Le pardon libère l'âme et il fait disparaître la peur selon
Nelson Mandela…
Le titre illustre bien l'impossibilité pour le personnage principal de pardonner ; aussi, la peur imprègne son parcours de vie.
La photo de couverture « L'homme qui court » de
Sabine Weiss retranscrit très justement l'atmosphère de ce premier roman de l'écrivain
Vincent Quivy - journaliste et historien.
Une instantanéité dans la narration (surprenante au début) m'a happée ; intriguée, inquiète pour cet homme qui court…peut-être pour fuir quelqu'un, rattraper quelque chose, une existence, en vain ressent-on…
Car rien ne disparaît dans la fuite…
L'histoire débute dans les années 60 avec le jeune héros du roman à l'âge de 17 ans.
Il n'en aura jamais fini d'avoir 17 ans toute sa vie durant.
Débarquant avec sa mère à Palma de Majorque, le père reprend le large aussitôt, un père toujours en fuite sur lequel il s'interroge. « Ne crois rien de ce qu'on raconte dans les journaux ».
De l'officier militaire à un homme de l'ombre, la clandestinité fait partie intégrante de sa vie, activiste très recherché, ne devant sa survie qu'à son silence.
Le décor est posé en quelques pages autour de ce garçon sans repères s'éveillant à l'éducation sentimentale, pris dans les tourments de l'adolescence et le besoin d'indépendance, dans un contexte familial très particulier – une mère fragilisée et un père héros ou paria selon le pouvoir politique en vigueur.
Sont de mises la méfiance, la suspicion et la peur. Ne plus savoir à qui faire confiance, ni l'attitude à adopter avec quiconque… A qui se fier ?
Toujours prisonnier de l'ombre de son père au passé trouble et chargé, le fils semble mêlé malgré lui à ses histoires nourries de haine.
Le désespoir dans une errance flou et sombre s'empare de ce jeune adulte en devenir, en souffrance et à la dérive.
Fidélité, trahison, clandestinité, culpabilité, quête de liberté, poids de l'héritage familial, remords et regrets, errance et solitude…
Entre les absences du père et l'état de santé de la mère, il est difficile de se construire et réussir à rester maître de son destin…
« L'instinct est ce à quoi tu dois te fier, te disait ton père ».
J'ai bien apprécié ce roman sur une époque aux écrans noir et blanc, j'y ai trouvé l'atmosphère des films de
Costa-Gavras avec la clandestinité, le renseignement et l'activisme politique.
Il plane un climat d'intranquillité permanente.
Le style, parfois assez saccadé, m'a laissé une sensation de descriptifs expéditifs, mais après analyse, il est en concordance avec le parcours du personnage principal, avec une violence totalement induite dans cette histoire. C'est une vie en fuite…, illustration parfaite de la photo de couverture pour un premier roman très bien documenté et réussi à mon goût.
La narration à la deuxième personne du singulier m'ayant interpelée, j'ai trouvé la fin du roman touchante - comme un dénouement -lorsque l'on fait connaissance avec le fils de Lucille. Notre héros, rongé par la haine et la peur, aura couru après son existence toutes les années de sa vie puis sera rattrapé par son histoire, la violence s'étant ancré profondément en lui, celle héritée et celle reproduite.