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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Nous sommes en 1924. L'auteur anglais très célèbre Thomas Hardy est à l'hiver de sa vie; il a quatre-vingt-quatre ans.
Il croit en avoir fini avec la passion qu'il a si merveilleusement évoquée dans ses livres mondialement connus "Jude l'Obscur" et "Tess d'Urberville" dernier ouvrage qui a inspiré le très beau film de Roman Polanski sorti en 1979.
Oui mais tout n'est pas si simple pour ce géant vieillissant de la littérature.
Veuf inconsolable de sa première épouse Emma Lavinia Gifford, il poursuit sa quête de l'idéal féminin, chère à tout artiste.
Cette femme idéale va prendre les traits de Gertrude Bugler, comédienne, dont la mère, Augusta Way, fut le modèle de Tess, la tragique héroïne que beaucoup d'entre nous gardent en tête; une héroïne abusée pendant sa jeunesse puis rejetée plus tard par l'homme qu'elle aime, en raison de son passé, inadmissible à l'époque.
Les personnages du livre ont tous existé.
La seconde épouse de l'écrivain, Florence Emily Dugdale, est décrite sans complaisance; elle jalouse continuellement l'épouse décédée de l'auteur, dont elle ne parvient pas (malgré tous ses efforts!!)) à prendre la place.
Les personnages secondaires évoqués dans ce roman sont importants d'un point de vue historique: T.E. Lauwrence (1888-1935) , plus connu sous le nom de Lawrence d'Arabie; J.M. Barrie, l'auteur de Peter Pan, la comédienne très réputée à l'époque Sybil Thorndike.
Biographie et roman s'entremêlent, ce qui fait la richesse du récit.
Récit qui montre bien les influences qui ont marqué Thomas Hardy et notamment tout le courant "réaliste" de la génération qui a précédé la sienne avec Dickens, les soeurs Brontë et George Eliot.
Ce livre est une très belle évocation d'un écrivain qui a marqué l'époque victorienne.
C'est le troisième roman de Christopher Nicholson et le premier à être traduit en français.
Christopher Nichoson est anglais et producteur de documentaires pour la télévision.
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Hiver, troisième roman de Christopher Nicholson (producteur anglais de documentaires pour la télévision), est le premier à être publié en France. La traduction est l'oeuvre de Lucien d'Azay.
Hiver, « si imaginaire qu'il soit, […] s'inspire rigoureusement de la réalité […] » comme nous le confirment les notes du traducteur en fin de roman. Il est découpé en 4 parties, possède 12 chapitres de taille inégale pour un total de 320 pages relativement denses. Un bandeau avec une superbe photo hivernale d'une demeure campagnarde au recto et des critiques de David Lodge, John Boyne et du Boston Globe au verso entoure le livre. Il paraitra le 08 Octobre prochain.
Je remercie Clara Robert et les éditions de la Table Ronde pour cet envoi.
Durant l'hiver 1924, Thomas Hardy, célèbre écrivain anglais âgé de 84 ans, vit à Max Gate, sa demeure immense et arborée qu'il a lui-même construite près de Dorchester dans le Dorset, avec sa seconde femme Florence et leur chien Wessex. Son épouse, 45 ans, est en relative mauvaise santé suite à une grave opération. La vie du couple est mouvementée et se retrouve encore plus perturbée avec la première mise en scène théâtrale au village de Tess d'Uberville, un des romans majeurs de l'auteur. Gertrude Bugler, Gertie, belle jeune femme ambitieuse de 27 ans, incarne avec talent et brio le rôle de Tess. Si Thomas Hardy tombe littéralement sous son charme, à l'opposé, Florence verse dans la paranoïa et éprouve une jalousie maladive envers elle.
