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4,31

sur 2909 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Durant sa longue vie, Mamie Luger a flingué à tout va. De préférence les hommes qu'elle a épousé et qui ont eu la mauvaise idée de lui manquer de respect, mais pas seulement. C'est ce qu'elle va confesser longuement au lieutenant de police, André Ventura, avant de tirer sa révérence à sa manière.

Visiblement très inspiré par San Antonio et Audiard (et ses Tontons flingueurs), Benoit Philippon nous convie à une comédie désopilante. Mais tout le sel de ce roman noir ne se réduit pas à tueuse en série de cent deux ans, hilarante, irrespectueuse et mal embouchée. La vielle dame indigne est aussi une femme sensible et une féministe convaincue qui entend lutter contre la domination masculine et la violence inhérente faite aux femmes. Même si ses moyens radicaux ne sont pas des exemples à suivre, on ne peut qu'être d'accord avec cet engagement...
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Berthe, 102 ans, bon pied (au cul !), mauvail oeil, n'est pas une mamie gâteau qui tricote des écharpes à ses petits-enfants en ronflant devant les Feux de l'amour. C'est plutôt un croisement entre Tatie Danielle et Ma Dalton, serial veuve, qui a délaissé l'hydratation de ses géraniums pour arroser de plomb la bleusaille alertée par ses problèmes de voisinage. Inutile de vouloir lui confier des mioches pour les vacances quand il n'y a plus d'école pour s'en débarrasser.
La charmante vieille dame est placée en garde à vue et interrogée par l'inspecteur Ventura. Celui qu'elle surnomme Lino va bientôt découvrir que si beaucoup de gens cachent des cadavres dans leur placard, Mamie Luger préfère les enterrer dans sa cave. Et il y a foule dans les fondations, catacombe privative, ossuaire réservé aux dynasties d'animaux de compagnie et aux maris de mauvaise compagnie. Berthe a enchaîné les mauvais mariages et autant de veuvages plus ou moins prémédités.
Sa vie n'a pas été un fleuve tranquille. Plutôt un torrent déchaîné dont la vieille dame va raconter les nombreux débordements dans une langue crue.
Tartare à la Audiard lors des séquences d'interrogatoire, le récit échappe à la gaudriole san-antoniesque car la biographie macabre révèle une femme libre en avance sur son temps, faiseuse d'ange par compassion, démon radical face aux violences conjugales, les viols et le racisme. L'auteur ne précise pas si Berthe à de grands pieds, mais elle a les idées larges.
Il ne faut donc pas trop se fier à la couverture truculente et plus accrocheuse qu'une édition de minuit qui cherche midi sous un soleil de Plon. Ce qui se passe sous les draps de cette histoire ne relève pas du simple divertissement de transat. Benoit Philippon alterne avec brio les passages très drôles et les épisodes tragiques de la vie de la vieille dame. Son histoire d'amour avec un GI noir est aussi touchante que romanesque. Berthe est un coeur à vif qui porte le cynisme comme une armure.
A l'inverse, il faut oublier le romantisme quand la mamie aborde sans censure ni césure les compétences érotiques limitées et l'anatomie minimaliste de feu certains de ses maris qui lui rendirent le devoir conjugal aussi excitant qu'un sujet de trigonométrie. A défaut d'atteindre le Nirvana, Berthe tombe dans le Grunge quand il s'agit de se faire justice. Et la vieille dame interprète avec certaines libertés le concept de légitime défense pour se débarrasser de ses légitimes à coups de pelle.
Si l'aspect répétitif des crimes m'a parfois un peu lassé, le personnage sans filtre de Berthe est assez irrésistible et tout comme Ventura, je l'aurai bien gracié de ses crimes en lui accordant des circonstances plus amusantes qu'atténuantes.
Mamie Luger apparaissait dans le premier roman de Benoit Philippon "cabossé" qui suivait la cavale d'un couple en cavale évoqué au début du roman. Je vais tâcher de me le procurer. L'auteur est également scénariste et on le sent très à l'aise dans les dialogues jubilatoires du roman et dans sa construction à base de flash-back.
J'ai donc apprécié cette mamie flingueuse. Je plaide coupable.
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Mais quel bout de femme cette mamie Luger ! Malgré ses 102 ans, elle garde une forme olympique. Mieux vaut l'éviter si vous la croisez par chez vous car avec son vieux calibre 22 repêché de la guerre, elle risque de vous mettre en pièces.

