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EAN : 9782070250448
136 pages
Gallimard (01/03/1963)
3.91/5   32 notes
Résumé :
Il est souvent question de la Bretagne, dans ce petit livre. J’aimerais qu’on ne s’y trompe pas. C’est simplement le nom que je donne à certaines de mes obsessions, tout à fait absurdes. Ce que m’a donné la fréquentation assez poussée de ce pays ne tient pas à ma présence « effective » au bord de la mer. Je reste persuadé que tout ce qui émeut l’homme peut se déclarer n’importe où, et singulièrement entre quatre murs neutres et nus. La Bretagne est l’anecdote de ma ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Dans les Poèmes bleus, comme dans l'essentiel de son oeuvre, Georges Perros se révèle de manière très singulière, dans une écriture tout à fait à part.

Comédien durant quelques années à la Comédie-Française puis au Théâtre National Populaire avec Jean Vilar, il est plus tard rédacteur à la Nrf. C'est fin 1958 qu'il décide, avec épouse et enfants, de quitter Paris pour s'installer dans une région qu'il affectionne particulièrement : la Bretagne. Ce sera le Finistère et Douarnenez. Cette région qu'il connaît depuis son enfance lui est précieuse (il changera son nom de Georges Poulot en Georges Perros, en souvenir de Perros-Guirec, endroit où il venait souvent en vacances enfant). C'est sur cette terre d'adoption qu'il décide de se consacrer à l'écriture. En 1962, paraissent les Poèmes bleus.

"[...] J'allais une fois encore vers cette Bretagne
Qui m'a très jeune fasciné
Qui m'est aimant quand j'en suis loin
Qui m'est douleur quand de trop près
j'en subis la loi inflexible
de pierres de ciels d'horizons […]"

Dans la poésie de Georges Perros, il n'y a pas de quatrains, pas de sonnets, d'alexandrins, de rimes, pas d'abstraction, de travail sur la sonorité des mots, pas d'incantation,… Dans de longs poèmes, comme saisies dans l'instant, l'auteur rend compte de choses vécues, livre les impressions qui sont nées d'elles.
On y trouve beaucoup d'attachement, de tendresse portés à la nature, à l'océan, aux paysages bretons, aux habitants de Douarnenez mais aussi un certain désenchantement, un sentiment assez indéfinissable de ne pas être assez, de ne pas posséder assez de vie, comme si l'auteur se trouvait en bordure des choses, à l'extrême limite de son expression.

Georges Perros écrivait que " le poète est un homme qui nous donne envie d'aller vivre chez lui, mais chez lui n'est nulle part ". Ce propos résume assez cette proximité, cette affinité ,que l'on peut éprouver en lisant Perros mais aussi une fragilité, un sentiment d'éloignement. Une subversion tente de se faire entendre, mais elle reste suggérée, mesurée, comme dans un acte désespéré.

L'oeuvre de Perros n'a d'autre ambition que de rendre compte de l'instant, de n'être qu'une accumulation de riens, de choses très ordinaires : " On n'écrit que ce qu'on peut, le reste étant, très exactement, littérature ". Il y a chez Georges Perros, une simplicité, une manière de se tenir en retrait du temps qui touche au coeur.
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Premier contact avec l'auteur d'une poésie fluide, ample, fidèle dans ce recueil à une forme classique. Longs récits où les octosyllabes dominent, souvent rimés (Ken Avo, Marines), puis série de sonnets dont un seul possède un titre, « L'âme », le plus obscur, exactement rimé.

Récits d'un homme qui change lucidement de monde, migrant vers le mariage, vers la Bretagne, non sans doute ni tristesse, poursuivi par sa « salope de solitude », un sentiment d'inanité et des tentations suicidaires, qui s'exhorte à la vie simple dans « l'irréductible présent ». Thèmes graves, ton méditatif. le bleu est celui du jazz. La pudeur et l'attention aux autres évitent les écueils d'un romantisme noir.
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"La musique des doigts de l'eau
Qui se font les ongles en silence
Au contact rugueux des galets
De ces galets que l'on ramasse
Que l'on caresse de la paume
Que l'on regarde sur la table
Quand on est loin de leur pays
Ils font se lever la mémoire
Comme un spectre de bon aloi.
Qui dit que la mer est à boire ?
Elle est trop salée
Mais l'homme a toujours besoin d'elle
Besoin de la savoir présente
Irréductible au pas humain."


Elle a récité cet extrait qui évoque tellement notre pays, notre enfance, notre vie, sa vie.
C'était la dernière fois.
Et nous avons pleuré.

Adieu maman.
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critiques presse (1)
LeFigaro
13 juin 2019
Des poèmes comme une fugue splendide vers le Finistère et ses villes aux noms âpres comme du granit.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (61) Voir plus Ajouter une citation
Gaités lyriques

Si vous cherchez bien
Vous verrez
Des visages
L’enfer s’y promène
Si vous cherchez mal
Vous saurez
Où surnagent
Nos âmes sereines
Le caméléon de l’amour
Y change ses couleurs fauves
La tristesse de vivre ici
Ferme l’oeil bête des alcôves
Nous n’irons plus au bois
L’été
Ressemble trop au carnaval
Danse de mort
Squelettes vains
Nous n’irons plus ; le mal lointain
S’est à nouveau pris dans nos pièges
La vie est un bouchon de liège
Elle flotte au gré des humeurs
Mais n’entend plus l’humble rumeur
De l’éternel qui passe vite
A travers nos cœurs désertés.

