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EAN : 9782246589518
233 pages
Grasset (03/11/1999)
3.3/5   5 notes
Résumé :
4° de couverture :
(Edition Source : Grasset - 11/1999)


« Un fou, Van Gogh ? » protestait Antonin Artaud. Pour le diagnostic, deux camps s'opposent : les Arlésiens — et même son ami, Gauguin — décrivent cet étranger comme une « bête curieuse », un « fou dangereux » s'oubliant dans l'absinthe, et ne méritant pas mieux que l'internement immédiat ; d'autres voient dans la « fracture mentale » de l'artiste une fragilité passagère. Lui-même ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
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Comment un fou pourrait-il écrire les deux phrases ci-dessous ?

« Mon pinceau va entre mes doigts comme serait un archet sur le violon et absolument pour mon plaisir. »

« Hier j'étais au soleil couchant dans une bruyère pierreuse où croissent des chênes très petits et tordus, dans le fond une ruine sur la colline, et dans le vallon du blé. C'était romantique, on ne peut davantage, à la Monticelli, le soleil versait des rayons très jaunes sur les buissons et le terrain, absolument une pluie d'or.
Et toutes les lignes étaient belles, l'ensemble d'une noblesse charmante. On n'aurait pas du tout été surpris de voir surgir soudainement des cavaliers et des dames revenant d'une chasse au faucon, ou d'entendre la voix d'un vieux troubadour Provençal. Les terrains semblaient violets, les lointains bleus. J'en ai rapporté une étude d'ailleurs, mais qui reste bien en dessous de ce que j'avais voulu faire. »

Ni psychanalyste ni critique d'art, le professeur François-Bernard Michel dans son livre « La face humaine de Vincent van Gogh » s'attaque à l'énigme Van Gogh. Pourquoi cet artiste universellement apprécié nous est le plus souvent présenté comme un être tourmenté, caractériel, malade, au bord de la folie. Pour cela le professeur va faire parler Vincent, utiliser sa correspondance pour réhabiliter l'image de l'artiste.

J'ai beaucoup écrit sur Vincent van Gogh. Ma passion pour ce peintre m'avait incité il y a deux ans à écrire un roman « Que les blés sont beaux » sur l'artiste. J'ai donc retrouvé avec plaisir dans l'excellent livre du professeur de nombreux extraits des courriers du peintre à son frère Théo, sa soeur Willemien ou à son ami le peintre Emile Bernard, sur lesquels j'avais travaillé. le soir après sa journée de travail, il racontait son mal-être, sa mélancolie, ses doutes sur cette peinture que peu de personnes comprenaient.
Personnellement, le livre ne m'a rien appris car la face humaine de Vincent je la connaissais si bien, depuis longtemps. Je savais qui était cet homme intelligent, sensible, cultivé, amoureux de la beauté.

Au début de l'année 1888, l'auteur nous emmène en Provence sur les pas de l'artiste. C'est un long cheminement. Un parcours qui se terminera dramatiquement en région parisienne à Auvers-sur-Oise le 29 juillet 1890. Tout au long du livre la pensée de Vincent est finement décortiquée, analysée. Quelles sont les raisons qui ont pu mener cet homme si doué à une fin aussi tragique ? Pourquoi parlait-on de folie ?

À Arles, Vincent est heureux de retrouver le soleil du Midi après les grisailles de Paris où il habitait depuis deux ans chez Théo. Sa vision picturale : réinventer l'art « Je veux créer un art qui sera celui de l'avenir » et fonder un atelier du Midi avec ses amis peintres.
La venue de Gauguin à la fin de l'année 1888, leur dispute, et c'est le drame. À partir de ce moment, Vincent sera durablement perturbé. Il se tranche le lobe d'une oreille et les crises commencent, douloureuses. Les médecins à Arles sont inquiet : on parle de schizophrénie, épilepsie. Les Arlésiens ont peur de cet étranger. Il est devenu fou dangereux, disent-ils. À la demande de l'artiste, il est interné dans un asile à Saint-Rémy-de-Provence où les crises vont continuer. Il peint des toiles exceptionnelles de beauté.
Cette période de souffrance met en lumière la pseudo-folie de l'artiste qui le poursuit depuis plusieurs années. Sur les conseils de son frère Théo qui l'a recommandé au docteur Gachet, Vincent part pour Auvers-sur-Oise. Dans cette charmante commune, durant tout le premier mois, il semble heureux. Gachet l'invite souvent chez lui et lui donne un remède d'une simplicité extrême : s'alimenter correctement, cesser de boire, beaucoup dormir, et, surtout, peindre, ce que Vincent s'empressera d'appliquer à la lettre. Il peint plus de 70 toiles en deux mois.
Le spleen va finir par le rattraper : son frère a des problèmes financiers dont Vincent se sent responsable. À nouveau, il ressent une grande solitude artistique, sentimentale, et morale « Mon travail à moi, j'y risque ma vie et ma raison y a sombré à moitié ». Sa peinture n'intéresse personne. Invendable. Désespéré, il met fin à ses jours devant un champ de blé.

