Si mon esprit vous échappe, vous connaissez mon cœur et il n'est que justice et amitié pour vous.
Qui croyait avoir semé la panique récoltait ainsi la terreur !
C'est une île à la fois éloignée et proche, posée sur un lit de brume. Pour y aborder, il ne s'agit pas d'être un navigateur effronté, il faut être choisi. Avalon oppose ses falaises aux impudents, les condamne au naufrage. Mon logis est fait de pierres blanches comme l'écume. Il possède de nombreuses salles ouvertes au vent du large. Les murs sont parés de dais de soie qui dansent, soulevés par la brise marine. Ils ondoient comme les plafonds où se reflète la lumière cristalline de l'eau. Les pommiers qui couvrent l'île donnent à profusion, sans craindre l'hiver, car il n'existe qu'une seule saison : celle de l'innocence et de l'allégresse, où la fleur côtoie le fruit, dans la promesse d'une jeunesse sans fin.
Il y eut d'abord le roc, l'arbre et la source. C'était aux temps merveilleux des commencements, dans le scintillement des eaux qui cascadent sur les dalles de schiste et s'épuisent parmi les mousses. Les premières bribes de notre histoire naquirent, dit-on, du murmure des feuilles quand le vent se leva, susurrant des formules étranges. Il se répandit une rumeur, sourde d'abord, qui pressentait des présences furtives et transparentes, là, tout près. Élisant les matins de brume, elles peuplèrent bientôt les lisières des bois, les rives des eaux dormantes. Elles habitèrent nos crépuscules et nos ténèbres. On en parlait beaucoup, on les voyait peu (très peu !), mais nul ne doutait de leur existence. On les craignait avec affection. On les nomma fées.
Les eaux étaient brunes, gonflées par les pluies et les crues. Elles étaient sorties de leur lit et leurs tourbillons boueux s'enroulaient autour de la moindre prise, emportant tout dans leur course tumultueuse. Des arbres entiers disparaissaient avec des pans de berge, leur ramure émergeait à peine des vagues fuyantes. Des roches empilées depuis des temps immémoriaux s'effondraient dans les abîmes du fleuve. Tout n'était que chaos.
La vérité est une belle chose surtout quand elle est nue
Voici mon dernier conseil : grave-le au fond de ton cœur. Aime avec ardeur, avec espoir, avec désespoir. Aime sans réserve, d'un amour plus grand que toi, d'un amour qui te hausse au-dessus de l'humaine condition.
Qu'il rôtisse dans sa chair vive comme son âme le fera en Enfer
Sur les terres de petite et grande Bretagne vont et viennent bardes et jongleurs. Ils traversent les forêts et les essarts, les champs et les pâtures ; ils empruntent les sentiers qui longent les ruisseaux, au fond de vallées où l'ombre des chênes s'unit aux dalles de granit adoucies par la mousse ; ils rejoignent les crêtes où le maigre sol des landes se déchire sur l'ossature du vieux monde. Par jour de vent, ils poursuivent leur errance de hameau en village, les pluies d'orage les confinant parfois sur les marches des cités, jamais longtemps, car dans leurs veines coulent la poudre des chemins, l'eau des ornières et le bleu-gris du ciel qui en est captif. Ils sont porteurs de nouvelles, ils sont porteurs de légendes. Ils mêlent les deux pourvu que leur auditoire consente à les honorer d'une oreille attentive et de quelques étoiles dans les yeux, ces petites lumières qui prouvent que leurs récits ont bien fait germe au creux des âmes.
À leur passage, le monde est tout bruissant de nouvelles et de dits, bruissant comme le feuillage argenté du saule qu'un vent invisible ébroue.
Je vois la paix amollir le cœur des hommes et aucun lien ne se tisse pour les rapprocher, afin qu'ils restent soudés si une menace se dessinait. Et l'horizon est fait de maints périls, crois-moi. Rallier tous les barons de Bretagne était une belle prouesse, mais maintenir la bonne entente et éviter durablement la félonie en est une autre. La paix est plus difficile à dompter que la guerre.