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4,49

sur 2981 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je l'avais lu à l'adolescence avec enchantement, il ne m'en restait plus que le souvenir de Cathy, le monstre au visage d'ange, un personnage visiblement inoubliable.
A la relecture, la beauté demeure éblouissante, et les références bibliques, évidemment, me sautent à la figure beaucoup plus qu'en ma jeunesse ignarde. Deux couples d'Abel et Caïn, des personnages marqués au front (méchants), le jardin d'Éden en Californie dans la vallée de Salinas, un sage patriarche que le Tout-Puissant éprouve et ...un domestique chinois absolument irrésistible, drôlatique, que j'avais complètement oublié -shame on me !
Cependant, c'est pour moi comme tomber amoureuse d'un mystère splendide. Car je sens bien qu'à mon esprit de petite frenchie laicarde échappe quelque chose : le sens de tout cela. Les damnés sont-ils damnés ou sauvés ? Les bons sont-ils si bons ? ( Adam, Aron) Steinbeck nous raconte-t-il une fable biblique ou une histoire d'humains façonnés par la bible ? Ou les deux ?
En tout cas c'est une merveille, énigmatique.
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Dès que j'ai eu connaissance du thème de ce mois-ci : de l'écrit à l'écran pour le challenge Les classiques c'est fantastique 2ème édition, aucune hésitation : c'est ce roman que je voulais lire car le film d'Elia Kazan vu il y a très longtemps m'avait fortement marquée sans que j'en garde tous les détails et parce que John Steinbeck est un des écrivains de mon panthéon, parce qu'avec lui je ne risquais pas d'être déçue, parce que James Dean a marqué mon adolescence, donc la lecture du roman dont il est inspiré était donc une évidence.

"Les monstres ne sont que des variations à un degré plus ou moins grand des normes usuelles. (...) Au monstre, le normal doit paraître monstrueux, puisque tout est normal pour lui. (...) Au monstre, le normal doit paraître monstrueux, puisque tout est normal pour lui. Et pour celui dont la monstruosité n'est qu'intérieure, le sentiment doit être encore plus difficile à analyser puisque aucune tare visible ne lui permet de se comparer aux autres. Pour l'homme né sans conscience, l'homme torturé par sa conscience doit sembler ridicule. (...) N'oubliez pas que le monstre n'est qu'une variante et que, aux yeux du monstre, le normal est monstrueux. (p99)"

Salinas - Fin des années 1800 - jusqu'en 1917 : Dans ce roman John Steinbeck traite du thème tant traité du bien et le mal, de la rivalité fraternelle, à travers une famille, celle d'Adam Trask et ses deux fils : Caleb et Aaron, nés de son mariage avec Cathy mais en revenant préalablement sur la génération précédente, celle de l'enfance d'Adam, car il faut souvent aller chercher les racines des comportements dans le passé. Celle d'Adam (le bien) lui-même issu d'une famille où une rivalité fratricide avec son demi-frère Charles (le mal) l'a obligé à fuir et à s'installer à Salinas avec sa femme Cathy. Celle-ci tout au long du roman joue un rôle capital et représente le mal absolu dans ses pensées et ses actes. de leur union naîtront des faux-jumeaux : Cal (Caleb) : le mal et Aaron (le bien).

L'auteur implante son histoire à Salinas, en Californie, sa ville natale dont il connaît les paysages, l'ambiance et s'intégrant lui-même dans l'histoire puisqu'il est le narrateur car ses propres origines familiales font partie du roman, se situant lui-même dans le récit puisque descendant de Sam Hamilton, son grand-père maternel et famille omniprésente dans l'ouvrage, témoin de l'histoire qui nous est relatée.

Tout au long de celle-ci, que ce soit au niveau des personnages principaux mais également de ceux qui les entoure, c'est la lutte et la confrontation des caractères avec toutes leurs complexités qui sont traités : réactions, désirs, ambition. Car, et c'est toute la richesse du roman, rien n'est tout noir (ou presque) ou tout blanc car l'auteur y intègre à la fois les questionnements de chacun, la dualité de leurs sentiments partagés qu'ils sont entre amour, fraternité, violence.

