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4,49

sur 2981 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
"A l'est d'Eden" évoque la notion de bien et de mal qui, portés sur l'équilibre précaire d'une balance imaginaire nous fait pencher tantôt vers l'un, tantôt vers l'autre. Mais le livre pose la question : s'il existe une laideur physique, existe-t-il pareillement une difformité de l'âme ? Et le mal est-il un choix ou a-t-il une portée héréditaire, un lien inné qui s'incruste en soi ?

Comme toujours avec Steinbeck, la grande force de son écriture est de nous donner à palper ses personnages sur tous les reliefs et les nuances de leur humanité et de leurs errances.

Il a une remarquable intelligence de l'observation des comportements et des failles humaines (de celles qui rendent les Hommes vulnérables et attachants, ou au contraire le coeur dur et l'âme froide) et c'est aussi ce qui donne à ses livres leur prégnance. Car même le livre une fois refermé, les personnages continuent d'exister en nous.
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J'ai découvert Steinbeck il y a peu. Redécouvert, plutôt !

Comme beaucoup, j'ai lu Des souris et des hommes dans mon jeune temps. Sûrement sans en apprécier toute la subtilité, mais il m'avait laissé une marque certes flou mais indélébile.

Plus récemment, j'ai eu l'occasion de lire En un combat douteux et Les raisins de le colère. Tous deux m'ont fait forte impression.

Encore une grande oeuvre, à coup sûr… me suis-je donc dit en empruntant ce livre à la bibliothèque et avant d'en commencer la lecture.

On entre, d'emblée, dans un quotidien simple et rude. Et on arrive rapidement à Adam Trask, le véritable personnage principal ici. Et c'est toute une complexité qui vient se mettre en place autour de l'histoire de cet homme : complexité des rapports familiaux, complexité de sa propre pensée et de son ressenti…

Il y a cela de subtil chez Steinbeck de partir de personnages tout à fait commun et de nous en faire entrevoir toute la richesse du caractère et des sentiments. Ici, le questionnement porte davantage sur la fraternité, au sens premier du terme. Mais cette notion s'élargit grâce aux liens qui se créent entre les Trask et les Hamilton, entre Adam et Lee également.

Steinbeck maîtrise son récit, tant dans la narration que dans les descriptions. Celles-ci viennent toujours à point nommé, donner de l'épaisseur au décor ou au contexte.

J'avais relevé quelques citations, mais je n'avais noté que les numéros des pages. Or, j'ai rendu depuis bien longtemps le livre à la bibliothèque, de sorte que je ne peux vous les donner. Cependant, une anecdote : j'ai lu un passage qui m'a interpellé à Jules. Une page pour décrire le démarrage d'une voiture à l'époque. Non pas que ce soit le meilleur passage du livre, bien sûr. J'étais interloquée par la complexité de la chose : la mise en route de ce qui était une « automobile ». Mais au-delà du fond, quelle prouesse sur la forme : rendre lisible, et même plutôt attrayante une description, longue qui plus est, d'un acte très terre-à-terre.

Et au-delà de ce seul passage, le soupçon du chef d'oeuvre ne vous lâche pas de toute la lecture du livre !
Lien : https://chargedame.wordpress..
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« Caïn se retira loin de devant Jéhovah, et séjourna dans le pays de Nôd, à l'est d'Éden. »
C'est l'histoire de deux familles de fermiers, les Hamilton en Californie et les Trask près de New York, autour des années 1900, ceci sur une période d'une vingtaine d'années.
En Californie, comme dans "Les Raisins de la colère", la mère, Liza Hamilton est le pilier de la famille, pendant que Samuel, inventeur de génie n'ayant aucun sens commercial, apporte la joie dans la famille. Les dialogues entre Samuel et Liza valent leur pesant d'or !
Dans le Connecticut, Cyrus Trask est un père fantôme qui gagne un argent mystérieux, et impose l'armée à son fils Adam qui n'aime pas tuer, alors que son frère Charles, coléreux, reste à la ferme.

