Après trois ans d'absence et de douces habitudes, le retour au Canada provoque des impressions complexes.
Quelques contacts sont décevants.. Les inélégances d'architecture et les pauvretés de langage frappent plus qu'autrefois. On éprouve de la joie à retrouver le pays, ses horizons, le jaillissement des eaux, les interminables
plaines crénelées de montagnes — une sorte de joie lente qui serait un réveil. Tout cela s'accompagne de nostalgies qui dorment au fond de l'être, avec des retours parfois aigus. Le remède est de s'entourer des choses que l'on a rapportées, qui évoquent chacune des souvenirs, de se constituer un refuge. Il est surtout dans le travail, dans l'espoir d'être utile et la satisfaction d'entreprendre une tâche.
En janvier 1918, paraissait la première livraison du Nigog. Nom étrange, tiré du Dictionnaire canadien-français: Mot d'origine sauvage désignant un instrument à darder le poisson et particulièrement le saumon. Le titre, disait un journal de l'époque, est tranchant, net, sec; il fait cocarde .
Le Nigog s'intéressait surtout à l'art. Un premier article, intitulé Signification, disait: Il est temps que la critique soit un sérieux enseignement général et non plus un complaisant bénissage d'oeuvres puériles et inhabiles. Les productions littéraires, les concerts, les expositions de peinture et de sculpture, tout le mouvement artistique enfin, doit être critiqué auprès du public averti, par des spécialistes ».