Rien de trancher car les deux frères jumeaux dizygotes (nés de deux oeufs), Caleb et Aaron portent en eux les mêmes gênes, le même sang et pourtant réagissent de manière opposée : l'un plus affirmé que l'autre, plus réactif et envieux mais en manque d'amour alors que son frère ne demande rien et a tout : beauté, douceur et amour. Car le noeud de l'histoire est l'amour : l'amour d'un père, seul lien familial, mais également l'amour maternel absent et l'image que chacun en a ou se créée.

Pourtant il y a dans la famille Trask une autre forme de présence maternelle à travers Lee, le domestique de la famille, à la fois cuisinier et nourrice, médecin des âmes et des corps et philosophe attentionné, sacrifiant ses ambitions au bonheur de la famille, mais également Sam Hamilton, le voisin inventeur visionnaire, fidèle à ses projets et refusant toute compromission. Et puis il y a Cathy, la femme représentant le mal et image du pécher originel peut-être, que ce soit en tant qu'épouse mais également en tant que mère, que rien n'arrête dans son ascension jonchant son parcours de crimes impunis.

Mais d'autres sujets sont abordés : la famille, le rôle des parents et de leur influence sur le devenir des enfants, de la violence des sentiments, des images faussées, de l'exploitation de certaines minorités (chinoise dans le cas présent à travers Lee), des blessures occasionnées par le mensonge : faut-il tout avouer, l'absence et surtout la sensibilité de chaque être face à son vécu, son contexte, au passé et les aléas de la vie.

Chacun cherche à trouver sa place à la fois dans le paysage mais également dans le coeur des autres et au-delà des faits, John Steinbeck s'attache à décortiquer la complexité des sentiments partagés et parfois si proches qu'ils se mêlent : haine/amour, vengeance/abnégation/sacrifice. Car Cabel aime son frère mais tout le pousse à lui faire du mal, à le blesser jusqu'à se sentir attirer par Abra, celle qu'Aaron aime depuis l'enfance et dont il veut faire sa femme.

Cabel/Caïn - Aaron/Abel - Adam : le père, le géniteur : tout est référence à la Génèse, à l'idée du pécher, de la culpabilité, Cathy étant celle par qui le mal s'introduit et pervertit tout ce qu'il touche, le ver dans le fruit et sera l'outil de la blessure ultime. A l'image des sentiments l'auteur confronte également la beauté alliée au bien, à l'ange blond fragile et le tourmenté au brun, plus fougueux, plus tempétueux, plus sombre et en quête perpétuelle d'amour qu'il soit filial ou sentimental.

Avec tout ce qu'il faut de romanesque mais également de constatations sur la société américaine avec ses croyances, son histoire mais également les valeurs ancrées dans la religion, l'auteur dessine une fresque qui analyse la complexité de l'âme humaine, de ce qui fait que l'on se sent aimé ou rejeté, que l'on aspire au mal pour obtenir ce que l'on désire, du déchirement quand la jalousie, les rancoeurs rongent l'esprit et vous poussent à meurtrir ceux que vous chérissez.

Il fait de Cathy son arme maléfique absolue, elle ravage tout ce qu'elle touche, approche, sombre dans la perversité totale car elle deviendra une tenancière d'un bordel, symbole du lieu de perdition, mais lui offre une sorte de rédemption en fin de roman, démontrant que tout être peut révéler une part d'inconnu.

Je n'hésite pas une seconde à le dire : ce roman est un chef-d'oeuvre à la fois dans sa construction, sa cohérence, la qualité de l'écriture mais également par les messages dont l'auteur parsème le récit. A l'Est d'Eden est à la fois une saga familiale, historique, géographique, sociétale, religieuse, psychologique de grande ampleur et un tel roman ne pouvait que faire l'objet d'une adaptation cinématographique lointaine dans mes souvenirs, avec James Dean dans le rôle majeur de Caleb pour lequel il a d'ailleurs été nominé aux Oscar comme Elia Kazan.

