un archange doit avoir l'air calme, que penserait le Prophète si l'Exalté de Dieu commençait à bafouiller de trac ?
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Je leur dis : "C'est la vérité. La vérité de la mémoire, parce qu'elle est particulière. La mémoire sélectionne, élimine, modifie, exagère, minimise, glorifie et dénigre aussi ; mais à la fin elle crée sa propre réalité, sa vision des événements, hétérogène, mais généralement cohérente ; et aucun être humain sain d'esprit ne fera plus confiance à la version d'un autre qu'à la sienne."
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Malgré son âge, il ne semblait absolument pas se soucier de la question de la mort, de savoir quand viendrait la fin et ce qu'il y avait ou ce qu'il n'y avait pas au-delà de cet irrévocable point final. J'ai vu à la télévision, raconta-t-il à Sancho, l'interview d'un célèbre cinéaste à qui un journaliste flagorneur demandait s'il était heureux de savoir qu'il vivrait toujours dans ses chefs-d'œuvre. "Non, répondait le réalisateur, j'aimerais mieux vivre dans mon appartement."
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Flottant sur un nuage, Gibreel pensa que le flou moral des Anglais venait de la météorologie. « Quand il ne fait pas plus chaud le jour que la nuit, raisonna-t-il, quand la lumière n'est pas plus claire que l'obscurité, quand la terre n'est pas plus sèche que la mer, alors il est évident que les gens perdent le pouvoir de faire des distinctions, et commencent à tout considérer – partis politiques partenaires sexuels croyances religieuses – comme du pareil-au-même, rien-à-choisir, à-prendre-ou-à-laisser. »
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Il semble qu'en cette fin d'année, mon grand-père, le docteur Aadam Aziz, ait contracté une forme très dangereuse d'optimisme... Il n'était pas du tout le seul, parce qu'en dépit des efforts acharnés des autorités qui voulaient étouffer la virulente épidémie, elle s'était répandue dans tout l'Inde cette année -là, et des choses irrémédiables allaient être commises avant qu'on reprenne la situation en main...
.. L'épidémie d'optimisme avait été causée par un seul homme, dont le nom, Mian Abdullah, n'était utilisé que par les journalistes. Pour tous les autres, il était le Bourdon, une créature impossible à imaginer si elle n'avait pas existé.. Le Bourdon était le fondateur, le président, l'unificateur et l'animateur du Rassemblement islamique libre...

.. Ce fut la fin de l'épidémie d'optimisme. Le matin, une balayeuse entra dans le bureau du Rassemblement islamique libre et découvrit le Bourdon, réduit au silence, sur le plancher, entouré d'empreintes et de pattes de chiens et des restes de ses meurtriers. Elle hurla: mais , plus tard, quand les autorités furent venues et reparties, on lui dit de nettoyer la pièce. après avoir enlevé les innombrables poils de chien, avoir écrasé des milliers de mouches et avoir retiré du tapis les morceaux d'un oeil de verre éclaté, elle alla se plaindre auprès de l'administrateur de l'université de ce qu'on lui donne de telle tâches et que, si ce genre de choses devait se reproduire, elle mériterait une petite augmentation. Ce fut sans aucun doute la dernière victime du microbe de l'optimisme et, pour ce qui la concernait, la maladie ne dura pas longtemps parce que l'administrateur qui était un homme très dur, la flanqua à la porte.
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Salman Rushdie
C'est très bien de rappeler que la plupart des musulmans ne sont pas des extrémistes. Il était également vrai que la plupart des Russes n'étaient pas des partisans du Goulag ou que la plupart des Allemands n'étaient pas des nazis. Pourtant, l'Union soviétique et l'Allemagne hitlérienne ont bien existé. Ainsi, lorsqu'une déviance grandit à l'intérieur d'un système, elle peut le dévorer, et tel est ce qui se passe avec le fondamentalisme en islam. Je me souviens d'ailleurs que, quand j'ai commencé à être la cible des attaques des islamistes, quelques journalistes américains de gauche avaient apporté leur soutien à l'imam Khomeini parce que il luttait contre le pouvoir hégémonique de l'Ouest. Le présupposé constant de la gauche, c'est que le monde occidental est mauvais.

Entretien dans L'Obs n°2744 (8-14 juin 2017)
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