(pp.95-96)
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Ces envies de vivre qui me prennent
Et cette panique, cette supplication
Cette peur de mourir
Alors que je n'ai pas encore vécu
Et que dans ces moments
J'ai ma vie sur la langue
Il me semble que ça va être possible, enfin
Que je vais y aller d'une grande respiration
Que je vais avaler le soleil et la lune
Et la terre et le ciel et la mer
Et tous les hommes mes amis
Et toutes les femmes mes rêves
D'un seul grand coup
De poitrine éclatée
Quitte à en mourir, oui,
Mais pour de bon
Pas de cette mort ridicule
Déshonorante, inutile,
Qui accuse la parodie
Qui accuse le défaut, de ce qu'on appelle la vie
Sans trop savoir de quoi nous parlons.
On se renseigne auprès des autres
On leur pose des tas de questions
Avec cette hypocrisie de bonne société
On marque des points en silence
Ils souffrent autant que nous, tant mieux
On se dit même
Qu'on est un peu plus vivants qu'eux
Ô l'horreur
Et la fragilité
De nos amours.
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Marines


Extrait 20

Au fur et à mesure que l’homme se raréfie
L’homme taupe
L’homme rat
L’homme puce
Qui saute ici et puis ailleurs
Dans son délire quotidien
Ce parasite qui suce le sang de la vie
Mais il en perd toutes couleurs, ainsi
Finissent pas mal d’hommes.
Alors voilà que c’est assez
Que c’est dans notre dos
Les entrevues jusqu’à nausée
Sur l’ennui d’être plutôt ceci que cela
Les amours propres qui sont sales
Les susceptibilités l’oeil en coin
Les défilés de mannequin
Qui portent la mort sous leur masque
Les petites bicoques loi Loucheur
Où les dimanches de l’ennui
S’écoulent près de la grand-route
Où l’on se tue à perdre haleine
Les conversations au sommet
Les grands coups de poing sur la table
Les politiques infernales
Les gratte-ciel ongles de nuit
Où l’on brasse
L’horreur d’être homme en ce monde
Foutez-moi tout çà dans la mer
Foutez-moi tout dans l’eau salée
Que la terre ouvre ses veines
Et se refasse en nouveauté
En compagnie tourbillonnante
De ces tziganes de poissons.
Respire ami et songe encore à d’autres mots
Ceux-là câlins, mots de laine
Oiseaux sous la langue
Qui disent le printemps marin
La gentillesse armoricaine
Qui tutoie l’univers entier
À ces mots :
       Forest Fouesnant
       Lannilis
       Landudal
       Landevennec
       Saint-Guennolé
       Plouhinec
       Clahars carnoët
       Rozermeur
À ces noms de rivière aussi
Ces rivières qui viennent doucement mourir
Dans l’énorme cuve qui bout de peur
Comme disait je ne sais plus qui :
       Aulne
       Aven
       Odet
       Ellern
       Ellé
       Blavet
       Goyen
       Laïta
Laisse-toi prendre dans ces mots
Comme dans une algue marine
Qui va sa vie au gré des flots

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On meurt de rire on meurt de faim
On meurt pour blessure à la guerre
On meurt au théâtre à la fin
D'un drame où le ciel est par terre.

Il est cent façons de mourir
Pour vivre on est beaucoup plus sage.
Il s'agit de savoir moisir
Entre l'espoir et le fromage.

Georges Perros - Poèmes bleus (p. 98)
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Il y a un bruit près de chez moi
Comment pourrai-je m'en passer
Celui de l'homme c'est la voix
Que je connais trop bien, assez.
Un bruit qui ne vient pas des hommes
Les hommes sont mes compagnons
Ce bruit qui vient de nulle part
Me rend bien fou quand je l'entends
Il ne ressemble à rien d'humain
Quoique les hommes de toujours
L'aient entendu.
Homère en parle avec génie
Il ne ressemble à rien d'ici
C'est un bruit féroce et têtu
Parfois plaintif comme une femme
Parfois meurtrier, je le nomme
Celui du flux et du reflux
Que fait la mer en mon oreille
La mer qui ne ressemble à rien
Que l'on regarde sans savoir
Ce que cache cette merveille
Pourquoi ce bruit m'enchante-t-il
Ce n'est pas demain ni après
Que je pourrai le dire, vrai
Je n'en sais plus long que personne
C'est que ce bruit a l'indicible
Dans la peau, comme nous avons
Ce sang qui coule dans nos veines
Sang bleu quand d'ici on le voit
Sous l'épiderme il est sournois
Sang rouge quand on y va
Un peu plus fort qu'il ne faudrait
La mort est près de nous si près
Qu'on fait semblant d'être des hommes
Il suffit d'une simple aiguille
Pour que le cœur donne son nom
Au dernier fil de la quenouille.


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Vidéo de Georges Perros
Lecture par l'auteur & Julien Adam
« partout je me suis toujours cherché / mais j'ai toujours veillé / à ne jamais me trouver / de peur de me faire mal / de me faire la peau / de me régler enfin / mon compte. » Il y a l'empreinte d'un Georges Perros dans cette façon de se regarder en face. Franche. Désolée. Il y a surtout le premier et très inspiré recueil de poèmes d'Olivier Adam, fragments murmurés d'une « contrevie ». du passé bien passé, bien perdu. Des manquements, des remords, des incompréhensions, des impossibilités à jouer la comédie. Ce rôle-là, il ne le tient pas « de travers ». Tout au contraire : c'est sa peau.
À lire – Olivier Adam, Personne n'a besoin de savoir, éd. Bruno Doucey, 2023.
Lumière : Valérie Allouche Son : William Lopez Direction technique : Guillaume Parra Captation : Claire Jarlan
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