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3,64

sur 107 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
La lecture de Dégels est quelque peu déconcertante. Au début on ne sait pas trop comment lire ce roman : si le premier chapitre pose les prémices d'un thriller classique avec la disparition de deux petites filles, ce n'est qu'une simple illusion. Au lieu de guider l'intrigue vers un dénouement, Julia Philips opère un décentrement avec une succession de portraits de femmes sans lien apparent, si ce n'est que tous les parcours abordés indépendamment des uns des autres se cristallisent autour des mêmes sentiments de défaite sans fin, de frustrations et d'impuissance. Prisonnières d'une vie décevante, abandonnées ou en proie à l'échec, ces femmes remettent aux lecteurs et lectrices leur intimité la plus secrète, la plus sombre faisant presque disparaître la tragédie au coeur de ce livre.

Il faut progresser patiemment dans la lecture pour retomber sur la disparition inquiétante et ressentir ce qui ressemble à une volonté chez l'auteure de mettre en oeuvre un tissage immatériel entre ces femmes et les petites disparues, montrer toutes les violences faites aux femmes, du saccage de l'enfance à l'aliénation familiale. L'auteure américaine n'a pas élu un personnage central en lui laissant le monopole de la parole, et c'est là véritablement la force de ce roman. En sinuant à travers leurs regards croisés, elle donne une vibration permanente à la problématique de la condition féminine dans un cadre géographique spécifique qui ne manque pas de distiller ses ambiances post-soviétiques et ses rigueurs froides, le Kamtchatka. Région implacable reliée au continent russe par une mince bande de terre difficilement accessible ou offrant peu d'échappatoire, la péninsule ayant été une zone militaire fermée jusqu'au début des années 90.
Toutes les caractéristiques de cette région isolée, bien plus éloignée de Moscou que par la simple distance au regard des frontières sociales, culturelles et ethniques invisibles mais puissamment ressenties sont finement restituées par Julia Philips. Elles constituent le cadre idoine pour des formes variables de tragédie. de là à prêter à la romancière l'intention de tracer dans un même mouvement le portrait de ses personnages et de la région extrême-orientale...c'est le glissement auquel s'expose ce roman profondément féministe dans sa voix et ses thèmes.
Il reste que j'ai aimé cette constellation intensément désenchantée même si, le temps de bien assimiler la structure du bouquin, le plaisir a été rétrospectif, du moins pas immédiat.
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Ce qui frappe au coeur de ce roman c'est le décor: les rivages lointains de cette région perdue au fin fond de la Russie , Esso, le plus beau village de la péninsule du Kamtchatka—- à neuf heures d'avion de Moscou—— , ses cabanes en rondins sculptés et son air de la montagne, frais comme une pomme, mais aussi la ville de Petropavlosk- kamchatsky , aux immeubles d'habitation soviétiques de quatre étages , recouverts de béton aux motifs en patchwork, des charpentes en bois de maisons effondrées , un pays sauvage où il faisait très chaud en août et où le centre - ville sentait bon le sel, le sucre , l'huile et la levure.
Là - bas en été , autrefois ,les lacs grouillaient de saumons , des ours éventraient les poissons et éparpillaient leurs oeufs rouges et luisants sur la grève ….
Ce qui frappe aussi , c'est la construction originale : courts chapitres qui nous font découvrir les espoirs , la vie , les rêves de dix femmes , leur quotidien , amours contrariées , lucidité , rêves souvent avortés sur une année à tel point que le lecteur se demande si c'est un thriller :car le roman s'ouvre sur l'enlèvement et la disparition de deux petites filles de onze et huit ans. ,Alyona et Sophia , leur mère : Marina déchirée , anéantie.

Que s'est - il passé et pourquoi toutes ces femmes différentes qui ne se connaissent pas nécessairement mais qui ont toutes à voir , leur destin plus ou moins liés ?
Les petites disparues sont dans l'esprit de chacune ,celle que j'ai préféré est sans aucun doute Ksyyusha, une pure Évène, avec l'ossature large , les yeux bridés, les sourcils presque inexistants et le nez retroussé ,le visage indigène ou presque et sa cousine Alisa .