J'ai savouré ce pavé, je me suis immergée au milieu de cette famille, partagée que j'étais entre compassion, compréhension, dégoût, admiration avec une mention pour un second rôle celui De Lee, l'ombre chinoise qui tient la famille Trask, lui inculque la tolérance, la bienveillance mais sans jamais intervenir au-delà de ce que sa fonction ne lui autorise. C'est l'âme, le juste qui détient les réponses aux questions même quand celles-ci ne sont pas posées. Il sait, il sent. Et comment ne pas être attirée par Caleb et Aaron, car chacun détient une part de luminosité et d'obscur.

J'avais déjà eu des coups de coeur pour Les raisins de la colère et Des souris et des homme (lu également dans une magnifique adaptation graphique de Rebecca Dautremer, j'avais beaucoup aimé La Perle et Tendre Jeudi et quand j'aime je ne compte pas, j'ai dans ma PAL En un combat douteux.... (et les points de suspension font partie du titre). J'avais vu il y a quelques temps (2017) un très beau documentaire sur le voyage qu'effectua John Steinbeck seul avec son chien Charley, parcourant l'Amérique sur 16 000 kms pour s'imprégner et observer au plus près son pays.

Si on vous demande une saga familiale qui va au-delà du superficiel, qui vous plonge dans un pays, ses hommes et femmes avec ce qu'ils peuvent avoir de plus enfouis en eux : sans hésiter il faut lire A l'Est d'Eden parce qu'il y a tout ce qui fait un grand roman : l'amour, la haine, la fraternité, la volonté, les intrigues, les rebondissements avec du fond, de la matière, une observation minutieuse de la psychologie des humains et de leurs tourments, une plume vive, alerte, sans temps mort. Un roman publié en 1952 et dont l'adaptation cinématographique date de 1955.

Coup de coeur absolu pour le roman, j'ai avalé le pavé sans m'étrangler et je l'ai même refermé à regret, un de plus dans ma mémoire et mon panthéon mais avec (comme souvent) une préférence pour le roman car plus fouillé, plus intime que le film. Mention pour la couverture : Adam's house (!) (détail) de Edward Hopper, artiste que j'associe totalement à l'oeuvre de Steinbeck.

Pour info j'ai trouvé certaines similitudes dans l'histoire avec le film de Robert Redford : Et au milieu coule une rivière surtout dans le personnage de la mère et la relation entre les deux frères.....

"Sous sa carapace de lâcheté, l'homme aspire à la bonté et veut être aimé. S'il prend le chemin du vice, c'est qu'il a cru prendre un raccourci qui le mènerai à l'amour (p549)"
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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Encore un auteur célèbre que j'ai loupé plus jeune. Et tant mieux me semble-t-il car la richesse des thèmes abordés et des personnages m'aurait peut-être échappé si je l'avais lu à 18/20 ans.

Deux familles sont au coeur de ce roman : les Trask et les Hamilton.
Les Trask sont les personnages principaux : d'abord Adam et Charles, deux frères au caractère opposé et dont la relation sera toujours tumultueuse. Les deux fils d'Adam ensuite : Aaron et Caleb qui sont également d'un tempérament totalement différent. A chaque génération, il y aura un fils préféré.
Tels Abel et Caïn la référence biblique au coeur de ce roman (remarquez les mêmes initiales !).
Les Hamilton ne sont autres que les véritables ancêtres de l'auteur, notamment son grand-père Samuel Hamilton un des personnages les plus riches et les plus attachants du livre.
Il y a aussi Catherine Trask, épouse d'Adam et mère des jumeaux, qui incarne le mal absolu.
Et enfin, Lee, le serviteur fidèle et intellectuel d'Adam, d'origine chinoise qui va élever ses deux garçons. Un personnage atypique et inoubliable également.
Tout ce petit monde vit dans une vallée en Californie.