Avec Adam et Charles, c'est un peu l'histoire d'Abel et Caïn. Mais Charles se rend compte de la violence qui est en lui, alors qu'Adam est un être éternellement complexé, sans doute à cause de son père.
Adam, ayant déménagé en Californie, les deux familles habitant la vallée de Salinas, se rencontrent et créent des liens. Mais Adam retrouve le même problème entre ses deux fils : Aaron le gentil, et Caleb le coléreux. Là aussi, Caleb se rend compte de sa violence, et essaye de la maîtriser.

Outre la misère des fermiers, thème cher à John Steinbeck dans "Les raisins de la colère", mais aussi ici, Will Hamilton le dit clairement, qu'avec la terre, on ne gagne rien, sauf cas exceptionnel ; outre donc ce thème et celui des conflits fraternels, d'autres personnages sont finement analysés, surtout Kate Trask, qui pourrait inspirer Stephen King, mystérieuse femme du pauvre Adam, et Lee, le serviteur chinois, subtil philosophe qui, dans cette deuxième génération, est le pilier familial des Trask.

J'aurais pu me perdre dans l' interpénétration, l'enchevêtrement, l'imbrication des nombreux personnages des deux familles, mais certains caractères sont tellement mis en relief qu'ils évitent au lecteur cette confusion.
Cette saga me fait penser à un autre américain tout aussi doué pour les peintures psychologiques : Pat Conroy, dont j'ai adoré "Le Prince des Marées".
On sent que Steinbeck, originaire de Salinas, où les deux familles se rejoignent, aime sa chère vallée, sa chère petite ville.


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Dès le titre du roman, et cela ne fera que se confirmer ensuite, Steinbeck nous entraîne dans une incursion mythique aux multiples facettes.

L'Est d'Eden, c'est bien sûr celui de la Bible, du meurtre d'Abel par Caïn, qui mettra un terme à la branche des bergers et laissera pour l'Homme comme seul ancêtre celui qui a commis une faute. En effet, le texte y est omniprésent, par des citations directes, par des questionnements que divers personnages se posent sur le sens de celui-ci – notamment sur son sens originel, en hébreu, par rapport à sa traduction, ici anglaise -, par ce que symbolisent chacun quant à son rapport au Bien et au Mal, et enfin par la présence, qui revient de manière générationnelle, de la thématique des frères ennemis, Adam et Charles Trask d'abord, Caleb et Aaron, les fils d'Adam, ensuite. Réécriture biblique en somme, qui cherche principalement à questionner sur ces notions de Bien et Mal, et qui dépasse de fait la simple réécriture, en dépassant le symbole par la création de personnages tout sauf manichéens, d'une richesse folle : que les portraits sont précis, et surtout crédibles !

Mais l'Est d'Eden, c'est aussi la vallée de la Salinas, en Californie, petit paradis pour les uns, terre inhospitalière car aride pour les autres, région dans laquelle l'auteur est né, et à laquelle il rend hommage ici – mais quel incipit ! La description de la vallée est juste exceptionnelle ! -, ainsi qu'à sa famille puisque sa mère est, justement, une Hamilton, l'une des deux familles au coeur du récit. Les Hamilton, irlandais venus s'installer en Californie à la fin du XIXème siècle, vont, dans cette vallée, malgré divers aléas, faire leur petit bout de chemin ; les Trask, américains ayant choisi de venir vivre à l'Ouest, installés un peu plus tard, feront le leur aussi. Pour les deux familles, le chemin sera souvent ardu, parfois terrible, symbole du passage d'un siècle à l'autre, d'un XIXème siècle qui laisse penser que tout est possible, à un XXème siècle qui mènera dès ses premiers balbutiements à une guerre mondiale, et, rapidement à la désillusion de la crise économique qui suivra (ce que l'on retrouvera dans Les raisins de la colère).

A l'Est d'Eden est donc un superbe fresque, d'une grande richesse, qui permet, et de passer un excellent moment de lecture – la traduction laisse en effet penser, sauf si elle n'est pas du tout fidèle, ce qui m'étonnerait, que la plume de Steinbeck est particulièrement agréable à lire, toute en fluidité et en naturel, même lors d'amples descriptions très précises -, et de plonger avec un remarquable réalisme dans l'âge d'or des Etats-Unis, avant la crise.

