J'espère ne pas vexer
Céline de Roany en disant que voilà le polar le plus Chabrolien que j'aie lu depuis longtemps. La haute bourgeoisie et ses vilains petits secrets, ses beaux mensonges et leur apparence de respectabilité.
D'abord, un prologue. Assez étrange et cauchemardesque que j'ai relu plusieurs fois parce que je ne comprenais pas. Relu encore deux fois quand j'ai été plus avancé dans ce roman et qu'il s'éclairait peu à peu pour devenir de plus en plus monstrueux. Puis, nous faisons connaissance avec Céleste Ibar (Ibarbengoetxea !), flic parisienne horriblement balafrée, traumatisée par une agression épouvantable qu'on découvrira peu à peu. Céleste arrive à Nantes dans un nouveau poste et commence sa journée par arrêter un homme qui bat sa femme. Grosse gaffe : le bonhomme en question est un collègue. Cela n'excuse rien mais c'est pas top top pour faire connaissance avec l'équipe... On découvrira peu à peu la vie de famille de Céleste, sa fille, sa femme...
Céline de Roany aime les personnages hors normes et là on est servi. Ce qui fait qu'on s'attache immédiatement à notre héroïne et à cette équipe de flics, machos, bougons, mais professionnels, modernes, geeks, attachants, finalement pas si obtus qu'on pourrait craindre. 😉
Et puis, chapitre par chapitre (chacun axé sur un personnage), on avance dans cette histoire. Anne Arnotte, patronne respectée de la Biscuiterie Arnotte, est découverte morte chez elle. Suicide apparent. Apparent... parce que Céleste constate que certaines choses ne collent pas. Vrai suicide pourtant ou meurtre déguisé ? Qui a intérêt à la mort de la "sainte" Anne ? Grande bourgeoise parfaite, irréprochable même avec ses bonnes oeuvres, sa tenue impeccable, l'église et ses amis grands bourgeois de province : Jeanne la substitute du procureur et son mari Xavier l'inévitable notaire qui sait tout de tous mais ne dit rien, et puis Inès la meilleure amie, et puis la troupe de SDF...
On va suivre l'enquête sur une dizaine de jours, découvrir ce qui se cache derrière cette "élite" bien propre, bien élevée, si parfaite. Si menteurs. de beaux menteurs. Suivre notre flic s'enfoncer dans des secrets de moins en moins ragoutants, voire carrément immondes.
J'ai eu l'illumination sur le qui et le pourquoi après plus de 400 pages (oui, je sais, je suis lent parfois) mais pas tout parce que l'auteure nous réserve des surprises finales et un coup de théâtre que je n'ai pas vu venir sur LE secret d'Anne Arnotte la patronne au grand coeur...
On est frappé tout de suite par le style littéraire très visuel, la construction astucieuse, on sympathise avec les personnages et on se dit qu'une suite ça serait génial (elle existe déjà,
de si bonnes mères, aux
Editions Presses de la Cité). On comprend aussi tout de suite pourquoi ce roman est finaliste au Prix NVDP 2023. Un style, des personnages plus profonds et plus intenses qu'on ne le voit souvent, un background douloureux qui forge un caractère, des personnages secondaires qui évoluent et une osmose qui se crée peu à peu entre Céleste et ses collègues.
Et puis, ce n'est pas tant la recherche du/des coupables qui importe ici que la description d'un milieu. Et au moins deux passages qui vont vous faire bondir : un certain accueil au commissariat "normal" à l'époque des faits et qui est à vomir, et une femme battue qui trouve des excuses à son bourreau... hélas classique. Deux moments qui m'ont fait bouillir... et un final qui m'a scotché ! Ne ratez pas Céleste Ibar (j'aime la sonorité des noms basques mais à écrire c'est l'enfer !) parce que
Céline de Roany ne l'a pas ratée, la preuve cette finale 2023.
Foncez !
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