Christopher Nicholson nous offre ici une biographie romancée assez atypique d'un moment de vie de Thomas Hardy. Elle est en tout cas non conventionnelle car elle s'apparente davantage à une conversation à trois, sorte de jeu de rôle et de questionnements, entre l'auteur célèbre et les deux femmes qui l'entourent (personnages réels), le tout sur 3 générations différentes.
Pour cela, Christopher Nicholson utilise différents styles et narrateurs dans son oeuvre. Selon le chapitre, le « je » permettant d'exprimer les réflexions et pensées des personnages est employé par Thomas Hardy, Florence Hardy ou Gertrude Bugler. Deux chapitres plus neutres, plus romanesques, utilisent la 3ème personne. Cela réclame au lecteur de l'attention, rend la lecture plus laborieuse mais offre un récit plus dynamique. Je citerai l'exemple des premiers chapitres où les mêmes événements sont vus du point de vue de Thomas Hardy, puis du point de vue de sa femme : Deux visions différentes et donc intéressantes.
L'écriture de Christopher Nicholson est littéraire, très évocatrice et illustrative. C'est un gros point fort du livre qui rend ce dernier vraiment attrayant.
Les nombreuses descriptions donnent vie au Dorset et permettent au lecteur de s'immiscer dans les lieux de l'intrigue. Par son style, Christopher Nicholson assimile les lieux à un vrai personnage. Il lui donne autant d'importance.
« Les pins d'Autriche s'élevaient au-dessus d'eux, branches déployées, leurs cimes voilées par la vapeur. On entendait partout le perpétuel crépitement musical des gouttes d'eau qui tombaient sur les feuilles sèches. »
« de fait, il semblait au vieil homme que Cockerell était à moitié aveugle à la campagne, incapable de voir davantage qu'une infime partie de ce qu'il y avait à voir. Il était également sourd, dans la mesure où pour lui les bruits des arbres n'étaient que des bruits, alors qu'ils sont, pour le campagnard, une forme de langage expressif : les douces palpitations d'un hêtre, les murmures extatiques d'un bouleau et les soupirs languissants d'un pin se rapprochent tellement de la conversation qu'ils ne sauraient être autre chose. »
De même, les phrases utilisées et les mots employés permettent aisément de faire ressortir l'aigreur, la rancoeur et surtout la jalousie de Florence, épouse aimante réduite à un rôle de faire valoir, de simple secrétaire de l'auteur et qui est prête à tout pour contrecarrer ses plans. Cela rend le personnage rapidement antipathique et détestable.
« La vérité, c'est qu'il ne se donne pas la peine de faire un effort pour moi, sa femme. Moi qui ne fais que des efforts pour lui, moi dont la vie lui est entièrement dévouée, moi qui marche derrière lui sur la pointe des pieds, lui prépare son linge, l'aide à s'habiller, lui fais la lecture pendant des heures tous les soirs et gais tout ce qui est humainement possible pour le rendre heureux, je ne suis pas digne du spectacle. »
« Je n'ai pas envie d'être jalouse, je ne veux pas être jalouse, mais il m'est impossible de ne pas éprouver une espèce de serrement de coeur. Mes nerfs tremblent comme des feuilles et je n'ai aucun espoir de trouver le sommeil. Tout me tombe sur la tête. J'ai quarante-cinq ans et ma vie est en lambeaux. Voilà où j'en suis à présent, voilà à quoi ressemble ma vie. »
« Si seulement elle savait ce que c'est que vivre avec lui, un homme qui préfère la compagnie de sa plume à celle de sa femme, un homme qui aime la solitude au point de tenir froidement sa femme à l'écart de ses pensées et de faire en sorte qu'elle n'ait aucune importance[…] »
L'écriture sert également parfaitement la description des fantasmes du vieil auteur ou illustre parfaitement les aspirations/inspirations de celui-ci, poète, romancier ou homme tout simplement. L'auteur dépeint merveilleusement le lien ténu entre la vie personnelle (reconnaissance, célébrité, argent) et la vie imaginaire (celle qu'il s'imagine de vivre, remplie de fantasmes) de Thomas Hardy au travers des poèmes que ce dernier rédige.