Le professeur François-Bernard Michel tente d'expliquer les raisons de ce naufrage. Les médecins qui se sont occupés de lui depuis Arles étaient des médiocres. le dernier, à Auvers, le docteur Gachet, passionné de peinture, s'intéressera davantage au peintre qu'au malade et ne saura pas lui tendre la main : « Un médecin aussi malade et ahuri que moi ».
Peintre de génie et écrivain de talent, Vincent était un hypersensible : « Les émotions qui me prennent devant la nature vont chez moi jusqu'à l'évanouissement ». Antonin Artaud considérait que Van Gogh était « Un homme que la société n'a pas voulu entendre. » Cet artiste qui fut souvent rejeté : Gauguin, les habitants d'Arles, Gachet, voulait tant être aimé « Nous avons besoin de gaîté et de bonheur, d'espérance et d'amour. Plus je me fais laid, vieux, méchant, malade, pauvre, plus je veux me venger en faisant de la couleur brillante, bien arrangée, resplendissante. »

La peinture de Vincent à Auvers exprime sa mélancolie profonde : « J'ai fait le portrait du docteur Gachet avec une expression de mélancolie ». « La mélancolie me prend fort souvent avec une grande force, (…) et faire de la peinture qui nous coûte tant et ne rapporte rien, même pas le prix de revient, me semble comme une folie, une chose tout à fait contre la raison. Alors je me sens tout triste. »
L'un de ses derniers paysages « Champ de blé aux corbeaux » a un aspect hallucinant.

Le professeur révèle la véritable image de Vincent, diagnostique sa maladie : la mélancolie. Vincent van Gogh nous apparaît tel qu'il était : généreux, sensible, vivant pour son art.

« Je peux bien dans la vie et dans la peinture aussi me passer de bon Dieu, mais je ne puis pas, moi souffrant, me passer de quelque chose plus grand que moi, qui est ma vie, la puissance de créer. »

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"Amusant" de trouver sous la plume de ce professeur une analogie entre Van Gogh et Dostoïevski. Obsédé d'y voir une figure humaine sous les traits du peintre de génie plutôt que des accès de folie comme on s'est plus à le dire trop souvent, il fait un curieux parallèle entre le sort de l'écrivain russe et celui du peintre hollandais. Tous les deux contemporains, épris de compassion pour la misère humaine, malades épileptiques, quand l'un signe des Souvenirs de la maison des morts, l'autre répond par la Salle des fiévreux de l'hôpital d'Arles. Ils annoncent tous deux le XXe siècle et ses drames, je dirais plutôt ses tragédies à ce moment là. La foi aussi semble les unir en effet, la lecture de la bible au bagne pour Dostoïevski, Van Gogh fils de pasteur en gardant l'amour du Christ probablement ..

A la lecture de ce livre, je suis bluffé d'apprendre que 8 ans seulement ont séparé leur mort respective, je voyais même Van Gogh les deux pieds dans le 20 e siècle pour tout dire. Il est vrai que je n'avais jamais fait ce rapprochement entre ces deux génies et que je ne me suis jamais soucié de quand datait le séjour à Auvers-sur-Oise du peintre, il me semble même voir sur les dernières peintures du maître les années du début 20 e, mais j'ai la berlue assurément (*) ! Il est même rare que j'ai vu leurs deux noms associés. Il est vrai aussi que les peintures de van Gogh projettent sur moi une telle impression de fraîcheur contemporaine, ces tonalités de véronèse, de jaunes de chrome font sauter dans mon esprit la notion du temps. Cela dit que Vincent ait lu des Souvenirs de la maison des morts ne me surprend pas !

Vincent van Gogh aurait alors supplanté carrément l'impressionisme, du vivant de ce courant donc, on l'a même classé avec les expressionnistes. Ce qui est sûr c'est qu'il y a un rapprochement incontestable à faire entre Munch et Van Gogh, deux monstres sacrés de la peinture moderne qui n'ont pas fait de chemin parallèle eux et qui se retrouvent à l'arrivée comme invités d'honneur de l'expressionnisme.

(*) Il me semble en outre que Vincent ne datait pas ses toiles
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Encore un livre sur van Gogh !! le peintre maudit, le peintre fou, mais la folie était-elle le bon diagnostic et quel homme était vraiment Vincent ?

