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EAN : 9782072840531
256 pages
Gallimard (11/04/2019)
4.06/5   9 notes
Résumé :
Avril 2009, à Paris, Faustine disparaît avec son amant. Le commissaire André Creuse part à sa recherche au moyen du livre aux trois quarts effacé qu’elle a laissé derrière elle, et d’un traité d’entomologie signé Nikolaï N. Orlov consacré aux insectes mangeurs de papier. Ses conclusions sont aussi insensées que catégoriques : le couple a été avalé par un livre. Renvoyé de la police, Creuse plonge dans la folie et perd à peu près tout, y compris la trace de la dispar... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Une enquête habilement menée entre Paris, l'Ariège et la Russie : un couple, immergé dans les théories fumeuses et géniales d'un théoricien russe, a disparu apparemment aspiré par un livre. Un policier alcoolique et lubrique mène une traque à sa façon, aidé par une ribambelle de gens hauts en couleur. C'est farfelu, distrayant et parodie à merveille les élucubrations littéraires de certains fondateurs d'écoles avant-gardistes et underground.
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On ne répète pas assez que les livres sont des voyages et, fort heureusement, il y a des écrivains comme Arthur Larrue pour le dire, et l'illustrer ! Un flic en bout de course découvre ce pouvoir des livres et ne s'en remet pas, le voilà lancé après Faustine... J'ai lu ce roman comme une histoire pleine de surprises où chaque chapitre parait congédier le précédent, c'est-à-dire enrichir l'intrigue d'une nouvelle perspective. On voyage, on rit et on pleure. On apprend beaucoup aussi et si j'ai d'abord été un peu humilié par les lectures de l'auteur (je me flatte de lire beaucoup et lui semble ne pas faire autre chose de sa vie que de lire si l'on en croit les nombreux auteurs cités), j'ai ensuite pris le livre autrement, comme une invitation à lire d'autres livres, si possible "orloviens" (vous comprendrez en lisant le roman mais Orlov est une sorte de gourou littéraire). Mohammed Mbougar Sarr (La Russie tenant lieu de Sénégal) ou Roberto Bolaño (Bon, j'ai un faible pour lui et je le place haut très très haut) ou Borges (en plus sexy et truculent), voilà dans quelle lignée je placerais ce roman rare.
J'avais envie d'écrire "trop rare" mais je ne voudrais pas être malveillant.

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Un roman intrigant et mystérieux au carrefour de plusieurs genres. le roman joue avec la frontière entre réalité et fiction avec aisance. C'est avant tout un hommage au livre. Un bel hommage, comme on en voit peu.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Je préfère les pages jaunies aux pages blanches. J’achète principalement des éditions d’occasion, ou celles parmi les contemporaines qui sont imprimées sur du papier crème… » Comparer le ciel aux pages imprimées, n’était-ce pas révélateur de son état ? Elle vivait donc recluse, le plus souvent nue ou en peignoir. Au moment des faits, elle n’allait plus que très rarement dans des soirées, ne répondait plus aux invitations de mariage qui du coup s’entassaient sur le guéridon sis à l’entrée. Dans ces invitations, il était souvent question de comtesses et de Légion d’honneur. En la matière, la lecture des romans du XIX e valait mieux, notamment Jules Barbey d’Aurevilly, Honoré de Balzac, Villiers de l’Isle-Adam et Guy de Maupassant… Aussi les gardait-elle, ces invitations, et s’en servait-elle comme marque-page ou comme support pour ses notes de lecture. Il lui arrivait d’en relire les formulations compassées, et cela la projetait dans un monde disparu qui allait réussir à rejouer son faste une dernière fois, durant une seule soirée, à l’aide de figurines en cire, d’hommes en costume et de demoiselles en robe longue. Pour Faustine, les romans de Patrick Modiano avaient un peu le même goût. Elle collectionnait d’ailleurs de cet auteur d’anciennes éditions de poche où figuraient des dessins de Pierre Le-Tan en couverture. Si Faustine avait dû dresser la liste des écrivains ayant réussi à disparaître comme elle désirait disparaître dans les livres, elle aurait inscrit Fernando Pessoa en numéro un, Patrick Modiano serait certainement arrivé en sixième ou en huitième position. Primo, elle l’avait rencontré dans ce cocktail que donnait l’ambassade d’Italie deux fois par an. Il était assez grand et maigre, avec des yeux rapprochés et une tête triangulaire. Il travaillait en qualité d’attaché culturel mais il voulait arrêter, rompre, bifurquer, amender, choisir et changer. La rue de Varenne n’est pas très éloignée de la rue Cler (un kilomètre et demi), Faustine s’y était donc rendue, était arrivée bien après le crépuscule, s’était discrètement mise à parcourir la bibliothèque jouxtant la salle de réception. Primo avait repéré son esquive. Il