Mamie Luger alias Berthe est tout d'abord interpelée en garde à vue pour avoir sabotté le derrière de son voisin à coup de luger. C'est qu'elle a confondu son voisin pour un gitan et sa 4 CV pour l'audi TT volée par ce même gitan de ce même voisin. C'est à y perdre son latin. À cent deux ans, elle ne voit peut-être plus très bien mais qu'est ce qu'elle en jette la mamie ! Elle n'a pas sa langue dans sa poche et a une sacrée répartie la mémé. L'inspecteur Ventura présage déjà que la garde à vue avec cette vieille bique enragée va être longue.

L'auteur nous régale d'entrée de jeu avec une sacrée dose d'humour à vous retourner la mâchoire. Ensuite, on se plonge dans la folle vie de Berthe alias mamie Luger et on finit par flipper grave. C'est que Berthe, sa vie, c'est digne des Grands Guignols, elle ne fait qu'une bouchée de ses maris qui la déçoivent les uns après les autres.

Je m'attendais à un roman léger à l'humour omniprésent, mais l'histoire de Berthe est plus sombre qu'il n'y parait. Ça frise pour moi un peu trop la poisse et les effusions noires. Il y a aussi beaucoup (trop) de passages où on frôle la nymphomanie grossière.

Ça n'en reste pas moins un roman à l'humour piquant, agréable n'est pas le mot exact, mais j'ai suivi les aventures de mamie Luger avec intérêt. Cette bonne femme a une façon bien à elle de régler ses comptes et ses désaccords, elle n'y va pas par quatre chemins, elle est cash et la vie, elle n'en fait qu'une bouchée la mamie Luger.

Merci Marina pour cette sympathique découverte.
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Mamie Luger a cent deux ans. Son surnom provient de l'arme qu'elle exhibe quand elle est contrariée, et elle l'a été au moins sept fois si l'on tient compte du nombre de cadavres enterrés dans sa cave ! C'est par ailleurs une forte tête, à son âge on ne la lui raconte pas, et l'inspecteur André Ventura, qu'elle s'obstine à appeler Lino, comprend rapidement que les méthodes habituelles d'interrogatoire devront être revisitées s'il veut vraiment découvrir le fin mot de l'histoire et comment cette brindille centenaire s'est retrouvée au poste de police après avoir dézingué son voisin.


C'est parti pour une longue nuit de garde à vue, au cours de laquelle la mamie va révéler ce que fût sa longue vie rythmée par les veuvages.

Les confessions de la criminelle ne sont pas restituées sous forme d'interrogatoire mais comme autant de chapitres du roman que fut sa vie. Et si le meurtre initial est sans doute le moins illégitime, on apprend peu à peu l'étendue des talents criminels de l'aïeule.

Après quelques doutes en parcourant les premières pages, et la crainte d'avoir affaire à une farce grotesque et vulgaire (il faut dire que la mamie ne châtie pas son langage), le roman prend son rythme et finalement les interventions fleuries de Mamie Luger apportent un peu de légèreté dans le récit dramatique de sa vie. Pour un peu, on lui pardonnerait tous ses forfaits.
Et on découvre en filigrane le portrait d'une femme libre, féministe avant l'heure et qui a dû défendre ses intérêts seule. Les aveux arrivent tardivement et sont d'autant moins difficiles à obtenir qu'à cent deux ans, la perpèt, elle s'en tape!

