Rencontre avec le romancier Amitav Ghosh, auteur de "Le grand dérangement : d'autres récits à l'ère de la crise climatique" et de "Gun Island".
La Science n'appartient au aucun pays. La Raison n'appartient à aucune nation. Elles appartiennent toutes deux à l'histoire - elles appartiennent au monde.
La rhétorique, c'est un langage qui se fait des muscles.
Car le beau n'est rien d'autre
que le commencement du Terrible, quand c'est tout juste
si nous l'entendons encore,
et nous l'admirons parce qu'il dédaigne avec indifférence
de nous détruire¹.
1. Rainer Maria Rike, "Première élégie", in Élégie de Duino, op.. cit. p. 53.
Dans leurs sourires, je lis les vers du Poète :
Vois, je suis vivant. Qu'est-ce qui me fait vivre ?
L'enfance ni l'avenir
ne s'amenuisent ... L'être qui jaillit dans mon cœur
m'est donné par surcroît ¹.
1. Rainer Maria Rike, "Neuvième élégie", in Élégie de Duino, op. cit., p. 135.
Car, là où elle avait vu un signe de Bon Bibi, je voyais, moi, le regard du Poète. J'avais l'impression qu'il me disait :
[...] un animal, une bête muette
lève vers nous les yeux,
et nous transperce calmement de son regard.
C'est cela que l'on nomme le destin ¹...
1. Rainer Maria Rike, "Huitième élégie", in Élégie de Duino, op. cit., p. 121.
"Sur les rives de tout grand fleuve, tu trouveras un monument à l'extravagance."
L'ennemi du silence, c'est le discours mais il ne peut pas y avoir de discours sans mots et il ne peut y avoir de mots sans signification - et, par conséquent, avec l'inexorabilité d'un syllogisme, lorsque nous essayons de parler d'événements dont nous ignorons la signification, nous sommes condamnés à nous perdre dans le silence qui gît entre les mots et l'univers.
Dès qu'ils ont commencé à construire leurs premières maisons et leurs premières cités, les êtres humains ont tissé et vendu de l'étoffe. On a retrouvé des tissus indiens dans les tombes des pharaons. Le sol des Indes est jonché de crêpes de Chine. Le monde antique tout entier bourdonnait du commerce des étoffes. La Route de la Soie, qui, traversant l'Asie centrale et la Perse, aboutissait aux ports de la Méditerranée pour repartir de là vers les marchés d'Afrique et d'Europe, a uni des continents durant plus de siècles que nous n'en pouvons compter. Elle engendra des empires et des épopées, des villes et des amours. Ibn Battuta et Marco Polo n'étaient que des voyageurs qui suivaient des chemins rendus sûrs et tranquilles, au cours des âges, par des commerçants inconnus, méconnus, armés seulement de leurs ballots d'étoffe.
Kanak éclata de rire : «Moyna, c'est vrai qu'il est votre mari, mais, alors, pourquoi ne pas lui parler vous-même? Pourquoi voulez que je le fasse à votre place?
- C'est parce qu'il est mon mari que je ne peux pas lui parler, Kanai-babu. Seul un étranger peut traduire ces choses en mots.
- Pourquoi serait-ce plus facile pour un étranger?
- Parce que les mots ne sont que de l'air, Kanai-babu. Quand le vent souffle sur l'eau, vous voyez des ondulations et des vagues, mais la vraie rivière coule en dessous, sans qu'on la voie ni qu'on l'entende. On ne peut pas depuis le fond souffler sur la surface, Kanai-babu. Seul quelqu'un qui est à l'extérieur peut le faire, quelqu'un comme vous.»
Comment mieux louer le monde qu'en faisant ce que le Poète souhaiterait nous voir faire : en parlant de potiers et de cordeliers, en parlant de
ce qui est simple et qui,
de génération en génération façonné,
vit d'une vie qui nous appartient, à portée de main,
sous nos yeux¹.
1. Rainer Maria Rike, "Neuvième élégie", in Élégies de Duino, op. cit. p. 133.