Ksyusha , fille d'éleveur Évène, parcourait les plaines auprès de ses parents et leur camp d'élevage l'été - le camp d'élevage — qui puait — fumée , viande , moisi, c'était une étudiante sérieuse , attentive , réservée , sous la coupe de son ami blanc …..elle venait juste de commencer la fac lorsqu'une première fille Lilia disparut , trois ans avant les deux petites filles.

Chacun se demandait si elle ne s'était pas enfuie ….

Magnifique roman choral, imprégné des voix de toutes ces femmes , l'auteure avec finesse , doigté , sensibilité , dévoile dans ce décor inoubliable, les tensions familiales et raciales : femmes de toutes origines russes et indigènes Evènes , Koriaks, Itelmènes ou Tchouktches …

Toutes en quête d'une vie meilleure et aussi les tensions et incompréhensions entre générations .

On apprend à connaître le peuple Événe, l'auteure mêle suspense et approche ethnologique .
C'est un huit - clos prenant , intense , tendu , émouvant , parfois effrayant ,romanesque ,partant sur les bases d'un polar , au coeur de ce pays sauvage avec ours , glace, cabanes, fresques soviétiques, filets de pêche à repriser ,,thé de l'après - midi, vodka, vagues et souffle de l'océan , rennes et toundra , mais où l'émotion et la découverte prennent le dessus , un peu à la Laura- Kasischke
Un premier roman étonnant de maitrise !:Thriller ou pas?

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Un jour du mois d'août, alors qu'elles sont parties se promener toutes seules, deux fillettes disparaissent au bord du Kamtchatka, péninsule russe quasiment inaccessible, terre sauvage et inhospitalière.

Le drame n'en finira d'avoir un impact sur les habitants de ce secteur, et notamment sur douze personnages féminins liées plus ou moins directement à l'affaire. Toutes ces femmes liées d'une manière ou d'une autre, et les deux petites disparues sont toutes présentes dans leur discours et au cours des 12 mois suivant la disparition des fillettes vont livrer une part de leur mystère.

Raconté à douze voix, une par mois de l'année le premier roman Julia Phillips éblouit par sa construction et également par la façon dont la romancière qui a vécu un an au Kamtchatka réussit à rendre compte de cette l'atmosphère particulier de cet endroit perdu aux confins du monde.

On apprend à connaitre le peuple Évène qui habite dans cette région et Phillips parvient à mélanger approche ethnologique en nous montrant comment on peut vivre au Kamtchatka, de nos jours et la dimension du thriller liée à la disparition d'enfants au cours d'un huis clos prenant et intense.

Mine de rien, le récit raconte pas mal de chose sur la violence patriarcale, la charge mentale qui incombe aux femmes et l'impossibilité de faire le deuil.