Mélange de fiction et d‘autofiction, saga familiale, réflexions sur le sens de la vie, sur la paternité et la fratrie, références bibliques, A l'est d'éden est tout cela à la fois et c'est vraiment un roman d'une grande richesse.
Le coeur du livre se situe à mon sens lors de la discussion entre Samuel Hamilton, Lee et Adam Trask sur l'interprétation de l'ancien testament lorsqu'il aborde l'histoire d'Abel et Caîn.

Un classique pas si classique finalement car Steinbeck a su mêler très habilement un pur roman, ses souvenirs familiaux et ses réflexions personnelles sur la famille, sur le bien et le mal et le libre arbitre de chaque être.

Si les thèmes abordés sont plutôt de haute volée, la lecture reste très plaisante et fluide.

Une vraie belle découverte et j'ai hâte de continuer à lire cet auteur. Chouette !
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Que peut-on encore dire ce livre qui n'a pas encore été dit ! Rien de bien nouveau... mais quitte à répéter certaines choses je vais quand-même essayer de donner mon humble avis à propos de cette histoire !

A l'est d'Eden raconte l'histoire familiale des Hamilton et des Trask. On y rencontre plein de personnages qu'on suivra sur plusieurs générations et qui au début peuvent dérouter mais qui finiront par prendre tout leur sens au fil des pages.
J'avoue avoir eu un peu de mal au début du livre, ne comprenant pas vraiment ou l'auteur voulait en arriver, mais une fois les liens mieux tissés je me suis attaché à cette famille Trask, surtout Adam !
Venons-en à l'écriture, dois-je vraiment vous dire que j'ai adoré celle-ci ? Evidemment que j'ai adoré cette plume pleine d'humanité et de sagesse qui se laisse lire comme rien ! Un classique indémodable !
Bon en revanche l'histoire est assez longue, on retrace beaucoup de choses et je n'avais peut-être pas la patience de lire ce livre comme il se devait, j'avoue être passée à côté de certaines choses, mais soit ça n'enlève rien de ce que l'on en dit !

Voilà pour moi A l'est d'Eden est plus qu'un simple livre, une fresque familiale voir humaine qui restera à jamais indémodable !
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Plus qu'un livre, A l'est d'Eden est un moment inoubliable de presque 700 pages mais qui en paraissent une. Pourquoi? Car ce livre n'est qu'harmonie. Harmonie du style et de la narration d'abord, qui jamais ne nous lassent, qui relancent sans cesse notre intérêt par des effets originaux et des trouvailles de tournures. Harmonie de l'histoire, pourtant simple, celle d'hommes, mais passionnante et si bien décrite. Et enfin, harmonie des personnages du premier au dernier qui ne laissent jamais indifférents. Vous l'aurez compris: pour moi, un très grand livre, un chef d'oeuvre au sens littéral du terme.
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Une saga familiale captivante aux personnages intenses!
D'un côté la famille Trask, qui sur deux générations décline l'histoire de Caïn et Abel, d'abord avec Charles et Adam, ensuite avec Caleb et Aaron (l'initiale des 2 prénoms est à chaque fois identique, vous avez remarqué? ;-) ). Et Lee, leur serviteur chinois, leur ange gardien.
D'un autre côté la famille Hamilton : Samuel, admirable patriarche débordant d'amour et de fantaisie (mon préféré), Lisa, son épouse austère et terre à terre, et leur ribambelle d'enfants qui incarnent toutes les nuances entre la paix de l'esprit et ses tourments.
Avec beaucoup de tact et de finesse, Steinbeck explore l'âme de ses personnages qui témoignent de la diversité des passions humaines. le bien et le mal s'opposent, se côtoient et se mélangent. Et dans les dialogues qui réunissent Samuel, Adam et Lee, c'est la liberté individuelle qui délivre l'homme d'une société trop contraignante : "timshel", tu peux, le choix appartient à chacun.
La lecture de ce généreux roman engendre l'espoir.
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A l'Est d'Eden, East of Eden. Publication 1952.
John Steinbeck a la cinquantaine.