« La fiction avait été pour lui une maitresse généreuse, lui permettant de modeler, d'adapter et d'inventer les personnages et les événements comme il l'entendait ; une biographie, en revanche, était un despote, l'obligeant à coller davantage à la vérité, en ce qui concernai notamment la chronologie et la topographie. Il était bien entendu loisible de s'en écarter ici ou là, et le recours à la troisième personne l'avait aidé en ce sens, comme si la biographie avait été écrite par Florence, mais le résultat manquait de tension et d'harmonie. La vérité n'a pas le caractère rigoureusement ordonné de l'art. »
« Il la voyait se déshabiller tout doucement, un pied posé sur le dessus d'une chaise en osier ; il la voyait vêtue d'un corsage et d'un jupon blancs, en train de dégrafer un de ses bas avec langueur, le déroulant le long du galbe modelé de sa jambe tout en jetant un rapide coup d'oeil oblique dans sa direction. Sa poitrine se soulevait et s'abaissait, et sa chevelure, abondante et lourde, brillait comme un vernis à la lueur des bougies. »
« Il s'était persuadé qu'elle serait une lectrice attentive et que, avec le temps, elle finirait par comprendre certains des mystères les plus profonds de son art. Sur ce point, il s'était trompé ; Comme Emma, et même davantage encore qu'Emma, elle n'avait pas cessé de lire un poème comme s'il s'agissait d'un tract scientifique. Elle était pareille au lépidoptériste ; elle interprétait littéralement tous les mots et les expressions que traçait la plume du vieil homme comme un exposé de son moi intérieur. Il avait eu beau s'évertuer à lui expliquer, elle n'était pas parvenue à comprendre qu'il n'était pas « je » et que « je » n'était pas lui. le rapport entre lui et ce « je » était certes étroit ; ils étaient des frères de sang, mais les frères sont souvent fort différents. S'il écrivait un poème où il parlait de s'enfuir en compagnie de Gertie, ce n'était rien qu'une fleur de désir. »
Je n'ai jamais lu d'oeuvres de Thomas Hardy, je ne pourrai donc pas comparer ce récit avec l'univers de ce dernier. Néanmoins j'ai beaucoup apprécié Hiver qui me donne très envie de découvrir Tess d'Uberville par exemple. Ce roman est une belle porte d'entrée pour cela.
Comme je le disais préalablement, cette lecture n'est pas fluide dans le sens « page turner » du terme (je faisais des sessions de lecture d'une heure environ, pas plus, d'où une durée importante avant de tourner la dernière page), mais elle n'en est pas pour autant inintéressante, bien au contraire. C'est un vrai plaisir de lecture, aussi émouvant, bouleversant qu'agréable, dans lequel les nombreux thèmes abordés nous font réfléchir (certains de manière philosophique) à la vie (passée et à venir), l'amour, le couple, l'avancée dans l'âge, la solitude, la vieillesse, le temps qui passe, l'empreinte laissée à la postérité…
« Comme je l'ai dit, le passé ne cesse de vivre, même si l'on préférerait de beaucoup qu'il n'en soit rien. »
Gertrude Bugler conclut ce bel opus dans le dernier chapitre avec une fin inattendue… où certains événements résument très bien l'état d'esprit des personnages. Je vous laisse découvrir.
Pour être totalement objectif, j'ai eu du mal en début de roman avec certains dialogues et les effets de style associés. La répétition à chaque phrase du verbe dire hache la lecture et m'a rapidement énervé.
Si vous êtes fan de Thomas Hardy, souhaitez le découvrir ou simplement passer un bon moment de lecture, je vous conseille de ne pas passer à côté de Hiver.
4/5


