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EAN : 9782746754782
366 pages
Autrement (28/08/2019)
3.64/5   107 notes
Résumé :
Sur le rivage de la péninsule du Kamtchatka, aux confins de la Russie, deux petites filles disparaissent. L'enlèvement bouleverse les habitants : le coupable serait-il un étranger de passage ? Pire, l'un d'entre eux ? Comme une onde de choc, le trouble se propage et vient ébranler la vie de dix femmes dans leur quotidien, leurs amours et leurs rêves secrets, tandis que le puzzle de la disparition se reconstitue peu à peu... Dans un décor inoubliable, entre volcans, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (37) Voir plus Ajouter une critique
3,64

sur 107 notes
°°° Rentrée littéraire 2019 #9 °°°

Presqu'île de Kamtchatka, aux confins de l'Extrême-Orient russe.

Le roman s'ouvre sur l'enlèvement de deux soeurs, onze et huit ans, un jour d'été, au bord d'une baie. Début classique pour un polar ou un thriller où le lecteur suivrait classiquement enquêteur, victime et criminel ... sauf que Julia Phillips est partie dans une toute autre direction. Ce n'est pas l'enquête ni sa résolution ( même s'il y en a une ) qui l'intéressent. Non, ce qui l'anime, c'est de parler des femmes du Kamchatka, de leur condition au sein d'une société en plein bouleversement : de l'isolement total durant la guerre froide, jusqu'à la lente ouverture actuelle qui enflamme et aggrave les tensions et les peurs endormies. L'auteure a vécu plus d'une année au Kamchatka, et on sent à travers ses mots la parfaite connaissance qu'elle en a .

La temporalité du roman court sur une année, chaque chapitre sur un mois, un mois pour mettre en scène un personnage féminin différent, touché directement ou très indirectement par la disparition des fillettes, comme un bruit de fond. Julia Phillips rend compte avec finesse et sensibilité du poids du patriarcat, du sexisme ordinaire, des relations familiales et amoureuses qui pèsent sur l'émancipation féminine, du racisme à l'égard des populations indigènes évènes ( peuple nomade de Sibérie vivant d'élevage des rennes et de chasse, la problématique est très proche du vécu douloureux des Amérindiens en Amérique du Nord ).

Chaque chapitre chante d'une voix claire et subtile les tragédies mineures ou majeures de la femme qui est en son coeur, comme un singulier huis clos au coeur du décor grandiose du Kamchatka. Celle qui m'a le plus touchée est Ksyusha, fille d'un éleveur évène, étudiante réservée et sérieuse, sous la coupe d'un petit ami blanc, elle se révèle à elle-même en tombant amoureuse d'un jeune autochtone comme elle, plus doux. Cette dizaine de portraits féminins - jeunes filles, mères, épouses, blanches, autochtones – finissent par résonner les uns avec les autres comme une ronde sororale , jusqu'à ne plus former qu'un seule femme, inscrite dans la société russe du Kamchatka. Au final la femme dans toute son universalité.

Et c'est là toute la prouesse narrative de Julia Phillips que de nous plonger dans les expériences émotionnelles de ces femmes entre douleurs et espoirs tout en faisant converger les indices parcimonieusement disséminés dans chaque chapitre jusqu'à une résolution. Lorsqu'elle arrive, franche et claire, dans les deux derniers chapitres, j'en ai été presque déconcertée tellement j'ai été hypnotisée par ces voix féminines.

Un premier roman puissant, sous tension douce, nimbé de mystères, peuplé de femmes inoubliables, déployé dans le décor inédit du Kamtchatka. La comparaison avec Laura Kasischke ( une de mes auteures préférées ), proposée aux Etats-Unis, me semble totalement justifiée.
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La lecture de Dégels est quelque peu déconcertante. Au début on ne sait pas trop comment lire ce roman : si le premier chapitre pose les prémices d'un thriller classique avec la disparition de deux petites filles, ce n'est qu'une simple illusion. Au lieu de guider l'intrigue vers un dénouement, Julia Philips opère un décentrement avec une succession de portraits de femmes sans lien apparent, si ce n'est que tous les parcours abordés indépendamment des uns des autres se cristallisent autour des mêmes sentiments de défaite sans fin, de frustrations et d'impuissance. Prisonnières d'une vie décevante, abandonnées ou en proie à l'échec, ces femmes remettent aux lecteurs et lectrices leur intimité la plus secrète, la plus sombre faisant presque disparaître la tragédie au coeur de ce livre.