On passe sur les invraisemblances, et on apprécie l'histoire et même l'écriture. Avec un final en feu d'artifice !
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Troisième expérience de lecture audio en accompagnement de mes marches, et j'avoue que j'apprécie de plus en plus , même si je marche un peu moins vite qu'avec de la musique. L'attention est un peu plus sollicitée. Je ne pourrais jamais dire si ces livres écoutés auraient été plus ou moins appréciés en lecture traditionnelle. Ici, la voix de la lectrice unique accompagnait bien le texte, distinguait bien les interlocuteurs, mais sans m'avoir vraiment enthousiasmée.

Revenons à l'histoire . Mamie Luger : bizarre cette opposition entre Mamie, terme affectueux, synonyme de douceur et Luger, nom d'un pistolet associé à une triste époque.
C'est que Mamie Luger a plus à voir avec le pistolet qu'avec le statut de mamie. Mamie , elle ne l'est pas d'ailleurs, à part par l'age. Elle n'a pas eu d'enfants, elle aurait aimé, elle a même épousé un bel italien pour cela, c'est la nature qui n'a pas voulu. En revanche des maris , elle en a eu, plusieurs, pour le pire plus que pour le meilleur, pour elle souvent, pour eux toujours. Les maris de Mamie Luger n'ont pas fait de vieux os, leurs os d'ailleurs seront retrouvés dans le sol de sa cave.

Mamie Luger, Berthe pour les intimes, un vieille dame toute frêle, 102 ans, qui n'entend qu'avec un sonotone, un peu défaillant, aux yeux cachés derrière des culs de bouteilles, mais qui sait encore tirer à la carabine. C'est ainsi qu'elle accueille en ce matin d'une journée qui sera très longue les flics venus l'arrêter. Et va commencer une garde à vue qui donnera lieu à bien des surprises à l'inspecteur Ventura. Lui c'est André, même si Berthe s'obstine à le nommer Lino ou Colombo.

Dans un récit truculent, à la Audiard, Mamie Luger va raconter sa vie, de femme libre dans un temps où il n'était pas facile d'être autre chose que la femme de son mari, ou les discussions avec ceux-ci se terminaient souvent par des coups si la femme avait le malheur de vouloir avoir raison, où l'homme attiré par la beauté et la volupté du corps de Berthe n'avait de cesse de les lui reprocher une fois marié. Les coups, Berthe n'a jamais pu les supporter, alors si le mari n'essayait pas de se corriger, c'est elle qui trouvait la solution. Finale la solution.

Berthe va raconter sa vie, Bien sur il y a les meurtres, il y a son franc parler, mais il serait réducteur de résumer ce livre à cela. Berthe, c'est surtout une femme libre, qui si elle a accumulé les mauvais choix en terme d'époux, n'a jamais hésité à braver le qu'en dira-ton, a osé aimer et vivre avec un noir, qui aidera des jeunes femmes en détresse.

Alors même si Lino, je veux dire André invoque la loi et le proctologue comme dit Berthe (protocole en réalité), il ne peut s'empêcher de l'aimer et même de l'admirer, surtout quand elle va raconter les évènements qui la conduiront à exécuter trois hommes supplémentaires, pas ses maris cette fois-ci.

