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Citations de Mathieu Belezi (173)


il était loin le paradis que le gouvernement de la République nous avait promis, et on n’était pas près de l’atteindre, nous tous entassés sous les tentes militaires au milieu de nulle part, dans ce trou perdu que l’autorité militaire avait osé appeler colonie agricole, on n’était pas près de l’atteindre, et peut-être qu’on ne l’atteindrait jamais, ce paradis tant vanté, peut-être qu’on ne l’atteindrait jamais parce qu’il n’existait pas, qu’il n’avait jamais existé et qu’il n’existerait jamais, tout au moins pas pour des gens comme nous
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« C’est une terre qui me fait peur. » (p. 23)
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Papa, de quoi te souviens tu dans ton cercueil en bois de chêne?
Oui, en bois de chêne, j'ai vu ça au premier coup d'oeil
pas de sapin pour ton corps bouffi d'alcool, non, notre mère malgré la haine qu'elle te porte ne l'aurait pas permis, pour ton corps de mauvais père et de mauvais mari du beau chêne épais, noble, sculpté, du chêne de colon fier de sa réussite
J'ai vu ça au premier coup d'oeil
tu as les mains sur le ventre, les jambes bien alignées l'une contre l'autre, des chaussures anglaises aux pieds, ton costume de paon satisfait, il ne manque que la Légion d'honneur qu'on a oublié volontairement ou involontairement de fixer sur ton jabot, tu es parfumé, rasé, coiffé, tu n'es pas beau ni impressionnant à regarder, tu es un paon, tu étais un paon sur tes terres de colon et tu es encore un paon dans ton cercueil
j'ai vu ça au premier coup d'oeil
alors pourquoi te souviendrais tu de notre chaise à histoires? vu que tu ne t'es pas assis une seule dois dessus pour remplacer la voix ténébreuse de Fatima, vu que tu avais bien d'autres choses à faire que de lire des histoires à dormir debout aux trois enfants qui portaient ton nom de paon
que je te détestais, papa, et que je te déteste encore
il faut m'excuser, un père qui n'a servi à rien ne peut pas s'attendre à être aimé
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L'évidence des choses me surprend, moi qui viens de la ville où tout est flou. (p.15)
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Autour de moi ce ne sont que verdures tendres se livrant sans vergogne aux jeux de la résurrection. Et ce sang, la couleur crue, sombre et menaçante qu’il impose, me venge de la désinvolture du monde à mon égard.
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Je dors dans cette odeur. Avec des genoux qui me labourent le dos et un ronflement de sanglier qui fait tinter les verres et se hérisser les poils du chat juché sur le vaisselier.

La saillie des os de ce vieux visage, qui n'a jamais été jeune et dans mes convictions enfantes doit survivre cent ans, la tendresse de ses yeux lavés, de ces mains qui tremblent, comblent jour après jour le vide laissé par ceux qui m'oublient.
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Mais avant de me taire, il faut que je dise dans quel enfer on nous a jetés, nous autres colons, abandonnés à notre sort de crève-la-faim sur des terres qui ne veulent et ne voudront jamais de nous
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parce que devant toi je me sens coupable de vous avoir entraînés dans cette aventure coloniale sans queue ni tête qui ne nous a menés à rien , qui ne nous a rien rapporté, sinon des souffrances quotidiennes (…) coupable d’avoir écouté cet homme à cravate assis derrière son bureau de fonctionnaire , d’avoir cru à son boniment , de vous avoir entraînés sur des terres qui ne veulent et ne voudront jamais de nous
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Oui fautes il y a, dans la mesure où je n'ai pas su comprendre que je n'avais rien à faire sur ces terres africaines, rien à conquérir, rien à construire, rien à espérer, surtout pas une vie meilleure, car l'Algérie était bien incapable de m'offrir quoi que ce soit.
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Dans ses yeux de mère je ne suis pas à l’aise, il y a si peu de place pour moi.
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[…] regardez-nous peuple de gredins, engeance du diable, vous avez beau nous épier derrière les murs de vos gourbis, ricaner en montrant du doigt nos grolles rafistolées, nos pantalons rapiécés, nos shakos cabossés, rien ne nous arrête et ne nous arrêtera jamais, nous marchons comme un seul homme dans les rues coupe-gorge de vos villes et de vos villages, saccageons vos mosquées, vos casbahs, vos tombeaux, piétinons avec rage vos champs de blé, coupons à la hache vos orangers, oliviers, citronniers, amandiers, tout ce qui peut nous servir de bois de chauffage lorsque nous campons à la belle étoile, et qu’il fait froid, et qu’il faut réchauffer nos pauvres guibolles fatiguées, nous détournons l’eau des sources pour nos gosiers assoiffés, nous prenons de force vos chameaux, vos troupeaux de moutons, sourds à vos contorsions de désespoir, vos jérémiades de bonnes femmes, vos pleurs bien mal imités […]
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[…] et pendant que le bon sens de Louis inventait l’espoir d’une lutte pour rester en vie, comme si notre pauvre combat d’humains avait une quelconque chance de s’opposer à la faux dévastatrice du choléra, quelqu’un a frappé à notre porte […]
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— Je les connais vos guenillards, vos hyènes aux chicots sanguinaires qui égorgent mes pauvres soldats venus de France tout exprès pour le pacifier votre foutu pays, pour le nettoyer de sa vermine, nom d’un bordel ! Et c’est comme ça que vous nous remerciez !