s’était approché d’elle en silence, par-derrière, s’était signalé en toussotant au moment où elle tendait le bras pour attraper une édition de La Lune et les Feux de Cesare Pavese dans un très beau maroquin rouge. Il lui demanda ce qu’elle faisait. Elle répondit : « Rien du tout, surtout rien du tout ! Je ne sais pas pourquoi vous vous acharnez tous à faire quelque chose. Je parle de vous, des autres. Je parle du “faire” en général. Le résultat de ce “faire” n’est pas très               . Je ne sais pas moi, vous employez le mot que vous voulez. Enfin, puisque vous êtes là avec un air de flic, puisque vous me posez la question, il se trouve que je fais beaucoup plus que l’écrasante majorité de mes congénères… j’écris tous les livres que je lis ! » Elle parla à Primo des travaux entrepris dans le secret de son appartement, comme celui, encore en cours, qui était inspiré de la lecture d’un obscur critique russe nommé Nikolaï N. Orlov et de sa façon de concevoir les livres comme des lieux. Son travail actuel, lui expliqua-t-elle, consistait au recensement dans le manuscrit de La recherche du temps perdu de toutes les pages que Marcel Proust avait numérotées dans ses carnets mais laissées blanches. « Ceci pour avoir la place de m’installer ! » Primo, visiblement séduit par ce brin de blonde au teint pâle, aux références savantes, aux manières raffinées, aux yeux verts rendus très mystérieux par de grands cernes violet et vert, la conduisit loin des rayonnages. Il ne pouvait pas non plus la laisser piller l’ambassade de son pays. Il avait passé son bras droit autour de son cou, moitié par attirance, moitié par prévention, et, lui tenant l’épaule droite, marcha à ses côtés. Leurs hanches se frôlèrent. Peut-être était-ce elle , ce virage à cent quatre-vingts degrés que Primo attendait ? Ainsi guidée vers le salon, Faustine expliqua son antépénultième travail, très inspiré par Orlov. « J’ai effacé tous les mots DIEU de la Bible. À la place, je n’ai laissé que des trous. Ce critique est un poète, un grand poète. Vous savez, il identifie une page de livre à un lieu. Il propose une méthode pour s’échapper… arrêtez de me regarder comme ça, on dirait un animal ! » De l’autre côté, devant le buffet, l’assemblée était médiocrement ivre. On ne se gênait plus pour dissimuler ses instincts. La faim et la concupiscence transpiraient enfin. Un attroupement de sauterelles avait lieu autour des derniers petits fours, délicieux, qui consistaient en des morceaux de mozzarelle recouverts de filets d’anchois. Il y avait aussi des tranches de thon mi-cuit au citron et du caviar d’aubergine au poivre de Sicile. Le stand jambon était déjà épuisé, n’en restait qu’un gros os. Faustine et Primo ne mangèrent rien mais burent ensemble des coupes de prosecco. Ils ne se parlèrent pas, ou presque pas, jusqu’à ce que Faustine promène des yeux très las sur le raout et s’exclame : « C’est nul ici. On pourrait aller chez moi et s’amuser. J’habite tout près. Vous pourriez me décoiffer par exemple. Vous n’imaginez pas le nombre d’épingles qui se trouvent dans ce chignon… comment tu t’appelles ? » Leur liaison dura. Les midis de la semaine étaient à elle ainsi que quelques week-ends, avec eux l’excitation du secret. Le soir, Primo rentrait chez lui auprès de sa femme sauver les apparences. Pour combien de temps encore ? Ne fallait-il pas s’échapper avec Faustine, plaquer là une vie et en recommencer une autre ? N’existait-il pas, dans un village situé sur la pointe du talon de la botte de l’Italie, un palais en ruine appartenant à sa famille ? Ne fallait-il pas se glisser dans ces ruines et s’inventer une nouvelle existence ? La réclusion de Faustine n’était pas bouleversée, juste enrichie d’une série de galipettes passionnées. Faustine ne faisait même plus semblant d’être triste lorsque Primo repartait vers ses indécisions, dans le lit de cette femme dont elle n’avait jamais voulu connaître le nom. « Les mélodrames et les scandales ont été écrits déjà, disait-elle à Primo, et en abondance… nos sentiments ne peuvent plus être exprimés que sous des formes insultantes pour un goût sophistiqué comme le mien. » Elle les sentait en effet couler comme de la morve, ses sentiments, rien qu’à les évoquer. « À demain, mon amour. » Voilà ce qu’elle lui murmurait quand même, à la fin. Mais tout était très loin d’elle. Faustine comprenait tous les points de vue, même celui de l’épouse officielle qui reniflait de plus en plus les chemises de Primo, qui s’inquiétait de ses faibles ardeurs au lit, qui trouvait qu’il travaillait trop, qu’il ne mangeait plus rien à table, comme s’il mangeait ailleurs et avant . Oui, Faustine savait et comprenait. On aurait dit que grâce à la force d’identification qu’elle avait acquise au cours de ses lectures, elle était capable de se projeter dans n’importe quel être et