Il faut progresser patiemment dans la lecture pour retomber sur la disparition inquiétante et ressentir ce qui ressemble à une volonté chez l'auteure de mettre en oeuvre un tissage immatériel entre ces femmes et les petites disparues, montrer toutes les violences faites aux femmes, du saccage de l'enfance à l'aliénation familiale. L'auteure américaine n'a pas élu un personnage central en lui laissant le monopole de la parole, et c'est là véritablement la force de ce roman. En sinuant à travers leurs regards croisés, elle donne une vibration permanente à la problématique de la condition féminine dans un cadre géographique spécifique qui ne manque pas de distiller ses ambiances post-soviétiques et ses rigueurs froides, le Kamtchatka. Région implacable reliée au continent russe par une mince bande de terre difficilement accessible ou offrant peu d'échappatoire, la péninsule ayant été une zone militaire fermée jusqu'au début des années 90.
Toutes les caractéristiques de cette région isolée, bien plus éloignée de Moscou que par la simple distance au regard des frontières sociales, culturelles et ethniques invisibles mais puissamment ressenties sont finement restituées par Julia Philips. Elles constituent le cadre idoine pour des formes variables de tragédie. de là à prêter à la romancière l'intention de tracer dans un même mouvement le portrait de ses personnages et de la région extrême-orientale...c'est le glissement auquel s'expose ce roman profondément féministe dans sa voix et ses thèmes.
Il reste que j'ai aimé cette constellation intensément désenchantée même si, le temps de bien assimiler la structure du bouquin, le plaisir a été rétrospectif, du moins pas immédiat.
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Ce qui frappe au coeur de ce roman c'est le décor: les rivages lointains de cette région perdue au fin fond de la Russie , Esso, le plus beau village de la péninsule du Kamtchatka—- à neuf heures d'avion de Moscou—— , ses cabanes en rondins sculptés et son air de la montagne, frais comme une pomme, mais aussi la ville de Petropavlosk- kamchatsky , aux immeubles d'habitation soviétiques de quatre étages , recouverts de béton aux motifs en patchwork, des charpentes en bois de maisons effondrées , un pays sauvage où il faisait très chaud en août et où le centre - ville sentait bon le sel, le sucre , l'huile et la levure.
Là - bas en été , autrefois ,les lacs grouillaient de saumons , des ours éventraient les poissons et éparpillaient leurs oeufs rouges et luisants sur la grève ….
Ce qui frappe aussi , c'est la construction originale : courts chapitres qui nous font découvrir les espoirs , la vie , les rêves de dix femmes , leur quotidien , amours contrariées , lucidité , rêves souvent avortés sur une année à tel point que le lecteur se demande si c'est un thriller :car le roman s'ouvre sur l'enlèvement et la disparition de deux petites filles de onze et huit ans. ,Alyona et Sophia , leur mère : Marina déchirée , anéantie.

Que s'est - il passé et pourquoi toutes ces femmes différentes qui ne se connaissent pas nécessairement mais qui ont toutes à voir , leur destin plus ou moins liés ?
Les petites disparues sont dans l'esprit de chacune ,celle que j'ai préféré est sans aucun doute Ksyyusha, une pure Évène, avec l'ossature large , les yeux bridés, les sourcils presque inexistants et le nez retroussé ,le visage indigène ou presque et sa cousine Alisa .

Ksyusha , fille d'éleveur Évène, parcourait les plaines auprès de ses parents et leur camp d'élevage l'été - le camp d'élevage — qui puait — fumée , viande , moisi, c'était une étudiante sérieuse , attentive , réservée , sous la coupe de son ami blanc …..elle venait juste de commencer la fac lorsqu'une première fille Lilia disparut , trois ans avant les deux petites filles.

Chacun se demandait si elle ne s'était pas enfuie ….

Magnifique roman choral, imprégné des voix de toutes ces femmes , l'auteure avec finesse , doigté , sensibilité , dévoile dans ce décor inoubliable, les tensions familiales et raciales : femmes de toutes origines russes et indigènes Evènes , Koriaks, Itelmènes ou Tchouktches …

Toutes en quête d'une vie meilleure et aussi les tensions et incompréhensions entre générations .

On apprend à connaître le peuple Événe, l'auteure mêle suspense et approche ethnologique .
C'est un huit - clos prenant , intense , tendu , émouvant , parfois effrayant ,romanesque ,partant sur les bases d'un polar , au coeur de ce pays sauvage avec ours , glace, cabanes, fresques soviétiques, filets de pêche à repriser ,,thé de l'après - midi, vodka, vagues et souffle de l'océan , rennes et toundra , mais où l'émotion et la découverte prennent le dessus , un peu à la Laura- Kasischke
Un premier roman étonnant de maitrise !:Thriller ou pas?

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Un jour du mois d'août, alors qu'elles sont parties se promener toutes seules, deux fillettes disparaissent au bord du Kamtchatka, péninsule russe quasiment inaccessible, terre sauvage et inhospitalière.

Le drame n'en finira d'avoir un impact sur les habitants de ce secteur, et notamment sur douze personnages féminins liées plus ou moins directement à l'affaire. Toutes ces femmes liées d'une manière ou d'une autre, et les deux petites disparues sont toutes présentes dans leur discours et au cours des 12 mois suivant la disparition des fillettes vont livrer une part de leur mystère.

Raconté à douze voix, une par mois de l'année le premier roman Julia Phillips éblouit par sa construction et également par la façon dont la romancière qui a vécu un an au Kamtchatka réussit à rendre compte de cette l'atmosphère particulier de cet endroit perdu aux confins du monde.