Un roman qui était depuis longtemps dans mon pense-bête et pour lequel je remercie Audiolib qui le met à disposition sur NetGalley.
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Certes il y a le bandeau accrocheur, un tantinet racoleur sur la page de garde : « Centenaire, féministe... et serial killeuse. » Mais c'est dans le cadre de la sélection du prix Cezam 2019 que j'ai découvert ce roman un peu déjanté, Mamie Luger. J'avais déjà fait connaissance avec son auteur, Benoît Philippon, lors de son premier roman que j'ai lu il y a quelques mois, Cabossé, et que j'avais bien aimé. J'espère trouver le temps d'en écrire prochainement un billet.
Ce premier roman était une sorte de road movie où deux amants abîmés par la vie, Roy et Guillemette, prenait la tangente dans une épopée à la fois drôle et touchante. Sur leur route, ils étaient amenés à rencontrer plusieurs personnages dont une vieille dame qui leur offrit une hospitalité consolatoire.
Ce second roman fait de cette vieille dame l'héroïne principale et démarre au fin fond du Cantal à l'endroit précis où la cavale des deux amoureux tourne mal, ceux-ci prennent la fuite vers un ailleurs inconnu. Cette rencontre est d'ailleurs l'élément déclencheur de l'enquête. C'est ainsi que l'inspecteur Ventura, André de son prénom je tiens à le préciser d'emblée, est dépêché sur les lieux du drame...
Le comité d'accueil est peu amène : la fameuse grand-mère de choc fait de la résistance avec son calibre 22... Les forces de l'ordre réussissent tant bien que mal à donner l'assaut.
Les présentations sont brèves. Qu'importe ! Les deux protagonistes principaux de ce roman auront tout le loisir de faire plus ample connaissance lors de la garde à vue de la vieille dame.
Et c'est ce qui se passe...
Elle s'appelle Berthe Gavignol, elle a cent deux ans. Elle a un caractère bien trempé, appelant notre flic de service tantôt Lino tantôt inspecteur Columbo, ce qui a le don de l'irriter fortement. Bon, je reconnais que ce n'est pas là le trait le plus fin de ce roman, qui commence cependant sur un rythme trépidant et un ton espiègle.
Et puis voilà, tandis que la garde à vue démarre au commissariat, d'autres policiers restés sur place tiennent au courant l'inspecteur Ventura des premières découvertes qui ont lieu dans la maison de Berthe et plus précisément dans le sol en terre battue de sa cave...
Alors, la vieille dame va peu à peu se mettre à table, elle n'a guère le choix. Mais au fond, est-ce qu'elle passe vraiment aux aveux, ou n'est-ce pas plutôt une longue confession ? Les souvenirs peu à peu se ramassent à la pelle, les cadavres aussi...
Tiens, parlons de pelle justement ! On s'entend tous à peu près ici sur la définition de cet objet, mais une fois qu'on a répondu que cela sert à creuser ou reboucher un trou, la deuxième question qui nous vient à l'esprit est : "un trou, mais pour y mettre quoi ?" Ici chez Mamie Luger, ce n'est certainement pas pour y planter des carottes ou des renoncules...
La langue de Berthe a le verbe fleuri, fait mouche à chaque réplique comme les balles d'un calibre 22, on la croirait tout droit sortie du film Les Tontons flingueurs...
Berthe Gavignol a quasiment traversé le XXème siècle. C'est l'histoire d'une vieille dame qui nous rappelle qu'elle fut tour à tour une petite fille, une adolescente, une jeune femme, belle, libre, séduisante, épouse et veuve à répétition, femme torride dans les bras de son amant magnifique, et puis tour à tour grand-mère gâteau, tueuse en série et peut-être simplement femme blessée par la lâcheté et la méchanceté des hommes, femme aimante, femme libre et sensuelle.
C'est une femme libre en effet, prodigieusement libre, à l'existence parsemée de joies gourmandes et espiègles, féministe, lisant Simone de Beauvoir et ne lâchant rien. Il est vrai que Berthe n'a jamais été du genre à se laisser marcher sur les pieds par un homme au cours de sa très longue existence.
C'est une longue confidence. Elle dit tout haut à l'inspecteur Ventura ce que celui-ci n'ose s'avouer tout bas. Ce sont les aveux d'un vieille dame pleine de malice et d'émotion qui a aimé, qui a été piétiné, qui a protégé... C'est sa confrontation avec un homme désabusé, désoeuvré au seuil de sa vie conjugale qui prend de l'eau...
Certes ce livre ne sera pas le polar de l'année ni du siècle. Mais j'ai aimé ce récit jubilatoire, semé de dialogues truculents où la tendresse et l'émotion s'invitent peu à peu dans l'itinéraire sensible de cette vieille dame portée par un amour solaire, l'amour de toute une vie, et qui finit par nous brûler les doigts.
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Vous avez aimé La Daronne d' Hannelore Cayre? Vous adorerez Mamie Luger, de Benoît Philippon, son aïeule littéraire. Qui a fait beaucoup, elle auusi, pour l'émancipation féminine, même si elle n'y va pas avec le dos de la cuiller ou la crosse de son Luger !