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Je ne connaissais ni Christopher Nicholson, ni Thomas Hardy et je ne savais donc pas que l'auteur faisait revivre ici un personnage réel.
Je remercie fanfanouche24 pour avoir la bonne idée de l'inclure dans sa liste d'idées cadeaux de Noël. C'est une belle découverte parce que c'est un beau roman.

Thomas Hardy, âgé de 84 ans, décide de faire monter son roman "Tess d'Uberville" sur les planches de Londres, car il a trouvé son héroïne. L'héroîne parfaite pour jouer le rôle de Tess : Gertrude Bugler, âgée de 24 ans. Et ce vieil homme va en tomber amoureux. Amoureux pour la dernière fois de sa vie. Bien sûr, toutes ses pensées, ses rêves de fuite, ses fantasmes, il se les garde pour lui, étant conscient du ridicule de la situation.Et l'auteur nous emmène au plus profond de cet être, au déclin de sa vie, et nous le raconte tout en finesse.

Pour éviter peut-être de ressentir la lassitude du personnage, Christopher Nicholson a trouvé un truc infaillible : un chapitre sur deux, il nous raconte l'homme, puis c'est sa femme, Florence, qui parle et nous fait revivre la même situation à travers son regard à elle. Avec une écriture différente, puisque là, c'est une femme qui parle.
Une femme qui se sent extrêmement seule, désabusée, mais qui est aussi hypocondriaque, jalouse, hystérique. Au début, j'ai ressenti beaucoup d'humour dans ces chapitres. Ensuite, avec l'évolution de l'histoire, beaucoup moins, car le personnage de Florence m'a semblé tellement malheureux et pathétique.

J'ai trouvé que ce livre traitait formidablement bien de la vieillesse, de l'amour, mais aussi de l'attachement et du lien qu'un vieil homme peut avoir avec la nature dans ces paysages isolés de l'ouest de l'Angleterre.
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Thomas Hardy, l'auteur de Jude l'obscur ou Tess d'Uberville est un auteur qu'on associe à l'environnement campagnard, et c'est justement lui qui est le sujet de ce roman à intention biographique.
L'auteur a choisi de se focaliser sur quelques mois de la vie de l'écrivain anglais. Il a alors quatre-vingt-quatre ans, vit dans son domaine du Dorset avec sa seconde épouse Florence, bien plus jeune que lui, et qui a du mal à supporter la vie recluse, au milieu des arbres. L'auteur continue d'écrire régulièrement chaque jour, et à cette époque de sa vie, il se tourne surtout vers la poésie. Il porte aussi un intérêt profond à la mise en scène de la pièce qu'il a tirée de Tess d'Uberville. Cette pièce est jouée dans un théâtre des environs par une troupe d'amateurs. Plus qu'à la pièce elle-même, c'est vers la jeune et belle Gertrude Bugler, qui joue le rôle de Tess, que vont ses pensées, déclenchant ainsi la jalousie de Florence.
Mais le roman est bien plus que le récit d'une passion provoquée, bien innocemment, par une jeune femme chez un homme vieillissant, c'est aussi un portrait à la fois de la vie rurale et du milieu de littéraire anglais au début du XXème siècle. Thomas Hardy n'est pas un homme facile, l'homme derrière le poète a ses lubies, il a tendance à refuser toute intrusion de modernité chez lui, Florence est aigrie et suspicieuse, Gertrude un peu naïve, mais l'intérêt réside dans la construction à plusieurs voix, parfois discordantes, des différents protagonistes. L'écriture, adaptée à chaque personnage, est assez classique, mariant avec dextérité des descriptions sensibles de la campagne anglaise, des souvenirs obsédants, et des dialogues plausibles et pleins de vie.
L'auteur connaît manifestement Hardy sur le bout des ongles, et pourtant, jamais ne fait étalage d'érudition, ni ne disserte sur des points qui ne seraient pas utiles à la compréhension du poète tel qu'il était dans ses vieux jours. J'ai noté pas mal de passages pour illustrer ce que j'aimais bien dans le roman, mais je ne vais pas les recopier tous, pour vous laisser le loisir de vous immerger vous-même dans les brumes denses et froides de la campagne anglaise, où, selon Thomas Hardy, on peut plus aisément trouver le bonheur qu'à la ville.
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C'est l'hiver. le froid a figé la campagne. Dans le Dorset, les collines sont recouvertes de givre. Dans la vieille maison, les cheminées ne parviennent pas à réchauffer le vieux couple.
Ce couple, c'est l'écrivain Thomas Hardy, l'auteur de Tess d'Urberville et sa femme Florence. Lui, 84 ans, n'a plus la force pour écrire des romans. Il se contente d'écrire quelques poèmes. Elle, neurasthénique, déteste la campagne, harcèle son mari, se sent prisonnière dans cette maison enfouie dans les arbres.
Mais, leur vie monotone va être bouleversée par l'apparition de Gertrie. Gertrie, c'est l'actrice qui joue Tess dans l'adaptation théâtrale du roman. Th. Hardy éprouve un penchant amoureux pour cette femme jeune et belle qui, pendant quelques jours, va éclairer sa vieillesse. Face au bonheur simple de Gertrie : un mari aimant, une petite fille, Florence cristallise toutes ses angoisses, ses déceptions, ses regrets.
Lire Hiver, c'est retrouver l'atmosphère des romans de Th.Hardy : la campagne, les ragots des petites villes, le pessimisme sur le bonheur conjugal. Mais, la description de la vie quotidienne chez les Hardy, faite avec un certain humour, échappe à la tristesse. Car Hiver, c'est aussi le roman de Th Hardy en pyjama qui beurre ses tartines. C'est l'amour pour le petit chien qui permet encore au couple de se sentir unis.
Laissez vous séduire par le charme de Hiver. Vous aurez envie de lire ou relire les roman d'un des écrivains les plus grands de la littérature anglaise ,Thomas Hardy.
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Après avoir lu et adoré Loin de la foule déchaînée et Une femme d'imagination et autres contes, je me suis précipitée sur Hiver lorsque Babelio et La Table ronde ont proposé de le recevoir lors de la dernière masse critique. Je les remercie vivement pour cette belle découverte.