Une tragédie à la fois noire et glacée pour un des grands premiers romans étrangers de la dernière rentrée littéraire.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Un thriller pas comme les autres ! Par son cadre, d'abord, le Kamtchatka, une péninsule devenue perméable à l'immigration des non russes. Julia Philips a pris les codes du genre et les a faits tous exploser. le criminel ? On ne sait pas rien de lui. Il a le profil du marginal, mais l'auteure ne s'étend pas sur sa psyché, en cherchant à comprendre, par exemple, en quoi une enfance malheureuse aurait pu le mener au crime le plus odieux. Les enquêteurs ? Une bande d'incapables dont les hésitations coupables et les incompétences sont aussi révoltantes qu'incompréhensibles. Les victimes ? Là encore, on a peu d'informations. le mobile ? Totalement inconnu ! le dénouement et la scène finale ? D'une désarmante discrétion. Alors de quoi ça parle ? de la manière dont les cercles (1°famille, 2°proches, 3°habitants du coin) absorbent le choc de la disparition de deux fillettes. Chaque chapitre est un mois de l'année, dédié à l'un de ces cercles – ce qui en fait un roman choral. Plus le temps passe, et plus on découvre à quel point cette affaire non élucidée a perturbé le quotidien de chacun, à en devenir obsédante, pathologique. La plus grande qualité de ce roman est aussi son défaut : la multitude des personnages impliqués. Chaque chapitre est presqu'un nouveau livre, ce qui demande un gros effort de concentration. On s'y perd un peu et puis, à partir de la page 250, accélération, la trame, avec tous ses fils tendus, se resserre, jusqu'à l'apothéose finale qui m'a prise de cours. Malgré quelques longueurs, c'est un thriller inattendu que vous n'oublierez pas de sitôt !
Bilan : 🌹
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Je continue le dépaysement dans mes lectures avec cette fois-ci un roman qui se passe au Kamtchatka.
Cela débute comme un polar : Août, à Petropavlosk, ville aux confins de l'extrême orient russe deux jeunes soeurs sont enlevées.
En tant que lecteur, on s'attend à suivre l'enquête, mais au lieu de cela, on se retrouve à suivre mois après mois le quotidien d'une dizaine de femmes qui ont un lien plus ou moins fort avec l'enlèvement des fillettes : leurs vies de famille, leurs aspirations, leurs regrets se dévoilent, avec en toile de fond les bouleversements politiques (la chute de l'URSS et ses conséquences) et cette inquiétude qui ne disparaît pas: qu'a-t-il bien pu arriver à ces deux soeurs ?
J'ai été un peu décontenancée par la façon de passer d'un personnage à l'autre mais c'est un choix narratif assez original et on finit par comprendre comment les différents personnages sont liés avec un final intense.
Un premier roman surprenant.
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Un excellent thriller!
mais est-ce bien un thriller ou une étude sociologique de femmes vivant au Kamchatka...à Petropavlovsk ou à Esso ?
L'enlèvement de deux petites filles est l'occasion de partager, au fil des mois, un instant de vie avec 10 femmes ou jeunes ados. L'enlèvement est le fil rouge et chaque femme est proche ou très éloignée de ces deux petites filles. Mais malgré tout le fil se déroule, une trame se tisse inconsciemment et nous rapproche de la vérité sur cette disparition. L'occasion de découvrir une cohabitation qui semble paisible mais est loin de l'être entre russes, souvent nostalgiques du communisme,et indigènes, Evènes, Koriaks ou Tchouktches.
L'occasion de découvrir les danses traditionnelles de ces peuples nomades.

Une belle étude de caractères dans dans un environnement sauvage et dépaysant sous la garde de volcans majestueux.
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Oh encore un livre qui parle de disparition d'enfants ! (faudrait faire des stats mais le nombre de polars sur ce sujet est impressionnant). Heureusement que Dégels se passe dans une région volcanique et sauvage de la Russie, la péninsule de Kamantcha (visiblement connue des joueurs de Risk #sijavaissujauraisjoueauxjeuxdesocieteenfant) sinon je ne l'aurais jamais ouvert.
🇷🇺
Je me suis très vite rendue compte que cette disparition n'est pas traitée comme une enquête policière. Elle est un angle choisi par la narratrice pour nous raconter la vie de dix femmes touchées chacune à leur manière par ce drame. 🇷🇺
Ce que j'ai aimé dans Dégels ? 🇷🇺La construction du roman, chaque chapitre correspondant à un nouveau mois après la disparition et chaque destin finissant par croiser ceux des autres personnages 🇷🇺
L'ambiance liée à l'isolement de l'île et les paysages si atypiques de cette région (Julia Philips a vécu un an sur place pour écrire ce livre)
🇷🇺
Les portraits de ces dix femmes tiraillées entre tradition et modernité, repli et envie d'autres horizons, rêve et réalité 🇷🇺
Le racisme, l'homophobie, le sexisme vus à travers ces destins dans une société où il était interdit de circuler librement jusqu'à l'effondrement de l'Union soviétique (contrairement à ce qu'on pourrait croire, il y a, chez certains, une nostalgie de cette époque)
🇷🇺
Envoûtant et émouvant (en particulier le chapitre février), Dégels de Julia Philips a été traduit par Heloïse Esquié.
Pour en savoir plus sur le cadre, rdv en story permanente "Russie"
Lien : https://www.instagram.com/p/..
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Bienvenue au Kamtchatka