Description de la crise et de la Grande Dépression que je vais maintenant découvrir avec Les raisins de la colère : l'été 2020 aura été un été Steinbeck !
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Livre « lu », il y a quelques années. Il avait été emprunté en bibliothèque. Je n'avais lu que la quatrième partie (c'est un pavé) pour pouvoir le rendre dans les délais. J'avais été satisfait de ma lecture avec la difficulté malgré tout d'être parfois dans l'inconnu des liens de sang ou autres entre certains personnages.

Il y a quelques mois, j'ai acheté le livre dans une foire aux livres de deuxième main et je me décide à présent d'entamer la lecture depuis le début.

Première partie :
L'auteur présente Samuel Hamilton, Cyrus Trask, Adam Trask, Charles Trask et Miss Catherine Amesbury, qu'il appelle parfois Cathy. L'auteur fait des allées et venues de l'un à l'autre suivant les chapitres.
Cyrus est le père de deux garçons : Charles un homme vigoureux mais qui est assez fréquemment jaloux et violent. Adam, un doux, plein de bonnes intentions vis-à-vis des autres. Il s'en va réaliser des périodes au sein de l'armée, tandis que Charles exploite la ferme familiale dans le Connecticut. Il a de l'ambition, travaille beaucoup, achète de nouvelles terres, gagne beaucoup d'argent et assouvit ses désirs en couchant avec des prostituées. le père meure et les fils apprennent qu'ils héritent d'une grosse fortune. Que vont-ils en faire ?
A la fin de la première partie apparait Cathy, femme très jolie mais battue à mort par un homme qu'elle a trompé et à qui elle a volé de l'argent. Adam, qui la trouve dans un état pitoyable a décidé de la soigner.
Ah, oui, j'allais oublier Samuel Hamilton, un irlandais qui s'est installé en Californie. Il est intelligeant, inventif, habile de ses mains. Il exerce la profession de forgeron et conçoit de nouvelles machines.
Il a quatre fils et cinq filles. L'auteur n'en parle pas beaucoup en la première partie du livre.

J'ai trouvé les descriptions longues, pleines de détails. On aurait pu enlever les neuf dixièmes en gardant toute la cohérence indispensable à l'histoire. Il en est de même pour : Les raisins de la colère, que j'ai également lu et commenté.


Deuxième partie :
Adam épouse Cathy. Avec l'argent de son héritage, il décide de s'acheter une maison en Californie, plus particulièrement dans la vallée de la Salinas. Il rencontre Samuel Hamilton qui le conseille sur la nature du sol pour cultiver : sec, humide, nappe phréatique. Il s'installe. Cathy donne naissance à deux jumeaux dont elle ne s'occupe pas. Heureusement, Adam Trask a engagé un cuisinier chinois, Lee, homme très cultivé et serviable. Il s'occupera des jumeaux comme si c'était ses propres enfants. Kathy décidera de s'en aller. Reste bien entendu à découvrir comment évoluera cette troisième génération de la saga familiale.

John Steinbeck est un croyant de l'Eglise épiscopalienne qui fait partie de la communauté anglicane. Son roman s'inspire de la bible. Adam Trask réfléchit comment appeler ses jumeaux et leurs donnes des prénoms d'inspiration biblique.

Mon esprit s'est longtemps activé, me demandant d'où pouvait venir le titre à L'est d'Eden. Ma réflexion se situait sur deux positions géographiques : la vallée de la Salinas en Californie et l'Eden que l'on se représente au Moyen-Orient. C'était dans la bible que je devais chercher la réponse en Genèse 4, 16. « Caïn se retira loin devant Jéhovah, et séjourna dans le pays de Nöd, à l'est d'Eden. »

Le personnage Samuel Hamilton serait inspiré de son grand-père maternel et celui de Olive Hamilton de sa mère.

L'auteur oppose des personnages bons serviables à des personnages haineux, pervers.

John Steinbeck est connu comme fin observateur et les relations humaines décrites font preuve de beaucoup de psychologie. Il décrits des hommes pauvres, qui travaillent la terre et au passé encombrant, un destin de souffrance et un manque de réussite.

En fin de vie Steinbeck était agnostique.

Un beau roman pour les gens qui ont le courage de lire des pavés.

