Eugénie-Victoire est une "enfant naturelle", enfant de l'assistance publique, ou plus souvent connue sous la dénomination de "bâtarde", un statut qui pour une femme au XIXème siècle équivaut au sceau de l'infamie.
Chez les soeurs, elle apprend à vénérer Dieu, Jésus et
Marie et lorsqu'elle est embauchée par une première famille pour aider au travaux de la ferme, des hommes profitent de sa naïveté et de sa crédulité. Et bien que ce soit une fille coriace, besogneuse et qui a la force d'un homme, c'est bien la rouquine surnommée "
Victoire la rouge" dans son village de Dordogne qui est blâmée pour ses moeurs légères.
Son manque d'affection humaine et son besoin d'être réconfortée et tout simplement aimée l'amène à répéter cette même erreur dans plusieurs maisons où elle travaille. Et chaque fois, c'est elle qu'on blâme. Jusqu'au jour où...cela la mène en prison.
Roman découvert totalement par hasard, j'ai rapidement plongée dans ce roman dans la pure tradition naturaliste qui n'a rien à envier un roman de
Zola. Certes, on n'est pas sur un chef-d'oeuvre non plus. Mais c'est tellement bien écrit !! D'une "simple et commune" injustice de son temps, la romancière dreyfusarde,
Georges de Peyrebrune, qui a influencé de nombreux romanciers (dont
Mirabeau) parvient à créer une fable sur la condition de la femme et le joug patriarcal avec une figure féminine qui pourrait être l'égale d'une Fantine, Gervaise ou Nana. Avec de simples mots qui se lisent très rapidement car la narration est moins dense que chez ses confrères masculin, la romancière décrit toute la tragédie et le statut infantilisant des femmes de l'époque qui sont soumise et dépendantes à la fortune, au nom et à l'autorité des pères ou des maris du fait qu'elles ne peuvent prétendre posséder de quelconques ressources.
Petit "bémol", même s'il est d'époque, j'avoue que les trois "malgré que" trouvés dans le récit ont piqué mes yeux !! Mais c'est très secondaire dans un récit si vivant et même "dynamique" qui dresse un portrait vivace et dure de la vie à la campagne au XIXème siècle.
La collection des "Plumées" de chez Talents Hauts ré-édite des récits de femmes du XIXème influentes et injustement oubliées. C'est un choix militant, d'autant plus que la presse en parle peu ou pas du tout, et je pense que l'initiative mérite d'être saluée. Pour ma part je pense explorer d'autres titres du catalogue (pour 7,90 euros, ça ne vaut pas le coup de s'en priver!).