On associe toujours A l'Est d'Eden à James Dean, au cinéma qui il est bon de le rappeler ne s'empare de l'oeuvre que partiellement. Il est vrai que James Dean a achevé l'oeuvre de son talent, de son aura légendaire sertie d'or, il a tout pris ou n'a rien laissé après lui qui puisse lui faire de l'ombre, il l'a pressée comme un citron. Il est même rare qu'un acteur ait tout emporté de la sorte sur son passage. Alors excuse-moi Jimmy d'écorner ta légende, je ne risque pas de te faire de l'ombre, tu as tenu là ton meilleur rôle et on n'est pas prês d'oublier, mais je ne peux oublier non plus le créateur de cette saga magistrale, John Steinbeck qui a là donné toutes ses tripes pour réussir cette gageure tellement ambitieuse. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est lui-même. Elle est dans son siècle l'archétype d'une oeuvre romanesque avec un versant social puissant qui va valoir à son auteur l'obtention du Nobel littérature 1962. Il avait déjà en poche si je ne m'abuse le Pulitzer pour Les raisins de la colère..

" La vallée de la Salinas est est en Caroline du Nord. C'est un long sillon à fond plat entre deux chaînes de montagnes. La rivière y déroule ses méandres jusqu'à la baie de Monterey.

Je me rappelle mes noms d'enfance pour les plantes et les fleurs secrètes de la vallée, la cachette de chacun de ses crapauds et l'heure estivale où s'éveillent les oiseaux. Je me rappelle ses saisons et ses arbres, ses gens et leur démarche ; je me rappelle même ses odeurs. La mémoire olfactive est très précise.

Je me rappelle les monts du Gabilan qui dominent la vallée à l'est, monts clairs et gais, pleins de soleil et de joliesse, monts fascinants dont on avait envie de gravir les sentiers tièdes comme on désire escalader les genoux d'une mère chérie. Séduisantes montagnes sous leur parure d'herbe brûlée. A l'ouest, la chaîne de Santa Lucia se découpe sur le ciel, écran entre la mer et la vallée, masse sombre et secrète, inamical et dangereuse.."
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Ce livre est un chef d'oeuvre. John Steinbeck m'a littéralement emporté et transporté aux États-Unis et notamment en Caroline du Nord puis en Californie du Nord dans la vallée de Salinas, son pays natal.

Physiquement confiné au vu de cette pandémie, mon esprit a voyagé au-delà des frontières et du temps, et m'a fait découvrir un monde nouveau et attachant : celui de Steinbeck.

Comment résumer un livre aussi dense mêlant deux familles, les Trask et les Hamilton, que nous suivons pas à pas, de la fin du XIXe siècle jusqu'au début du XXe siècle ?

D'abord, il est à noter que la quatrième de couverture ne m'avait pas immédiatement emballée, ce qui m'a donc pris du temps pour m'y mettre, mais je savais, au vu des retours de lecteur, que ce livre me parlerait. Et il l'a fait.

À l'est d'Eden est un grand roman, tout d'abord car il s'y déroule beaucoup beaucoup de choses. Cette histoire se plonge dans la commune de Salinas, ou Steinbeck a vécu, lui et sa famille et les populations aux alentours. L'auteur n'hésite pas à la fois à prendre son temps en décrivant les événements et les paysages pas à pas, qu'à effectuer des ellipses pour avancer dans l'histoire ou à apporter son propre point de vue et ses souvenirs parsemés dans les quelques 800 pages. Et il le fait bien ! On s'attache aux personnages principaux de l'histoire, que ce soit Adam et Charles, Caleb et Aaron, Sam, Kate et leurs enfants, Cathy ou encore Lee. Leurs histoires s'entremêlent et font la part belle au lecteur en l'accompagnant doucement, mais surement dans cette fresque semée de haut et de bas.

