« Dessiner en mer n'est pas vraiment un problème. le plus important est de rentrer sain et sauf. »
Ce très bel ouvrage de l'anglais
Huw Lewis-Jones regroupe les extraits de carnets de voyage d'une soixantaine de marins (pêcheurs, explorateurs, aventuriers ou encore boucaniers), complétés de quelques témoignages de navigateurs contemporains.
D'abord outil de survie dans lequel le marin indique les données essentielles à la navigation (données météorologiques, géographiques…), il devient aussi parfois moyen d'évasion et d'expression artistique. Pour ce voyage aux confins des mers et des océans, l'auteur a logiquement sélectionné des carnets parmi les plus emblématiques.
La première impression qui se dégage du livre, c'est la volonté permanente et inébranlable du marin de rendre compte de son voyage quelque soient les conditions. On l'imagine profitant d'une accalmie météorologique ou des derniers éclats d'une bougie pour coucher sur le papier ses impressions, croquer en quelques coups de crayons le visage d'un ami ou encore peindre avec une grande précision un oiseau, une fleur. C'est aussi ce que le livre met en évidence, la chance que nous avons de pouvoir contempler, aujourd'hui encore, ces carnets qui nous sont miraculeusement parvenus.
La variété des carnets choisis emmène le lecteur dans les quatre coins du monde, à travers différentes époques, avec une prédominance tout de même pour les marins anglais (l'auteur étant lui-même anglais, on peut supposer qu'il a eu un accès plus large aux archives de son pays). A noter, l'auteur a réussi à inclure quelques journaux réalisés par des femmes dans son livre, elles qui n'étaient pas si nombreuses à pouvoir embarquer sur des bateaux à ces époques-là.
Les carnets sont présentés sur une ou deux double-pages (selon le nombre d'illustrations proposées), une page étant consacrée à une petite biographie du marin. le tout est trié par ordre alphabétique, ce qui permet de garder un petit effet de surprise sur les régions et les époques du prochain carnet à découvrir.
Je suis allée d'émerveillements en émerveillements à la lecture de ce livre. Certains dessins sont sublimes et plein de poésie, on sent l'acuité de l'artiste et l'envie de partager les émotions ressenties. Je pense par exemple à
Louis Choris et les dessins qu'il a réalisés lors de son voyage dans le détroit de Béring, aux cartes si précises et magnifiquement illustrées de Joseph Desbarres, à l'art de
Paul-Emile Pajot (ce sont ses journaux qui illustrent la couverture du livre) ou encore au mystère qui se dégage des gravures de Julius Payer. Tous les carnets, en plus d'être beaux, apportent aussi des informations sur une époque, sur une nouvelle découverte, sur une aventure maritime incroyable.
Les éditions Paulsen ont eu la bonne idée de publier du même auteur les «
Carnets d'explorateurs » que je vais m'empresser d'ajouter à ma bibliothèque.
Je termine en citant
Peter Anderson, dit « spider » :
« Créer en mer, créer où que ce soit, c'est percevoir et saisir tout le potentiel qui vous entoure. La curiosité est le coeur battant de ce processus. Ne jamais cesser de regarder autour de soi, de tracer quelques esquisses, de petits dessins évocateurs, pas forcément des chefs-d'oeuvre, mais qui aident à ancrer les souvenirs. Dessiner, c'est prendre des notes avec les yeux. »