On apprend à connaitre le peuple Évène qui habite dans cette région et Phillips parvient à mélanger approche ethnologique en nous montrant comment on peut vivre au Kamtchatka, de nos jours et la dimension du thriller liée à la disparition d'enfants au cours d'un huis clos prenant et intense.

Mine de rien, le récit raconte pas mal de chose sur la violence patriarcale, la charge mentale qui incombe aux femmes et l'impossibilité de faire le deuil.

Une tragédie à la fois noire et glacée pour un des grands premiers romans étrangers de la dernière rentrée littéraire.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Un thriller pas comme les autres ! Par son cadre, d'abord, le Kamtchatka, une péninsule devenue perméable à l'immigration des non russes. Julia Philips a pris les codes du genre et les a faits tous exploser. le criminel ? On ne sait pas rien de lui. Il a le profil du marginal, mais l'auteure ne s'étend pas sur sa psyché, en cherchant à comprendre, par exemple, en quoi une enfance malheureuse aurait pu le mener au crime le plus odieux. Les enquêteurs ? Une bande d'incapables dont les hésitations coupables et les incompétences sont aussi révoltantes qu'incompréhensibles. Les victimes ? Là encore, on a peu d'informations. le mobile ? Totalement inconnu ! le dénouement et la scène finale ? D'une désarmante discrétion. Alors de quoi ça parle ? de la manière dont les cercles (1°famille, 2°proches, 3°habitants du coin) absorbent le choc de la disparition de deux fillettes. Chaque chapitre est un mois de l'année, dédié à l'un de ces cercles – ce qui en fait un roman choral. Plus le temps passe, et plus on découvre à quel point cette affaire non élucidée a perturbé le quotidien de chacun, à en devenir obsédante, pathologique. La plus grande qualité de ce roman est aussi son défaut : la multitude des personnages impliqués. Chaque chapitre est presqu'un nouveau livre, ce qui demande un gros effort de concentration. On s'y perd un peu et puis, à partir de la page 250, accélération, la trame, avec tous ses fils tendus, se resserre, jusqu'à l'apothéose finale qui m'a prise de cours. Malgré quelques longueurs, c'est un thriller inattendu que vous n'oublierez pas de sitôt !
Bilan : 🌹
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
«  Entre les appels des mouettes , on entendait des cris humains ,et, de temps en temps , des coups de Klaxon. Le gravier humide roulait sous leurs pieds . Sautant sur un rocher qui lui arrivait au genou , Alyona se trouva devant un virage. Bientôt, la hauteur de la falaise à leur côté allait diminuer. Elles déboucheraient sur une plage de galets grouillante d’estivants , à un bout de laquelle s’affairaient des marchands ambulants tandis que l’autre extrémité était bloquée par un chantier naval » ….
«  Derrière, après les files de voitures , une statue de Lénine ….. » .
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Maintenant après une chance durable, Valentina est rattrapée par sa propre mort. C'était une idée folle, mais n'était elle pas vraie?Le médecin de la clinique avait dit qu'il ne pouvait pas s'en occuper.C'était un cancer. Etait ce un cancer? Si c'était un cancer ne l'aurait il pas dit?
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«  Elle avait remporté la médaille d’or d’excellence lors de son diplôme de fin d’année au lycée, elle avait reçu une place réservée et entièrement financée pour le cursus de comptabilité de l’université ,et on se moquait d’elle. C’était sa voix. L’intonation chantante de ses phrases —— elle avait l’accent du Nord. Et puis sa peau , ses cheveux, l’angle et l’étroitesse de ses yeux . Ils la reconnaissaient immédiatement, ces jeunes de la ville .
Ils lui parlaient comme si elle était croisée avec un ruminant » …
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Les exigences de l'élevage gouvernaient ses étés : des kilomètres à cheval, les jambes engourdies, le dos endolori ; les moustiques qui rampaient sous ses vêtements et souillaient sa peau de son propre sang ; les bains pris à la hâte dans l'eau glaciale des rivières ; les taquineries de Chegga ; l'aigreur de sa mère ; les réprimandes de sa grand-mère ; les disputes des hommes au sujet de l'argent qu'ils auraient dû gagner lors de l'abattage de l'année précédente et des dettes qu'ils comptaient solder lors du suivant ; l'envie lancinante d'un livre, d'une chanson pop ou d'une émission de télévision, n'importe quoi pour rompre la monotonie du paysage, herbe, collines, arbustes, ramures et horizon ; le goût riche et métallique de la viande de renne dans sa bouche au petit déjeuner, au déjeuner et au dîner, pendant des jours, des semaines, pendant des mois jusqu'à ce qu'ils rentrent enfin chez eux.
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«  Marina regarda de nouveau par la fenêtre . Au dessus d’eux, le ciel était énorme , boursouflé de nuages.
Les longues pistes de forêt morte ressemblaient à des milliers d’os expulsés de leurs tombes » .
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