Faut pas creuser beaucoup -et je pèse mes mots !- pour lui reconnaître, malgré ses 102 printemps, une efficacité largement supérieure aux George Sand, Simone de Beauvoir, Annie Leclerc et autres suffragettes de la plume, même vitriolée.

le blam blam !du Luger supporte rarement la réplique...

Berthe Gavignol, une Cantaloue , (quasiment une voisine !), m'a conquise par son naturel désarmant, son a(petit)plomb sidérant, sa réactivité fulgurante.

En voilà une qui ne mâche pas ses mots, qui appelle un(e) chat(te) un(e) chat(te)... et pour qui la vengeance est un plat qui se mange chaud bouillant !

Résumons : pour sauver deux Bonnie and Clyde en cavale, Berthe Gavignol tire assez abondamment sur les forces de l'ordre et continue à faire diversion, telle une Sheherazade en kalash, en racontant aux flics médusés sa carrière de seriale killeuse, preuves excavées à l'appui.

Comme elle n' est pas de la première jeunesse et qu'il y en a beaucoup des... preuves, elle gagne du temps, s'acquiert l'indulgence à peine masquée du commissaire Ventura (andré, pas Lino !) et très vite nous met dans sa poché où traînent toujours, sale manie de Mamie, quelques cartouches, au cas où...

J'ai beaucoup ri devant l' outrance assumée, j'ai bien aimé la pertinence des analyses cachée derrière cette justice expéditive et été emue par les dernières pages où la Veuve Noire fend enfin l'armure et pleure au son de Strange Fruit chanté par Nina Simone...

Comme quoi, on peut aimer la poésie délicatement féminine d'Ile Eniger et les tribulations trashissimes de Mamie Luger...
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Au pays de mamie Luger, on s'amuse, on pleure, on rit ; comme Candy, elle est espiègle, nature et un peu fofolle.
Derrière cette apparence bohème, nous avons affaire à une centenaire, qui a vécu bien des horreurs, qui va se retrouver en garde à vue et qui va devoir se raconter.
Il s'agit alors de violences conjugales, de mauvais choix d'époux (c'est peu de le dire...), de racisme, d'intolérance, de lutte des classes, d'abus sexuel, de vengeances et du peu d'amour d'une mère.
Il est aussi question de féminisme, de courage, de l'amour d'une grand-mère, de solidarité, d'anticonformisme, de tolérance et du grand amour.
Le style est précis et rythmè. Les dialogues sont cyniques et croustillants.
C'est émouvant, drôle et profond.
Foncez faire connaissance de Berthe.
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« Mais j'ai vu, autour de moi, les femmes se briser une par une. Que ça se fasse dans la dignité du silence ne nous aura pas avancées. »
De prime abord, difficile de trouver plus éloignés l'un de l'autre que « Cher connard » de Virginie Despentes, dont est issue la citation ci-dessus, et « Mamie Luger ». Qu'auraient de commun Rebecca et Zoé Katana, les deux héroïnes du roman de la première, avec Berthe Gavignol, la mamie impayable du second ?

