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EAN : 9782362796241
144 pages
Alma Editeur (01/03/2024)
5/5   3 notes
Résumé :
C’est une femme qu’il est venu chercher dans cette ville de bord de mer comme il y en a tant, une femme et peut-être aussi le vacillement de ses six ans, ou autre chose encore qu’il ne sait pas, peut-être le fil du temps qui s’enroule quand on le regarde du haut d’un grand escalier – ici, à Lisbonne.
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Le héros de ce roman cherche à revivre les vacances portugaises de son enfance, cette « Parenthèse enchantée dans le déchirement conjugal. » de ses parents, à retrouver la plage et les sentiments confus que le spectacle des corps dénudés a provoqué alors qu'il n'avait que six ans. « Ce territoire grisant de liberté réservé aux adultes » résonnant avec « Les adultes sont à eux seuls des univers sibyllins. » de Silvina Ocampo.
« C'est cela peut-être qu'il était venu chercher dans cette ville : une fille et le vacillement de ses six ans. »
Mais, « L'enfance a la force d'une vision qui ne revient jamais » comme l'étage de la fusée abandonnée dans l'espace, qui propulse la capsule en la libérant suggère l'auteur qui définit son personnage en écrivant qu'il est « (…) lancé à l'assaut des conquêtes féminines pour ne pas conquérir son propre territoire : lui. »
Quarante ans plus tard poursuivant son rêve il mesure le poids le poids de l'héritage familial qu'on transmet malgré soi, et celui des souvenirs. Il se montre incapable de leur donner vie dans ce roman qu'il se voit refuser « Trop banal, déjà vu, déjà dit, rien de neuf, pas d'étoffe, pas de style, pas d'histoire, rien, le néant. » lui écrit l'éditeur.
Cette ville où il s'est perdu autrefois ne le voit plus « La vieille ne le voit pas, les chats ne le voient pas (…) invisible dans cette ville qu'il approche, dans le silence des rues » ; mais, ce qu'il voit dans la ville le ramène à lui, à son histoire…celle que les autres ignorent de leur indifférence.
Dans ce lieu, il souffre lui de l'histoire « Des hommes se sont embarqués des hommes ivres* d'un monde dont il fallait bien trouver la fin » de ceux qui ont décidés d'« Épouser la folie de se savoir parti (…) aux temps où l'on tirait de la nébuleuse d'ignorance une aptitude aux certitudes »
Certitudes qui lui font cruellement défaut…
Il est à la fois cet étranger, ce voyageur, cet explorateur, ce migrant que l'on finit toujours par ignorer…qui se pose à jamais ces question : que devient cette partie du monde que l'on a connu autrefois lorsqu'on la quitte ? Qu'est-elle devenue lorsque l'on y revient ?
Sa quête a-t-elle du sens pour les habitants de ces quartiers de Lisbonne qu'il parcourt, entend-il « leurs prières derrière eux parce qu'ils ne savent pas vers quoi les tourner », lui qui « viens ici sans prières et sans savoir pourquoi c'est de là qu'il faut repartir de zéro »
J'ai apprécié ce roman pour la façon dont le récit est construit faisant la part belle à des listes de choses et de lieux agissant comme des exhausteurs de mémoire :
« () un accessoire de déguisement, une tenue de héros ou un petit fusil, un arc peut-être, ou bien un piège en bois pour les oiseaux Il revoit de mémoires d'autres jouets disséminés au fil des années, il y en a même qu'il a gardé et qui traînent dans son appartement d'aujourd'hui à Paris, un hibou en terre cuite, un porte-clés où pend un écureuil au pelage doux, une boite en faïence en forme de maison qu'il avait fait tomber et qui s'était brisée sur le carrelage »
« (…) un rat qui s'enfuit derrière un tas de sable, une pelleteuse arrêtée, un sac plastique bleu où traîne une bouteille vide, le vent qui froisse la surface du sac par à-coups. »
J'ai apprécié aussi le rythme poétique de l'écriture dont on décèle les rimes cachées à la lecture à voix haute :
« Sous les pas qui s'enlisent dans le sable brûlant. »
« (…) et le son de la voix s'enroule »
« (…) ni la pointe blanche des voiliers sur l'espace trop grand de la mer »
« (…) une succession de week-ends avec vue sur la mer. »
« Un silence de caverne qui ne disait plus rien de ce qu'était le père. »
« La librairie et la plage sont les deux pôles autour desquels tourne ce voyage, tourne sa vie, il vient de le comprendre. »
« (…) le foisonnement vaporeux des silhouettes sur un marché parcouru d'effluves de poulet grillé dans le tremblement de la chaleur, bruyant du zinzibulement des tourterelles en cage. »
« (…) des silhouettes de chiens sans maître qui s'excusent d'accaparer l'espace. »
« Une épicerie où reluit un gigot derrière un visage dont il ne voit que la casquette »
« Une cour vide où un chat sans histoires laisse glisser le temps sur lui, et les rayons inclinés de la fin de journée. »
Le héros finira-t-il par atteindre son but, parviendra-t-il à écrire le roman de sa vie ? Juliette Willerval l'enferme dans ses doutes et le pousse à découvrir ce qu' « il (le) savait en se disant ne pas le savoir », à se demander de quoi est constitué le passé familial…une somme de souvenirs partagés ? Des souvenirs cachés ? Des souvenirs inavouables ? D'autres que lui peuvent-ils les lui voler, les raconter à sa place ?
La sensation de vitesse et d'oppression découlant des événements racontés sont impressionnantes et donnent une puissance extraordinaire au récit. Etonnant pour un premier roman…On ne peut que s'interroger sur l'origine de l'inspiration de l'autrice…Expérience propre ? Expérience rapportée ? Espérons qu'elle y répondra au cours de l'émission du book club sur France Culture où elle est invité le 27 mars.

