Ah, un Tract donnant la parole à un grand témoin palestinien, exprimant un point de vue émouvant et très argumenté sur le génocide actuel perpétré à Gaza, en Cisjordanie et, plus généralement, dans tous les lieux de la présence palestinienne, c'est à célébrer (et d'autant plus que la collection dans laquelle il s'inscrit accorde trop souvent tribune aux points de vue les plus réactionnaires, à commencer sur un thème proche, par celui de
Pierre-André Taguieff, accusant d'islamo-gauchisme et d'antisémitisme tous ceux qui critiquent le sionisme contemporain) !
Elias Sanbar, qui rappelle comment son histoire personnelle - le traumatisme vécu par sa famille en 1948, alors qu'il n'était qu'un bébé, et qui entraîna pour lui une cécité de plusieurs mois - peut justifier la consternation absolue qu'il éprouve face aux massacres commis à Gaza depuis le 9 octobre 2023, montre pourquoi, dès cet épisode de la Nakba (cette double guerre, contre des populations que l'on expulse de leurs terres, puis contre les pays arabes voisins qui réagissent après-coup à cette situation, mais qu'Israël accusera d'être les responsables du conflit et du traitement réservé aux palestiniens), le sort des palestiniens est scellé, l'idée de leur disparition étant déjà évoquée à l'époque dans les écrits de Ben Gourion. Reprenant les différentes étapes du mouvement de colonisation de la terre par l'Etat d'Israël, il souligne tout le rôle joué par l'argument de la Schoa dans l'acceptation par beaucoup de pays, en particulier occidentaux, de la défense du sionisme. Il dévoile aussi comment la notion de "temps nécessaire" pour la création d'un Etat palestinien, mise an avant par les négociateurs des accords d'Oslo, n'a fait que favoriser l'extension de la colonisation et le report à un futur indéterminé de la possibilité d'une cohabitation paisible. Pointant le doigt, enfin, sur l'impunité consentie aux Israéliens, face aux crimes commis dans la guerre actuelle, il en remarque l'effet dévastateur, annonçant la destruction totale des principes du droit international, déjà fortement mis en cause par ses trois ennemis jurés, les Etats-Unis, la Russie et la Chine, dans leur politique au Moyen-Orient ou sur d'autres terrains. Seule ou presque, l'Afrique du Sud ose un appel à constater le génocide auprès du Tribunal de la Haye, tandis que les Israéliens réussissent à diminuer considérablement l'aide apportée par l'UNRWA aux gazaouis, en accusant l'agence onusienne de collusion avec le Hamas, sans apporter pourtant aucune preuve évidente...
S'achevant par la longue citation d'un texte, lyrique et magnifique, de
Mahmoud Darwich, le plaidoyer d'
Elias Sanbar sonne particulièrement juste. Mais qui peut encore l'entendre, tant nos dirigeants semblent sourds désormais à toute exigence d'humanité, préférant trop souvent condamner les voix qui s'insurgent face à l'actuel génocide ?