Comme un invité de marque, Christopher Nicholson guide le lecteur dès la première page sur le chemin de terre qui mène au cottage des Hardy et nous montre du doigt le vieux monsieur qui descend l'allée de son jardin jusqu'à son portail blanc accompagné de son fidèle Wessex. La vie quotidienne du grand auteur célébré par toute l'Angleterre est strictement organisée: tous les matins, Thomas Hardy promène son chien dans le jardin et malgré ses quatre-vingt-quatre ans il passe le reste de la journée dans son bureau à écrire pendant que Florence, sa seconde épouse de quarante-cinq ans, écrit sa biographie ou répond à son courrier. Même si sa feuille reste vierge, l'auteur n'envisage pas de quitter son bureau sur lequel il s'imagine mourir d'ici peu. Ces journées improductives sont alors pour lui l'occasion de se replonger dans son passée, de se remémorer des souvenirs heureux ou malheureux avec sa première épouse ou simplement de penser à la première adaptation de Tess d'Uberville qui se prépare.

Après avoir défendu bec et ongles son roman préféré, Thomas Hardy a finalement accepté qu'il soit adapté au théâtre. Comme un dernier sursaut avant la mort, il est tombé sous le charme de la jeune femme de vingt-cinq qui joue Tess: Gertrude Bugler. Et comme le hasard se mêle de tout, il se trouve que Gerturde est la fille de cette mystérieuse et belle paysanne qu'Hardy rencontra un jour de promenade et dont il s'inspira pour créer son personnage. Florence est aux aguets et tente de refréner les élans amoureux et tardifs de son mari. Mais Florence doit également mener d'autres combats : elle est hantée par la première épouse de son mari qui a laissé sur la maison une trace indélébile, elle se sent prisonnière de cette maison froide et sombre à cause des arbres dont elle ne supporte plus l'ombre et qui ne cessent de croître et elle souffre de l'indifférence de son mari.
Elle se trouve reléguée au sombre rôle de secrétaire alors qu'elle a tout sacrifié pour lui et que désormais il n'a plus d'yeux que pour une jeune femme qui joue faux selon Florence et qui n'est pas aussi belle qu'on veut bien le dire.

Hiver n'est ni une biographie distanciée ni une biographie romancée. Hiver est plutôt une sorte de promenade que nous faisons dans le Dorset en tenant le bras de Thomas Hardy d'un côté et de l'autre celui de Florence Hardy.
Nicholson donne la voix à chaque personnage et le narrateur change d'un chapitre à l'autre: les événements sont décrits par Hardy, Florence et Gertrude. Gertrude, le dernier amour oublié de la biographie sur Thomas écrite par Florence, a enfin son mot à dire. Ce changement de narrateur nous laisse percevoir tous les sentiments que les personnages n'osent pas exprimer et permettent au lecteur d'approcher la résignation du grand auteur qui sent sa fin venir ou d'imaginer le désespoir et les regrets de Florence.

