BIENVENUE EN FÉERIE.
Il est bien difficile de donner une idée complète d'un tel ouvrage, regroupant des plumes à ce point diverses, malgré une inspiration commune : la célèbre forêt de Brocéliande, ses contes, ses mythes et légendes et, bien entendu, la fameuse "matière de Bretagne", son Roi Arthur, sa cohorte de preux chevaliers ainsi que ses Merlin, Viviane et autre Morgane. Rassembler un tel aéropage d'auteurs, de poètes, d'illustrateurs aussi divers, ayant toutefois en comment leur passion pour les littératures de l'imaginaire, fut ainsi la mission, certainement passionnante, à laquelle se sont livrées Chantal Robillard et Claudine Glot à l'occasion de cette anthologie, ce Dimension Brocéliande édité chez Rivière Blanche au mitan de l'année 2017.
Certains participants y confient leur propre lecture du légendaire arthurien : Lionel Davoust, impeccable et profond, tord le cou à une certaine image de Lancelot dans un premier envoi, sa seconde nouvelle - une réédition - est tout bonnement abyssale ; Marc Nagels, plus trompeusement classique mais aussi très spleenétique (l'influence des préraphaélites, peut-être ?), avance sur le terrain de la légende sombre.
D'autres reprennent à leur compte cet univers magique du petit peuple, de ses monstres et de ses fées : Justine Niogret et son style reconnaissable entre tous nous livre une nouvelle violente, implacable et macabre ; Claudine Glot entreprend une première fable très contemporaine, inquiétante et drolatique à la fois, qui remet cette mystique au coeur de notre contemporanéité ; le poète Ozégan replace, de sa plume évocatrice et inspirée, tout ce monde merveilleux au plein centre d'une mythologie essentielle et immuable.
D'autres enfin évoquent un peu tout de cela, et bien d'autres choses encore, mais sans oublier que cette forêt au pouvoir d'attraction si puissant est, en quelque sorte, l'un des personnages vivant et certainement central de tous ces grands mystères : Nicolas Mezzalira, quasi journalistique mais très subtil, y convoque Jules Verne, le Président Wilson, Albrecht Dürer, Aristide Briand ainsi que quelques autres pour une explication de gravure étoilée époustouflante ; Pierre Dubois, égal à lui-même - inimitable, fécond, toujours un rien polisson - extravague à tout va, et c'est toujours spirituel ; quant à Hervé Thiry-Duval, inattendu mais solide, sa nouvelle pourrait s'avérer tout juste aigrelette si sa conclusion ne se faisait pas si joliment monstrueuse ; on achèvera ce très rapide et incomplet tour d'horizon par le texte de Françoise Urban-Menninger qui, malgré son modernisme de façade, est un petit chef-d'oeuvre de conte "à l'ancienne" semblant tout droit sorti de la tradition populaire immémoriale.
On poursuivra avec cette belle nouvelle de Claudine Glot, la seconde de sa main proposée ici, une histoire de chevalier hors de son temps - nous sommes au beau milieu du 19ème siècle, au camp militaire du Thélin, lointain précurseur du futur camp, proche, de St-Cyr-Coetquidan -, une histoire d'homme épris d'idéaux purs et de rêves de chevalerie, de hauts faits d'arme et de franchissement d'obstacle impossible, servie par une langue exigeante et sûre, qui se fait ici tour à tour nostalgique et brutale (comme les faits exposés), d'une belle force d'évocation et qui laisse derrière elle un étrange parfum de mélancolie surannée mais captieux. On retiendra aussi le texte de Frédéric Rees en hommage à Champlain le "créateur" du Québec. Cette composition relativement hors-sujet est rédigée intégralement en alexandrin, d'une versification souple, agréable à lire, qui mérite qu'on la signale.
Comme fort souvent avec ce genre d'ouvrage, il y en a pour tous les goûts, tous les styles, toutes les attentes. L'ensemble fait cependant preuve d'un bel équilibre, entre des thématiques certes ramassées mais plus diverses qu'il pourrait y sembler, des écritures confirmées ou de véritables premiers pas, de la prose et de la poésie, du modernisme bien tempéré ainsi que des références à des littératures plus anciennes mais sans passéisme outrancier...
L'objectif est cependant atteint : rendre hommage à cette magnifique et enchanteresse forêt, sise aux confins des Côtes d'Armor, d'Ille-et-Vilaine et du Morbihan, renouveler l'impérissable souvenir de ses légendes, propager la bonne parole : Oui, Faërie est bien vivante, la Geste se poursuit, inlassablement ardente, preuve en étant ce foisonnement sans cesse renouvelé de plumes et de témoins de l'imaginaires !
Ci-après, la table des matières des nouvelles figurant dans ce recueil. Elles sont encadrées d'une préface et d'une postface des deux anthologistes assermentées (par le Commandant Merlin, selon une source proche de l'enquête) !
Estelle Faye : Cent retours.
Sara Doke : le ventre de l'arbre.
Pierre Dubois : L'histoire du monsieur dans la forêt
Jacques Jouet : le fils unique du Merle et de ma mère.
Justine Niogret : le souvenir de sa langue
Anne Fakhouri : Amours entérines.
Claudine Glot : Moi, j'y croirai jamais !
Emmanuel Honegger : La fée et le hérisson.
Lionel Davoust : le meilleur d'entre eux.
Hélène Larbaigt : Feuille fée.
Bernard Visse : You were only waiting for this moment
Pierre Marchant : Sur les routes du Graal
Ozégan : La harpe de Merlin.
Françoise Urban-Menninger : Biens mal acquis ne profitent jamais !
Marc Nagels : La Quête de Méliant
Elisabeth Chamontin : Les Topinambours de Viviane.
Hélène Marchetto : Cai Hir.
Séverine Pineaux : La Forêt des songes.
Frédéric Rees : Champlain l'Enchanteur.
Nicolas Mezzalira : le Mystère de l'Etoile Verte.
Patrick Fischmann : La fleur du chevalier.
Hervé Thiry-Duval : le Fada de Féerie.
Claudine Glot : La mort est un cheval pâle.
Chantal Robillard : Ne jamais baisser la garde !
Nathalie Dau : Dame du val et doux dormeur.
Lionel Davoust : L'île close.
Isabelle Minière : le mystère de la forêt
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Combien il regrettait à cette heure de ne pas mieux l'avoir écouté lorsqu’il lui enseignait toutes ces choses qui font mieux vivre, mieux entendre, mieux comprendre au lieu de s'être laissé mener là dans le canal bétonné où l'on a décidé que vous deviez aller. Il s'est laissé faire comme tout le monde, en oubliant l'Alliance dont lui parlait son Grand Père.
«C'était au temps où les bêtes parlaient. Cela ne veut pas dire qu'elles causaient comme toi et moi, expliquait-il, mais on parlait un même langage... la faune, la flore et nous, une voix de l'esprit qui reliait tout.»
Ils repartirent vers le sommet proche, en marche rapide cette fois, tous très calmes et reposés. Car tel était l'effet que faisait cette fontaine magique sur chaque visiteur, pour peu qu'il s'y soit arrêté pour vraiment l'écouter chanter.
- Dommage, j'étais bien, moi, sur mon trône, avait dit Jauffré en souriant d'aise. J'y serais bien resté encore une petite demi-heure."Le roi Claudin", ça sonne bien, non ?
Rencontre avec Chantal Robillard autour du Zoo des chimères.