« J'ai voulu ici cerner au plus près la réalité de l'homme. Afin de déceler sa face humaine. Car les stéréotypes, les légendes et l'hagiographie (“le fou Van Gogh”, “le peintre maudit”, “les tableaux les plus chers du monde”…) ont fini par brouiller le visage de Vincent. J'étais lassé de l'imposture : entendre traiter de fou un mélancolique temporal. Non Vincent ne fut ni fou ni maudit. Il suffit de lui rendre la parole et de laisser parler ses écrits, ceux de sa famille et de ses amis. »

François-Bernard Michel épingle durement le cortège des médecins médiocres pour ne pas dire incompétents à qui Van Gogh fut confié, et qui, selon lui, n'ont pas su diagnostiquer le tableau pourtant caractéristique de la mélancolie et/ou qui, humainement n'ont pas été à la hauteur.
Un portrait de van Gogh empreint d'une immense générosité, d'un médecin comme on les porte en soi, dont la simple poignée de mains vous guérit pour moitié.

« Je propose de scruter davantage la face humaine de Vincent parce que l'absinthe a disparu, mais d'autres crises sévissent, mondiales celles-là ; crises de désespérances pour tant d'enfants massacrés, crises de rage pour tant de jeunes exclus, crises d'effroi pour tant de vies insensées ».
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
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PÉTITION DES HABITANTS D’ARLES – Février 1889

Monsieur le Maire,
Nous soussignés habitants de la ville d’Arles, place Lamartine, avons l’honneur de vous exposer que le nommé Vood (Vincent), paysagiste, sujet hollandais, habitant ladite place, a depuis quelque temps et à diverses reprises donné des preuves qu’il ne jouit pas de ses facultés mentales, et qu’il se livre à des excès de boissons après lesquels il se trouve dans un état de surexcitation tel qu’il ne sait plus, ni ce qu’il fait, ni ce qu’il dit, est très inconstant pour le public, sujet de craintes pour tous les habitants du quartier, et principalement pour les femmes et les enfants.
En conséquence, les soussignés ont l’honneur de demander, au nom de la sécurité publique, à ce que le nommé Vood (Vincent) soit au plus tôt réintégré dans sa famille ; ou que celle-ci remplisse les formalités nécessaires pour le faire admettre dans une maison de santé, afin de prévenir tout malheur qui arrivera certainement un jour ou l’autre si l’on ne prend pas des mesures énergiques à son égard.

Le 19 mars, Vincent Van Gogh écrit à Théo une lettre superbe, « non pas comme un fou, mais en frère que tu connais ». Cette pétition hostile m’a été « un coup de massue en pleine poitrine », qui m’a meurtri : « J’aurais préféré crever que de causer et subir tant d’embarras. » La pensée que des gens aient été assez lâches pour se grouper « contre un seul et un malade », lui est horrible.

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Si la médecine n'est plus celle de Vincent, ce qu'il attendait des médecins est très actuel.
(...)
Il y a, il y aura de plus en plus, en ces temps de technologie galopante, des docteurs Peyron et des docteurs Gachet qui diront : je vous ai fait passer au scanner ou à l'IRM, vous avez eu le meilleur traitement, que voulez-vous de plus ?
Je voudrais, répondrait Vincent, que vous vous intéressiez à moi plus qu'à ma peinture. Que vous m'aimiez tel que je suis, aussi anormal que je vous semble. Que vous regardiez mes toiles, non pour votre collection ou vos enchères, mais pour la passion que j'y ai mise.
(...)
Ce qui différencie l'interne Rey et les Drs Peyron et Gachet est au cœur de la médecine de demain ; elle sera humaine ou ne sera plus.
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Lorsqu'il s'est vu, regardé par le "copain Gauguin" qui, avant la crise de Noël 1888 l'avait peint devant ses tournesols, il a estimé : "C'est bien moi, mais moi devenu fou."
Le regard serait donc un miroir de la folie ?
Cette question va investir une part de sa peinture quatre ans durant. De février 1886 à mai 1890, son départ de Saint-Rémy, il a peint plus de trente autoportraits, justifiés par l'absence de modèles, mais scrutateur de l'évolution de son regard serein, tragique ou halluciné, selon ses fluctuations mentales.
Dans cette série de toiles il s'est observé, épié, interrogé : suis-je fou ?
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Oui, ils sont fous les humains, qui font leur malheur d'aveuglements, frustrations et masochismes divers. Oui, ils sont fous d’égoïsmes, indifférences et suffisances. Drogués d'avoir et de pouvoir, de paraître et d'idolâtrer. Et à notre folie, demande Kenzoburo Oe, qui nous dira "comment survivre" ?
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Les pourquoi sont légitimes, les parce que simplistes ne le sont pas. Évidente est la différence entre un parce que médical (Vincent avait des crises parce qu'il était épileptique et absinthique) et un parce que psychanalytique (il s'est suicidé parce que...).
Aucun individu n'échappe à son inconscient ; or, rien de l'inconscient ne peut être connu de façon objective, aucun discours ne rend compte de l'inconscient, qui est précisément ce qui échappe à la parole. Personne n'a le savoir, ni le pouvoir, qui lui permettent d'affirmer un parce que de l'inconscient de l'autre.
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