Un roman dont je recommande la lecture.

* José Maria de Herédia, Les conquérants, « Partaient, ivres d'un rêve héroïque et brutal. »
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" Sur la plage " Est Un roman qui mêle nostalgie, découverte de soi et un soupçon de drame, porté par la plume de Juliette Willerval.
Dans cette trame, les intrications subtiles de la mémoire entraînent le protagoniste dans un voyage introspectif, faisant émerger des fragments cruciaux de son enfance.
Juliette Willerval est née à Arras, dans le Pas-de-Calais. Professeur de lettres, elle a enseigné en France et à Istanbul.
Lien : https://lapressedusoir.fr/su..
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critiques presse (2)
LeMonde
26 mars 2024
Ce premier roman est une belle errance dans les labyrinthes de Lisbonne et de la mémoire.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Actualitte
20 février 2024
Il y a toujours une certaine fascination à feuilleter un premier roman, on ne sait pas à quoi s’attendre faute de repères. C’est dans la surprise qu’on s’apprête à rencontrer un auteur, une écriture, une histoire. Parfois cette surprise se transforme en agréable découverte. C’est exactement ce saisissement qu’on ressent en finissant le livre de Juliette Willerval, signant Sur la plage aux éditions de l’Alma, premier roman intriguant, déchaînement de sensations et d’émotions.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (2) Ajouter une citation
c'est une femme seulement qu'il est venu chercher dans cette ville immense où il était allé une fois enfant, et dans laquelle il s'était perdu. Une ville de bord de mer comme il y en a tant, dans lesquelles la mer sert de repère à ceux qui se perdent, parce qu'on sait toujours où l'on est quand se dresse, soit mentalement soit devant soi, cette ligne où par la force des choses tout s'arrête, où il faut bien que tout ça les maisons agglutinées les unes aux autres, la dégringolade de rues, les boursouflures que font les hommes sur la terre se voie contraint de finir, de façon un peu hébétée et désolée, en s'échouant sur le bloc infranchissable d'eau.
C'est là qu'enfant il avait connu la désertion de tout repère, la brusque bascule de l'univers qui s'était mis à tanguer autour de lui dans le vertige de ses six ans, qu'il n'avait jamais réussi à rejoindre depuis, même pas dans les vapeurs vitreuses de l'alcool. Sur cette plage de Lisbonne, ses parents s'étaient évaporés dans la masse de corps humains grouillants, qu'il avait cru voir griller dans un enfer prématuré lorsque l'absence lui était apparue. Ces corps étalés au soleil, enduits, brillants, immobiles ou s'ébattant dans leur joie sportive, silencieux ou bavassant l'un avec l'autre, ces corps avaient été sa perte, il les avait suivis sans se méfier le long de la ligne tracée par l'océan, il les avait suivis en oubliant le reste, parce que pour une fois personne ne l'avait empêché de se livrer à ce plaisir de voir sans être vu, et il avait pu se vautrer dans sa curiosité sans entendre une voix qui lui dise de venir en le tirant par le poignet. Alors, pendant qu'il se gorgeait la bouche ouverte de tous ces autres, les usant de ses regards qui s'infiltraient sous les peaux, de ses oreilles qui saisissaient des bribes de mots presque sacrées, tout son monde d'enfant s'était évanoui. Et de corps en corps, de silhouette en silhouette, de glace à l'eau en chichi, de châteaux écroulés en sanglots de petite fille, des embrassades adolescentes aux peaux plissées de vieillards, de seins débordant du maillot au ballon de volley rattrapé de justesse, de la pose étudiée pour l'appareil au couple qui s'injurie tout bas, tant de vies s'étaient écoulées, tant d'histoires s'étaient racontées sans qu'il ait eu rien d'autre à faire qu'à regarder, que, pas à pas, il avait longé cette plage en se croyant aussi stagnant que ceux qui étaient là à vivre sous ses yeux, sans se rendre compte que son corps à lui, flottant sans y penser sur des vagues invisibles, en se laissant happer par ce vacillement
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Le sang qui éclabousse le papier peint rose, voilà ce qu’il voit, lui, le sang qui séchera déjà sur ses mains quand il redescendra l’escalier, parce que ce qui illumine maintenant ce tournis vieux comme sa vie, c’est cette arme venue réveiller le rose fade du papier peint usé, cette arme venue saturer de son désir d’exister l’espace pâle et plat de sa vie. Cet homme, un homme, il faut tuer quelqu’un pour briser le trompe-l’œil, faire cesser le vertige, il faut tuer pour faire cesser l’obsession du crime comme dans ce livre qu’il a lu il y a longtemps, adolescent, ce livre russe, et c’est peut-être mieux si c’est un écrivain qu’il tue, un qui a réussi là où lui a échoué.

Dans le tournoiement de l’escalier qui le capture de son vertige, il revoit tournoyer les grands signes du père, le dernier jour avant sa fuite, devant la grille de l’école au rouge piqué de rouille
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