d’enfiler n’importe quelle peau. Bien sûr qu’elle voulait garder Primo pour elle. À ce sujet, elle disait : « Je le voudrais en moi tout le temps ! » Sinon, l’importance des événements extérieurs s’était dissipée. Les livres avaient sorti Faustine de ce que la plupart des gens appellent « la vie ». Des choses avaient lieu mais Faustine n’était plus là pour les voir. Elles lui donnaient l’impression d’une fête bruyante dans un immeuble voisin dont elle ne percevait qu’une rumeur globalement désagréable. Elle n’achetait plus les journaux, considérant les actualités comme une forme inférieure de fiction, une forme de plus en plus en images et de plus en plus totalitaire, qui tirait vers le genre niais du roman-photo. « Où trouver là-dedans l’envie d’exister ? Y a-t-il même la place d’exister ? » La seule chose qui concernait vraiment Faustine était donc ses livres qu’elle empilait les uns sur les autres, contre ses murs, et ce Primo qui, sitôt arrivé, le souffle court d’avoir couru dans l’escalier pour gravir les sept étages de son immeuble, s’asseyait sur le lit. Car chacune de leurs rencontres se déroulait selon le même rituel. Elle le suçait pendant de longues minutes en lui demandant de lire à haute voix le livre qu’elle avait choisi pour lui. Le mois dernier, il y avait eu L’Invention de Morel d’Adolfo Bioy Casares où, selon un stratagème qui renforçait pour Faustine l’ambiguïté entre ses livres et son existence, l’héroïne s’appelait comme elle. Depuis plusieurs semaines, elle s’était décidée pour Locus Solus, où l’héroïne s’appelait également comme elle. Quelques secondes suffisaient pour que Faustine sente le gland décalotté de Primo grossir sous ses dents, elle entendait sa voix s’emmêler puis buter sur les mots. Il n’en pouvait plus de vouloir d’elle, Primo. Ce trouble de Primo signait le pouvoir de Faustine sur lui et lui procurait un plaisir narcissique intense. En l’absorbant, elle oubliait presque tout, le lieu où elle se trouvait comme le temps. Elle se disait qu’à cet instant l’espace et le temps n’étaient plus qu’elle, uniquement elle. Tout convergeait en effet vers elle, à commencer par cette verge de Primo à l’extrémité gonflée. Quand Primo se mettait à bégayer trop, elle lui arrachait des mains le livre et s’offrait à lui sur le dos, en écartant les jambes. Elle songeait alors : « Ouverte comme un livre. Offerte comme une lettre. » Par ailleurs, Locus Solus était plutôt chaste. Son auteur, Raymond Roussel, avait inventé le mobile-home. À ce propos, il existait cet article du Racing Tour de France daté d’août 1926 : L’auteur d’ Impressions d’Afrique dont tant d’esprits distingués vantent le génie a fait établir sur ses plans une automobile de neuf mètres de long sur deux mètres trente de large. Cette voiture est une véritable petite maison. Elle comporte en effet par suite de dispositions ingénieuses un salon, une chambre à coucher, un studio, une salle de bains et même un petit dortoir pour le per
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Ce gros porc n'était qu'un regard libidineux ! Je dois bien le dire ! Un regard avide qui envoyait de méchantes ondes lubriques. Les femmes promènent continûment ce genre de regard accrochés à leur culs, comme des casseroles à un pare-choc, c'est d'accord. Il n'empêche que le sien envoyait des ondes de gros porc très chargées en casseroles pas propres du tout...
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On pouvait toujours lire sans mal, pourtant. Les mots brillaient même d’une sorte de feu intérieur. Une chose vraiment curieuse, se dit Creuse, une chose belle comme de la dentelle. Ce qui n’apportait rien du tout à l’élucidation de l’affaire. Ses sourcils broussailleux se rejoignaient à la base du nez et formaient deux accents circonflexes. Il s’agissait de sa grimace introspective habituelle.
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Ici, c’est très bourgeois, très rigide. Il n’y a pas moins d’adultère qu’ailleurs mais pas de vagues du tout. Ils vont à la messe, ils votent à droite, ils épousent leurs cousins, ils portent des vestes en tweed et des cravates en tricot, ils chassent à courre… pas le genre du type non plus. Un diplomate italien, très savant et respecté il paraît. Il préparait une rétrospective sur un peintre dont j’ai oublié le nom. Un peintre italien, forcément. Non, commissaire, aucune des fenêtres ne permet de s’échapper et il y a peu de chances qu’ils se soient évadés en hélicoptère… bref, ils se sont évaporés !
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On était chez une femme, ça sentait la fleur. Des invitations à des mariages, des programmes de concerts classiques, des cartes de visite où figuraient des noms trop longs. On était chez une femme du monde avec du goût et des relations.
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