En tant qu'auteur, John Steinbeck a des qualités indéniables, que ce soit dans la description des relations interpersonnelles entre les personnages, des analyses physique et psychologique qu'il apporte à chacun ou encore de sa réflexion morale et philosophique sur fond de religion. de plus, l'alternance dialogues - introspection est rondement menée, et fait réfléchir. Cela m'a amené à dévorer ce livre tout en prenant mon temps afin de le digérer au mieux.

Il est question de religion comme je l'ai dit, déjà à travers le titre : A l'est d'Eden. Ainsi le roman sème les ingrédients de la Genèse, et l'histoire d'Adam et Ève au Jardin d'Eden et de leur fils, Caïn et Abel ; où ayant tué ce dernier Caïn fuit à l'est du Jardin d'Eden (A l'est d'Eden) pour y séjourner. Dès lors, si je fais le parallèle avec la Genèse et que je reprends l'histoire du livre, Adam est Adam et Cathy est Ève. . .

De nombreux personnages sont intéressants, mais je m'aventurerai davantage sur Adam et Cathy. En effet, Adam semble perdu dans un monde qui ne veut pas de lui, jusqu'à rencontrer l'amour, jusqu'à rencontrer la sensuelle Cathy. Il créait à partir d'elle, de son enveloppe corporelle, un objet de désir et de satisfaction personnelle, lui donnant un gout dans la vie et notamment dans la leur qu'il veut parfaite. La désolation viendra de Cathy, qui l'achèvera, sentimentalement parlant en détruisant le monde qu'Adam avait créé pour se rassurer. Cela le suivra tout au long de sa vie, mais il ouvrira enfin les yeux et découvrira un monde tout autre, qu'il essayera de dompter et d'apprécier avec ces imperfections. de son côté, Cathy semble avoir tout ce que chacun désire, la beauté et l'intelligence, mais avec un fond foncièrement mauvais. Ainsi, elle va manipuler, homme et femme, jusqu'à obtenir ce qu'elle veut d'eux, sans vraiment savoir au fond ce qu'elle désire vraiment. La vie va la rattraper assez vite en lui faisant découvrir une autre facette du monde, qu'elle ne peut pas voir d'elle-même et qu'elle ne croirait pas. Ainsi, ces deux côtés d'une même pièce, Adam et Cathy, semblent dominés par le bien et le mal, en n'entrevoyant leur monde qu'à travers leur judas. Toutefois, l'un des deux va découvrir un monde beaucoup plus vaste et ambivalent, grâce au soutien de son environnement, qui va le pousser à vivre, en gardant toutefois bien présents les stigmates de son passé.

Même si le fond est basé sur la Genèse, il n'est pas un livre religieux et peut être lu par chacun tant il apporte à mon sens, page par page, une idée primordiale : il est toujours possible de changer (dans le livre, Timshel = Tu peux), en s'ouvrant aux autres et en acceptant d'être aidé. de même, il apporte un autre argument à mon sens, celui de la transmission, par la génétique et l'hérédité, qui n'enferme pas totalement la personne amenait à faire ses propres choix (et se tromper) en traçant sa propre trajectoire.

Enfin, et je n'en ai pas parlé, mais il est aussi question de la guerre, et ce dès le début du livre, amorçant ainsi les dérives potentielles des personnages (comme dans Voyage au bout de la nuit de Louis Ferdinand Céline). Quelque peu oublié, elle revient à grandes enjambées au début du XXe siècle, à travers la Première Guerre mondiale et ses conséquences sur la population de Salinas, qui pendant un temps, oublierait presque qu'elle fait partie du monde, comme tout un chacun.

Vous l'aurez compris, j'ai adoré ce livre et je ne peux que vous le recommander. Il me suivra sur cette île déserte avec cinq autres de ses compères, pour être relu, et relu, et relu, et relu, et ...
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La chronique impossible !

Impossible parce que :
1 – j'ai cru comprendre que d'autres avant moi avaient lu ce livre (info à vérifier)
2 – d'autres avant moi on reconnu un certain génie au dénommé Steinbeck (pas sûre pour autant qu'il obtienne un jour le Nobel)
3 - je ne vois pas l'once d'un défaut à ce roman.