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[…] nous avions tous décidé que cette nuit de noce serait à nous, et que nous ne penserions à rien d’autre qu’à manger, boire, s’amuser, poussés aux extrêmes par cette force qui en chacun de nous reprenait ses droits, nous basculait dans le bruit et la fureur du côté de la vie
— Vive les mariés !
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— Foutez-moi le feu à tout ça ! Razziez mes braves ! Razziez tant que vous pouvez
et il ne nous faut que le temps de cet ordre pour fourrer le tabac dans nos poches et commencer notre razzia, c’est la ruée, l’infernale et alléchante ruée qui nous fait bander dans nos frocs, nom de Dieu de nom de Dieu et nos mains féroces éventrent les sacs et les coffres, roulent les tapis, arrachent au cou ensanglanté des moukères leurs breloques, tranchent les doigts chargés de bagouzes, et les oreilles des hommes tout aussi bien que celles des femmes qui valent leur pesant d’or, vous pouvez me croire, au marché noir d’Alger
nom de Dieu de nom de Dieu !
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et le capitaine qui nous rassemblait pour nous parler de l’avenir avait du mal à se faire entendre, dociles nous écoutions ses paroles, dociles nous l’approuvions, mais notre égarement quotidien, notre impression d’avoir perdu la presque totalité de notre âme, nous empêchait de reprendre le travail de colon que nous avions abandonné, de trouver un réel sens à notre présence sur cette maudite terre d’Algérie
l’enfer avait disparu, mais nous n’étions pas près d’oublier qu’il était là, sous nos pieds nus allant et venant en toute ignorance, et qu’il pouvait à n’importe quel moment rouvrir ses abîmes et disposer à sa guise de nos vies, sans que notre Dieu s’émeuve d’une quelconque manière – alors que nous n’avons jamais cessé de le louer depuis des siècles
comment croire, après cela ?
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empêchait de reprendre le travail de colon que nous avions abandonné, de trouver un réel sens à notre présence sur cette maudite terre d’Algérie
l’enfer avait disparu, mais nous n’étions pas près d’oublier qu’il était là, sous nos pieds nus allant et venant en toute ignorance, et qu’il pouvait à n’importe quel moment rouvrir ses abîmes et disposer à sa guise de nos vies, sans que notre Dieu s’émeuve d’une quelconque manière – alors que nous n’avons jamais cessé de le louer depuis des siècles
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Nous ne sommes pas des anges
le capitaine n’a cessé de nous le brailler dans les oreilles, et nous le braille encore
- Vous n’êtes pas des anges !
pendant que le soleil dégringole derrière l’horizon et que montent au ciel les alouettes sorties des lentisques et des palmiers nains
- Bordel, m’entendez-vous quand je vous dis que vous n’êtes pas des anges !
comme si nous étions sourds, et débarqués de la dernière pluie, et encore tout empotés sous le joug du barda militaire, alors que depuis notre débarquement à Sidi-Ferruch nous en avons fait du chemin, mis le feu aux villages, tranché des têtes, éperonné le ventre de pas moins de cent mille femelles et troué à la baïonnette combien de centaines de milliers de poitrines barbares ? combien ? en quinze ans de conquêtes sur ces terres de malheur nous sommes bien incapables d’en faire le compte
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ensemble nous avons mangé les rations que les soldats distribuaient, des feux avaient été allumés aux abords du camp, et des gardes armés veilleraient jusqu’à l’aube sur notre sommeil, nous avait promis le capitaine
- Qu’est-ce qui pourrait nous menacer, capitaine ?
- Tout, mes amis, tout ce qui rôde, rampe, grogne, des bandes de pillards jusqu’aux vipères à cornes, en passant par ces lions du désert qui pullulent dans la région
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et nous avons poursuivi notre travail de laboureurs, detonçant cette terre qui, j'en suis bien certaine, depuis sa création n'avait jamais connu le soc d'une charrue, à chaque pas je ressentais malgré tous nos malheurs une espèce de fierté, et sans doute qu'Henri ressentait la même chose, oui une espèce de fierté qui était peut-être plus que de la fierté, qui ressemblait plutôt à de l'orgueil, j'ose le dire, un orgueil sans doute mal placé mais qui se justifiait par le fait que cette terre soumise depuis des millénaires aux humeurs de cette effroyable barbarie africaine était enfin tirée de ses ténèbres par la volonté de colons riches et pauvres, forts et faibles, hommes, femmes et enfants qui ne cherchaient rien d'autre qu'à tracer des sillons bien droits et bien profonds, comme nous étions en train de le faire en cette après-midi d'automne, pour récolter blé, orge, tabac et raisin, et tant d'autres richesses qu'offre la terre lorsque l'homme la travaille avec ardeur et intelligence
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