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Charles et Adam, Caleb et Aaron, (Cain et Abel?), un Samuel plus sage que Dieu, une Kate pire que l'enfer, et Lee, chinois-serviteur-nounou-philosophe et bien d'autres destins, fantastiquement bien racontés, nous font découvrir, à l'aube du siècle passé, la vie de Salinas, petite ville de l'Ouest ainsi que la dure vie des fermiers et illustrent aussi habilement les questions biblico-philosophiques de l'auteur.

Le style fait penser (en mieux) à ces vieux films classiques, travaillé, avec de l'humour (le baptème de l'air d'Olive!) et qui décrit bien les réflexions de chacun.
J'ai été impressionné par la culture de ces fils de 'chasseurs d'indiens' que j'aurais cru beaucoup plus primaires.

Mon premier Steinbeck mais j'en lirai d'autres.
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Un nouveau Steinbeck à commenter...
Après avoir adoré "Des souris et des hommes", et "Les raisins de la colère" je me suis jeté avec beaucoup d'envie à l'assaut d'"A l'est d'Eden" et comme tout Steinbeck qui se doit, je l'ai dévoré.
S'il est difficile de le lâcher tant il est prenant, pour l'histoire bien sur, mais aussi pour les paysages (on dirait qu'ils sont décrits par Tolkien tellement ils peuvent paraître magique, et nous donne envie de gambader dans l'herbe grasse), je trouve ce roman moins marquant que les deux précédemment cités. Si les messages d'optimisme sont là, les personnages incroyablement marquant aussi et qu'on a une impression de trop peu à la fin des 700 pages, je ressens moins de bouleversements avec "A l'est d'Eden" qu'avec les deux autres.
Il n'en reste pas moins un excellent roman que je conseille vivement.
Bonnes lectures à tous.
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Oeuvre fleuve, multigénérationnelle, A l'est d'Eden évoque la transmission, la révolte, la perte de repères, la notion – toujours subtile – de bien et de mal. Ici, l'Homme apparaît dans toute sa beauté, entre faiblesses, petitesse et force. Chaque personnage est travaillé avec subtilité et revêt les nombreuses nuances de l'âme. de leurs liens entremêlés, John Steinbeck dresse avec tendresse le portrait de son pays d'enfance, de ses vallées rudes et de ses authentiques habitants. A travers une écriture précise, fluide et délicate, il peint avec ferveur les portraits d'hommes et de femmes atypiques, jamais tout à fait mauvais et toujours imparfaits. Et ce sont bien ces failles qui font de cette oeuvre un récit réussi. A tout point de vue, l'essence et la force du récit nous transportent aux portes des sentiments humains et nous accompagnent vers notre propre introspection. A découvrir.
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Mystique, ce roman a des élans mystiques, il transcende. Certes, il est moins linéaire que « Les raisins de la colère » qui était plus dans l'aventure épique, mais il possède son propre souffle spirituel et poétique. L'auteur décortique magnifiquement l'âme de ces personnages. Il raconte à la fois le bonheur de vivre et le malheur de notre condition humaine, osciller entre le bien et le mal à travers chacun de nos choix. Steinbeck est un formidable observateur de la psyché humaine, un formidable conteur avec beaucoup d'humour. Je me suis beaucoup attachée à ces 5 hommes, surtout Samuel et Lee, héros du quotidien aux qualités que l'on dit souvent féminines. Je me suis d'ailleurs demandé si Lee n'était pas follement amoureux d'Adam. C'est un livre admirable que je quitte à regret aux nombreuses thématiques. Quelques phrases sont terriblement modernes et visionnaires.

Petit bémol : la fin est un peu rapide et il y a des passages un peu longs sur la morale et la religion.
Il y a parfois des petits soucis de traduction qui gêne la lecture.
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John Steinbeck fait figure de statue du commandeur des lettres américaines. Prix Pulitzer en 1940 pour les Raisins de la colère, il reçut en 1962 le Prix Nobel de littérature. Parmi ses seize romans, on peut citer quelques titres illustres comme des Souris et des hommes, Tortilla flat, Rue de la sardine et bien sûr A l'est d'Eden.