Je pourrais écrire un résumé du livre, mais c'est d'une part difficile car trop foisonnant et d'autre part inutile parce que l'histoire on la connait tous. Souvent présenté comme une réécriture moderne de la Genèse et de la légende d'Abel et Caïn (ce qui a priori fait un peu peur), « A l'est d'Eden » est pour le dire simplement une saga familiale, mais c'est la rolls de la saga. Tout est maitrisé à l'extrême: les personnages sont d'une profondeur rare, les thèmes sont traités avec une finesse absolu, les descriptions de la nature sont détaillées mais sans lourdeur, l'émotion prégnante de bout en bout.

Chaque protagoniste de cette histoire mérite à lui seul, une chronique. La psychologie de chacun est poussée, ils sont complexes et rien n'est manichéen. Steinbeck fait preuve d'un humaniste sans faille et ce même quand il met en scène le personnage féminin le plus détestable jamais croisé dans ma vie de lectrice.

Si selon moi l'opposition entre le bien et le mal est le thème majeur du livre, bien d'autres tout aussi philosophiques sont développés: la responsabilité individuelle, le libre arbitre, la place de la religion, le rapport au progrès technique, les relations parents-enfants, la morale... Que ces grands mots ne vous fassent pas fuir car si c'est intelligent c'est aussi très généreux. Comme tout livre qui a acquis le label « classique » avec le temps, ce roman sait t'embarquer tout en te faisant réfléchir.

Et si vous hésitez encore à vous lancer dans cette lecture, j'ai l'argument marketing ultime: À l'Est d'Eden est un page-turner. La narration est très vive et le récit ne s'essouffle jamais. Il prend de l'ampleur de page en page. On veut sans cesse connaître la suite.

À votre tour de découvrir les Hamilton et les Trask, vous me remercierez d'avoir déniché ce roman passé totalement inaperçu ;).

Traduction:
Jean-Claude Bonnardot

Résolution (c'est de saison):
A priori j'ai encore quelques années devant moi, mais je ne rendrais pas l'âme sans avoir lu tout Steinbeck.
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Depuis 2 ans que je me suis mise sérieusement à la lecture, j'ai lu plusieurs livres qui m'ont beaucoup plu, que j'ai confié à des proches. Mais tellement rares sont ceux qui m'ont transportée et enchantée comme celui-ci.
Un vrai grand roman, universel, intemporel (il a déjà 70 ans). Un de ceux que je pourrais emmener sur une île déserte, relire, et y trouver d'autres passages sublimes. Tout y est beau, lumineux, même les passages sombres. Il contient toute la vie de la naissance à la mort, l'amour et le désir, la jalousie et l'humiliation, la haine, la rédemption, toute la complexité humaine, et cela dans un mouchoir de poche, avec peu de lieux et assez peu de personnages.
John Steinbeck mêle subtilement l'histoire de sa famille maternelle, et celle de quelques personnages forts qui ont fait l'histoire de la vallée où il a grandi, au tournant du 20e siècle, sur une période allant de la guerre de sécession à la première guerre mondiale. Je serais curieuse de savoir si les personnages de la famille Trask ont existé, l'admirable Lee compris.
L'écriture est magnifique, évidente, avec une puissance d'évocation toute naturelle, sans emphase, les observations et réflexions sur les hommes et sur son époque sont très modernes et d'une grande sagesse. Il y a beau y avoir déjà 400 citations, je n'ai pu m'empêcher d'en mettre aussi, tant les formules sont belles.
D'ailleurs je ne peux m'empêcher de mettre ici ces quelques mots de John Steinbeck à un ami en préambule : « Ton coffret le voici. J'y ai déposé tout ce que j'ai ou presque, et il n'est pas plein. La douleur et la passion y sont, les bons jours et les mauvais, et les mauvaises pensées comme les bonnes, le plaisir de façonner et quelque désespoir, et la joie indescriptible de créer. »
C'est vrai, c'est beau, c'est grand. Un chef-d'oeuvre.
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