"La première chose qui tombe à la mer, au cours d'une longue traversée, c'est le temps." (Echo, répondez !)
Prenez le temps de lire ce recueil, voyagez durant quatorze nouvelles avec cet homme du monde, dans tous les sens du terme.
Des nouvelles signées Paul Morand. J'aime Morand et j'aime les nouvelles et j'ai été une fois encore surprise par cet auteur. Sa plume est magnifique, voluptueuse, somptueuse, raffinée, comme à son habitude. Et pourtant, il a encore trouvé le moyen de m'étonner en mettant l'accent sur cette Europe galante de l'entre-deux-guerres qu'il croque sans tabou ni complexe, en libertin (homosexualité, échangisme…) en passant par Moscou, Paris, Londres ou Lisbonne. Ah Lisbonne, j'aime tellement cette ville et la redécouvrir en suivant les pas de Tarquino Gonçalves fût un réel plaisir, tout autant que la chute de cette nouvelle (Lorenzaccio ou le retour du proscrit). Ma préférée est peut-être Eloge de la marquise de Beausemblant pour les dialogues piquants ("Les passions sont belles autant qu'elles restent maudites et inavouables." ou encore "C'était une jeune fille d'aujourd'hui, c'est-à-dire à peu près un jeune homme d'hier") et ce retour de l'histoire avec cette perte de liberté en croyant l'être pour certaines. Morand, explique, écrit avec une telle subtilité -et balance même du lourd- qu'on ne peut qu'être charmé par cette maîtrise. Il dit sans dire, et c'est ça : la concision de la nouvelle, la forme qu'il maîtrise et qu'il aime.
"Chaque pays comme chaque journée, est un cadeau ; il faut les prendre comme on les offre." (Je brûle Moscou)
Commenter  J’apprécie         360
Très vite lu, mais très vite oublié. Comme un souffle de printemps.
Commenter  J’apprécie         20
-Qu'aimez-vous encore ? Dans vos livres, on dirait que vous n'aimez rien.
- Et moi qui croyais faire un inventaire naïf des merveilles du monde !
- En fait de merveilles, vous prenez à tâche de ne nous montrer que l'épilepsie des Russes, la bêtise des Anglais, l'avarice des Français, la paresses des Espagnols, la vanité des Italiens, la vulgarité des Belges, la petitesse des Suisses, la natalité des Allemands, la sauvagerie des Bulgares, l'épaisseur des Hollandais, les grâces universitaires des Tchécoslovaques, les canailleries des Roumains, l'âpreté des Grecs, l'idéal démocratique des Portugais, l'inutilité des Norvégiens, la gymnastique des Suédois, l'ingratitude des Yougoslaves, la légèreté des Autrichiens, la méchanceté des Hongrois, la susceptibilité des Polonais…
- … ou le contraire, madame. Les rêves, dit-on, sont soumis à la loi des contraires. Or, l'écriture n'est qu'un rêve ; cherchez et vous trouverez. Vous verrez soudain, sous ma plume, apparaître la générosité des Russes, la ténacité des Anglais, le jansénisme des Français, le bon sens des Belges, l'altitude des Suisses, la force des Allemands, le savoir des Tchécoslovaques, le courage des Bulgares, l'économie des Grecs, le parisianisme des Roumains, le don d'oubli des Autrichiens, la francophilie des Portugais, le panache des Italiens, etc., et, surtout, la sympathie d'un auteur sans cœur pour ce qui est vivant, sans parler de son admiration pour vous, madame.
Nous allions jusqu'aux vieux quartiers bataves, de l'autre côté de la Néva - qui elle-même, avec sa glace rompue, semblait en ruines, - là où Leningrad est pareille à une ville hanséatique abandonnée par le flot. Cette "fenêtre sur l'Europe", personne n'en nettoyait plus les carreaux. Lentement, on sentait pourrir sur ses cent mille pilotis, comme avaient pourri les cent mille ouvriers que Pierre le Grand y avait sacrifiés, cette ville suppliciée, s'effondrant dans la tombe boueuse du delta.
- Tient-il à vous ?
- A sa manière. Mais cette manière n'est pas la mienne. D'abord, il pense trop.
- On finit par s'habituer aux gens intelligents.
- Vous, peut-être.
L'image de Marie-Louise, comme toutes celles des personnes auxquelles on ne va plus penser, grandit, s'anémia à force de croissance, puis se pencha, et disparut dans cette dissolution poisseuse, chargée de déchets organiques qui porte le nom inutilement abstrait d'oubli...
Triste époque, où les vices eux-mêmes, ce dernier refuge du vrai, sacrifient à la vanité !
Retrouvez les derniers épisodes de la cinquième saison de la P'tite Librairie sur la plateforme france.tv :
https://www.france.tv/france-5/la-p-tite-librairie/
N'oubliez pas de vous abonner et d'activer les notifications pour ne rater aucune des vidéos de la P'tite Librairie.
Savez-vous quel livre est le meilleur guide si vous voulez visiter New York ? Et même si vous ne partez pas en voyage, il vous transportera jusque là-bas ?
« New York » de Paul Morand, c'est à lire en poche chez GF.