Le livre débute au moins d'août alors que deux jeunes soeurs, âgées de 11 et 8 ans, prennent le soleil un dimanche après-midi au bord d'une baie de la péninsule volcanique du Kamtchatka, dans l'extrême-est de la Russie. À la fin du chapitre, là où se trouvaient les soeurs, il n'y a plus que l'absence. Elles ont disparu comme des fantômes, soufflées par le vent ou plutôt attirées dans la voiture noire et brillante d'un homme étrange.

À partir de là, Dégels s'éloigne radicalement et agréablement de ce que l'on pourrait attendre. Julia Phillips n'est pas pressée et elle ne choisi pas le plus court chemin. le roman se préoccupe moins de résoudre le mystère que de plonger le lecteur dans la vie intérieure d'une douzaine de femmes qui ont été directement ou indirectement, consciemment ou pas, touchées par la tragédie.

Chaque chapitre représente un mois, chaque chapitre est centré sur une femme et assez complet pour que l'on puisse oser parler de nouvelles. À travers ces différentes perspectives, on voit comment la disparition des fillettes affecte les habitants de ce territoire et comment cela évolue avec le temps. La panique initiale laisse place petit à petit à l'habitude puis au désintérêt.
L'autrice ne fait rien pour clarifier les liens entre ses femmes, pour expliquer comme les pièces s'emboîtent. C'est au lecteur de résoudre ce casse-tête.

L'histoire se propage de la capitale de la péninsule à son nord rural et on est transporté dans des endroits d'une beauté étonnante: forêts densément boisées, étendues de toundra, volcans, sources d'eau chaude, paysages enneigés.

Finaliste du National Book Award, la construction de « Dégels » rappelle le « Ici n'est plus ici » de Tommy Orange mais avec en plus une pointe de Laura Kasischke.
Ce huis-clos à l'échelle d'une péninsule est un premier roman très prometteur qui mérite grandement votre attention.

Traduit par Héloïse Esquié
Lien : https://www.instagram.com/p/..
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Histoires de femmes dans le Kamchatka. Presqu'île hantée par un kidnappeur dont la recherche et les méfaits alimentent la chronique locale (quoique le Kamchatka soit un territoire immense). Les vies se croisent se font se défont sur fond d'espoir (déçus souvent) d'ennui. C'est bien écrit mais j'ai trouvé le propos un peu long voir répétitif. Mais je me suis obstiné et finalement c'est pas si mal.
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Un roman intriguant, écrit par une américaine mais dont l'intrigue se situe au Kamtchatka de nos jours… Est-ce un roman policier ? Pas vraiment à mon sens.
La disparition de deux fillettes qui est le point de départ de ce livre, est en fait une sorte de « prétexte » à la peinture de portraits de femmes, plus ou moins directement concernées par cette disparition. Ces femmes, « russes blanches » ou issues de communautés autochtones, sont le plus souvent sous emprise (de leur petit ami, de leur famille ou plus globalement de la société) et souvent tentées par une émancipation difficile à conquérir. Y arriveront-elles ?
C'est donc à mon sens plutôt un roman féministe et une sorte de jeu de piste où l'on cherche dans chaque histoire de femme ce qui les relie à la disparition des fillettes. Certains portraits, s'ils me semblent superflus du point de vue de l'intrigue, sont cependant intéressants par leur témoignage sur ce que vivent ces femmes, entre valeurs archaïques et valeurs émancipatrices. Une très bonne lecture que je recommande.
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