AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de ODP31


Berthe, 102 ans, bon pied (au cul !), mauvail oeil, n'est pas une mamie gâteau qui tricote des écharpes à ses petits-enfants en ronflant devant les Feux de l'amour. C'est plutôt un croisement entre Tatie Danielle et Ma Dalton, serial veuve, qui a délaissé l'hydratation de ses géraniums pour arroser de plomb la bleusaille alertée par ses problèmes de voisinage. Inutile de vouloir lui confier des mioches pour les vacances quand il n'y a plus d'école pour s'en débarrasser.
La charmante vieille dame est placée en garde à vue et interrogée par l'inspecteur Ventura. Celui qu'elle surnomme Lino va bientôt découvrir que si beaucoup de gens cachent des cadavres dans leur placard, Mamie Luger préfère les enterrer dans sa cave. Et il y a foule dans les fondations, catacombe privative, ossuaire réservé aux dynasties d'animaux de compagnie et aux maris de mauvaise compagnie. Berthe a enchaîné les mauvais mariages et autant de veuvages plus ou moins prémédités.
Sa vie n'a pas été un fleuve tranquille. Plutôt un torrent déchaîné dont la vieille dame va raconter les nombreux débordements dans une langue crue.
Tartare à la Audiard lors des séquences d'interrogatoire, le récit échappe à la gaudriole san-antoniesque car la biographie macabre révèle une femme libre en avance sur son temps, faiseuse d'ange par compassion, démon radical face aux violences conjugales, les viols et le racisme. L'auteur ne précise pas si Berthe à de grands pieds, mais elle a les idées larges.
Il ne faut donc pas trop se fier à la couverture truculente et plus accrocheuse qu'une édition de minuit qui cherche midi sous un soleil de Plon. Ce qui se passe sous les draps de cette histoire ne relève pas du simple divertissement de transat. Benoit Philippon alterne avec brio les passages très drôles et les épisodes tragiques de la vie de la vieille dame. Son histoire d'amour avec un GI noir est aussi touchante que romanesque. Berthe est un coeur à vif qui porte le cynisme comme une armure.
A l'inverse, il faut oublier le romantisme quand la mamie aborde sans censure ni césure les compétences érotiques limitées et l'anatomie minimaliste de feu certains de ses maris qui lui rendirent le devoir conjugal aussi excitant qu'un sujet de trigonométrie. A défaut d'atteindre le Nirvana, Berthe tombe dans le Grunge quand il s'agit de se faire justice. Et la vieille dame interprète avec certaines libertés le concept de légitime défense pour se débarrasser de ses légitimes à coups de pelle.
Si l'aspect répétitif des crimes m'a parfois un peu lassé, le personnage sans filtre de Berthe est assez irrésistible et tout comme Ventura, je l'aurai bien gracié de ses crimes en lui accordant des circonstances plus amusantes qu'atténuantes.
Mamie Luger apparaissait dans le premier roman de Benoit Philippon "cabossé" qui suivait la cavale d'un couple en cavale évoqué au début du roman. Je vais tâcher de me le procurer. L'auteur est également scénariste et on le sent très à l'aise dans les dialogues jubilatoires du roman et dans sa construction à base de flash-back.
J'ai donc apprécié cette mamie flingueuse. Je plaide coupable.
Commenter  J’apprécie          1118



Ont apprécié cette critique (104)voir plus




{* *}