Publié en 1952, A l'est d'Eden est souvent considéré comme le dernier chef d'oeuvre de l'auteur. Un ouvrage qu'il considérait lui-même comme abouti : « le livre contient tout ce que j'ai pu apprendre sur mon métier ou ma profession au cours de toutes ces années. ». Il se présente comme une grande saga familiale sur trois générations. C'est un ample roman de près de 800 pages à la lecture facile, mais au lyrisme travaillé, qui nous fait découvrir les vies des Hamilton et des Trask. L'action se situe dans la vallée de Salinas, en Caroline du Nord, entre la guerre de sécession et la 1ère Guerre Mondiale.

Pour correctement présenter le roman, il semble judicieux de commencer par expliquer son titre, car toute sa philosophie en découle. Il fait référence à un épisode de la Genèse. Caïn et Abel, les fils d'Adam et Eve, font chacun une offrande à Dieu. Caïn - le cultivateur - offre des produits de la terre. Abel - l'éleveur - offre le premier né de son troupeau. Dieu accepte le cadeau d'Abel, mais dédaigne celui de son frère. Caïn éprouve colère et tristesse face à ce camouflet. Dieu le perçoit et demande à Caïn de se dominer, de se reprendre. Mais trop ombrageux et trop blessé, Caïn se laisse guider par le mal et tue Abel. Dieu punit alors Caïn, premier meurtrier de l'histoire de l'humanité. Il ne pourra plus jamais travailler la terre qu'il a souillé du sang de son frère. Son front sera marqué et il sera condamné à l'errance. Caïn part alors pour le pays de Nôd, “à l'est d'Éden”.

L'auteur utilise cet épisode de la Genèse comme prétexte pour écrire une oeuvre sur la possibilité du bien et du mal et sur la question du libre-arbitre. C'est ici toute la force et probablement la limite de l'ouvrage. Les personnages sont soit bons et purs (Adam, Aaron, Samuel, Lee..), soit profondément mauvais (Kate), soit traversés par cette dualité qui les rend fiévreux et imprévisibles (Charles, Caleb). Il n'y a aucune nuance à cela, aucune demi-mesure. Cela permet à l'oeuvre de revêtir des attributs quasi mythologiques, comme une nouvelle Genèse. Mais cela amène aussi parfois le propos à être grossier et manichéen. le personnage de Samuel Hamilton par exemple n'est jamais traversé par une ombre. Il en devient alors caricatural et irréaliste, trop bon, trop farfelu, trop sage pour être réellement crédible. Plus largement même, la famille de Samuel Hamilton au complet (neufs enfants tout de même !) souffre à mon avis de ce même défaut de fabrication.

A l'inverse, la famille des Trask est plus torturée. C'est vraiment à travers l'auscultation de ces êtres souffrants, tiraillés par les forces du mal et mis à l'épreuve par leur destinée que le livre de Steinbeck prend toute sa force. Il y a dans ces générations bousculées par la vie tous les ingrédients d'une superbe tragédie qui, si elle ne brille pas par sa finesse psychologique, emporte le lecteur et le scotche à plusieurs reprises par la tension et/ou la violence qu'elle contient.

Les splendeurs de la vallée de Salinas, que Steinbeck ne cesse de décrire avec poésie et précision, apportent encore plus de poids à l'entreprise. Steinbeck rend ici hommage à sa terre bénie où il a grandi, sorte de jardin d'Eden justement, où l'homme simple et bon cultive les fruits que lui a donnés le ciel. Pour l'anecdote, la part autobiographique est subtilement amenée puisque Steinbeck enfant est lui-même un personnage du récit, mineur néanmoins.

Enfin, le regard sur le tournant du siècle et l'arrivée de la modernité (voiture, téléphone, exode rural pour la ville…) constitue une toile de fond extrêmement bien décrite et vivante qui donne un poids supplémentaire au livre.

Au final, même si l'ouvrage n'est pas sans défaut, Steinbeck offre au lecteur un grand moment de lecture humaniste, peuplé de personnages charismatiques, parsemé de scènes puissantes et traversé par un vrai souffle. Un vrai moment de littérature !

Tom la Patate


Ps : pour ceux qui ne connaissent que le film d'Elia Kazan avec James Dean, sachez qu'il ne traite que d'une infime partie de l'ouvrage. En vous plongeant dans ce roman foisonnant d'histoires, c'est une tout autre oeuvre que vous découvrirez.


Lien : http://coincescheznous.unblo..
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