Le lecteur est immergé dans l'intimité du couple et assiste au lent et douloureux effondrement du couple et de l'auteur. Je trouve que la psychologie des personnages est parfaitement campée, à tel point que le lecteur a l'impression d'être oppressé comme Florence lorsqu'elle devient narratrice. J'étais parfois mal à l'aise parce que j'avais l'impression d'être dans une position de voyeurisme vis-à-vis de cette femme encore jeune mais qui donne l'impression d'être si vieille et de ce vieux monsieur dont les élans ne sont plus de son âge. Certaines pages sur le temps, sur la dissolution du couple, sur le vieillissement, sur la gloire et sur la mort sont magnifiques, nous touchent droit au coeur et apportent à l'oeuvre une tonalité mélancolique.

Les descriptions de la nature et de l'Angleterre du début du Xxe siècle sont très bien rendues. Nous avons l'impression d'être au coin du feu, dans un fauteuil près de celui de Thomas Hardy en buvant un thé en compagnie de James Matthew Barrie alors que le vent souffle en rafales à l'extérieur.

Hiver ne se lit pas d'une traite mais il se lit au coin d'un feu, sous un plaid et dans un silence absolu pour que les mots résonnent plus longtemps en nous. Vous l'aurez compris, l'écriture de Christopher Nicholson et Hiver m'ont séduite.

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L'action se déroule dans les années 1920, dans le Wessex, où vit l'écrivain âgé de 84 ans. Nous le découvrons chez lui, dans une assez grande propriété, isolée et cachée par d'immenses arbres qui cependant obscurcissent complètement la maison. Thomas Hardy passe ses journées à écrire, est très attaché à son chien Wessex mais communique peu avec sa femme Florence, qui a à peine plus de la moitié de son âge mais ne lui inspire plus qu'une certaine affection, lorsqu'elle ne l'agace pas. Florence souffre de sa solitude, a une santé fragile et accepte difficilement la tournure qu'a pris sa vie, consacrée entièrement à son époux ; elle est ainsi devenue amère et irritable.

A cette époque, une troupe locale d'acteurs amateurs met en scène Tess, l'adaptation de son grand roman. Cette pièce va rompre le quotidien monotone du couple Hardy, mais aussi devenir sujet de discorde. le personnage principal est joué par la jeune Gertrude Bugler. Elle incarne un idéal féminin aux yeux de Hardy, qui, malgré son grand âge, se sent attiré par elle. Dans une sorte de huis clos, Nicholson met en scène ces trois personnages dont les aspirations et les sentiments ne peuvent qu'entrer en conflit.

Le roman alterne les points de vue, entre les chapitres consacrés à l'auteur rédigés à la 3e personne et les chapitres narrés directement par Florence ou Gertie. Se déroulant au coeur de l'hiver (et portant si bien son titre), ce livre exprime avec subtilité le ressenti des trois personnages, tout en s'interrogeant sur l'amour (ses formes, sa pérennité), la brièveté de la vie humaine, sa poursuite après la mort ou encore, sa place aux côtés de la nature. Même si je suis toujours un peu gênée par les récits inspirés de personnes ayant réellement existé, j'ai beaucoup apprécié ce roman profond, mélancolique et porté par une plume élégante. J'aurais juste aimé que l'auteur ajoute une note pour raconter la genèse de ce livre et indiquer ce qui est en partie inspiré de la réalité et ce qui est totalement inventé – simple curiosité.
Lien : http://www.myloubook.com/arc..
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Est-ce dû au hasard, mais la lecture de ce roman biographique coïncide avec un hiver au Québec qui s'attarde encore (-15° C ce matin au thermomètre). Heureusement, l'exercice en valait la peine : l'écriture de Christopher Nicholson magnifie cette saison, la préférée de Thomas Hardy, l'auteur de Tess d'Urberville. C'est justement la préparation de la pièce de théâtre tirée du roman qui constitue le fil de trame de cette histoire imaginée par Nicholson et qui retrace, en 1924, le quotidien de Hardy et de sa deuxième femme, Florence, dans Max Gate, leur maison située dans la campagne près de Dorchester. Les petits tracas de la vie de couple, le temps qui passe, les souvenirs, le processus d'écriture, la poésie des paysages : c'est tout un retour en arrière auquel nous convie l'auteur. À lire au coin du feu...
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