« Mamie Luger » s'ouvre sur une fusillade carabinée de Berthe Gavignol, 102 ans et pas toutes ses dents, contre la police qui vient l'arrêter, après qu'elle a truffé le derrière de son voisin de quelques balles bien senties. Ce qui la mènera en garde à vue, où elle sera sommée de s'expliquer par André Ventura, inspecteur de son état. Celui-ci assistera ainsi, entre agacement et tendresse pour cette mamie rebelle et plus que rock'n'roll, à l'interrogatoire le plus extraordinaire de sa carrière : « […] il n'aura très probablement plus jamais d'affaire aussi spectaculaire que celle de Berthe. L'interrogatoire d'une vie. Ceux qui suivront lui paraîtront bien ordinaires en comparaison. »

Car Berthe Gavignol, c'est quelque chose ! Grande gueule, d'un bagout incroyable, d'un avant-gardisme qu'elle ne cessera de payer toute sa vie dans sa campagne auvergnate bien-pensante, elle ne se laisse pas démonter et raconte ainsi sa vie par le menu, illustrant bien pourquoi la rumeur lui donnait le surnom de « Veuve noire » : en effet, cinq maris, cinq disparitions, ça laisse songeur. C'est que Berthe, malgré sa liberté de penser et son envie irrépressible de vivre, a bien mal su choisir ses maris, tout en sachant en revanche bien s'en débarrasser. Pour aussitôt replonger dans un nouveau mariage sur un coup de tête. J'avoue avoir été déroutée sinon agacée par cette femme si indépendante, si déterminée à penser par elle-même, retomber sans réfléchir dans le même piège marital.

Mais ce procédé répétitif auquel on peut reprocher un certain manque de subtilité, a le mérite de mettre en avant le féminisme de Berthe, exacerbé par les violences qu'elle a subies (et c'est là que le trait d'union avec Despentes se fait) et la rage pure qu'elle ressent envers les hommes, plus largement envers un système patriarcal qui domine les femmes et les détruit, aidé en cela par une justice défaillante :
« - T'es pas assez con pour m'dire que la vie est juste, le provoque la vieille.
- Non effectivement, je ne vais pas vous dire cette connerie.
- Par contre la loi, t'y crois ?
- Ca fait trente ans que je la défends, et oui, j'y crois.
- Et t'étais où quand y fallait m'défendre, moi ?
- […] Je n'étais pas né.
- Fais pas l'malin. Toi, ou un autre, derrière vot' Code civil, y en a pas eu un pour réagir. Ces meurtres à p'tit feu, y comptent pas pour des assassinats. Un mari qui vous bat, qui vous torture, qui vous détruit, il est pas puni par la loi…
- S'il y a des preuves, si.
- Tu peux me montrer des blessures qui s'voient pas, toi ? La justice et la loi font pas meilleur ménage qu'un mariage arrangé. »

Une femme a-t-elle ainsi d'autres moyens de se défendre qu'en se mettant au niveau de la violence masculine, surtout quand elle sait qu'elle n'obtiendra rien de la justice ? Berthe a choisi, et le sang a ainsi accompagné cette vie pleine d'épreuves.

« Mamie Luger » est donc un récit plein de rebondissements dignes d'un grand huit et de changements de ton. Les premières pages sont très drôles, avec ce ton potache et enlevé, pour progressivement passer à un registre plus sombre, voire triste quand Berthe raconte sa vie marquée par les hommes qui ont traversé sa vie, pour le meilleur et surtout le pire. On rit, on pleure, on réfléchit, dans le tourbillon de cette Berthe qui n'est jamais là où on l'attend, elle qui a toujours un jeu d'avance. Inoubliable et impayable, cette mamie.
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Un roman hilarant avec pourtant un sujet qui ne s'y prête pas vraiment, mais ne peut-on rire de tout ? Je ne suis pas adepte de ce genre de roman en général mais mon frère m'avait conseillé de le lire en me disant que ça lui rappelait les San Antonio de son enfance (un style auquel je ne comprenais pas grand chose...). Eh bien si c'est dans la même veine, je vais peut-être me lancer après tout ?
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