Ocre poussière…
Ocre poussière
sur les autos qui ont passé
la nuit dehors
sous le dais
aux brumeux lampadaires
des trottoirs
le sirocco !
ça vient de chez moi lance
mon ami maghrébin
et ses yeux brillent
ah ! Les chamelles blondes
sous l’oasis ombrée
où les gazelles s’aventurent
la rose des sables
sans faner
et la voûte pure sur son socle
d’étoiles !
alors j’offre
en haut de Montmartre le vent
qui revient
de la mer
et la lune qui se tire comme on
gobe une huître
Il avait juste vingt ans…
Il avait juste vingt ans !
dit le marbre à hauteur
des passants
et qu’aucun ne regarde
qu’il garde donc
pour lui les géraniums
aux fenêtres
qui font le crépuscule
des villes sans guerre
qu’il veille
au passage de comètes
d’une jeunesse
aux oreilles
prises par l’espace des
machines
et aux yeux
par l’image d’un écran
il est mort
c’est un frère soudain
sans voix
et la foule va
son bonhomme
de bonheur sans le voir
p.20-21
À la sortie des classes…
À la sortie des classes
pêle-mêle de poussettes
et de caddies
autos en double
file moteur ronronnant
pépiements
de petites filles
petits pains au chocolat
bagarres de gars
que les mamans défont
comme un tricot
parfums
de ménagères au savon
de Marseille
messes basses
comme une ruche en été
ou dans la cage en osier
des perruches
clichés
d’enfance à la recherche
des choses
comme une gare un jour
de grèves
p.22-23
Dimanche…
Dimanche
promenant le poème
dans un parc
l’écho de mon pas et
le pouls de ma tempe
s’accordent
comme le tango du
vent
et la jupe des arbres
trombone
à coulisse du blues
de l’ombre
et travelling
de lumière oblique
dans le ciel
où roule
l’océan d’un azur
solitaire
vite la rue !
ses coquillages de
toutes sortes
que le flux brasse
et son bruit de
kermesse
p.18-19
Il pleut…
Il pleut grisouille il
pleut gribouille
les vitres
embuées du café
ont la chair de poule
dedans il fait chaud
le vin remplit
les verres
de cette bonté
lointaine des vignes
où s’est couché
l’automne doré
on parle des absents
d’Yves Martin
le poète
celui que connaissent
les habitués
quelqu’un
a déposé sur sa tombe
encore fraîche
une peluche de chaton
p.16-17
Avec Arthur H, Rim Battal, Zéno Bianu, Kent, Abdellatif Laâbi, Mélanie Leblanc, Hervé le Tellier, Marie Modiano, Jean Rouaud, Mylène Tournier, Hélène Arntzen (saxophone) & Sébastien Volco (claviers)
Cette anthologie du Printemps des Poètes rassemble plus de cent poètes francophones contemporains autour du thème de l'éphémère. Là où dansent les éphémères se veut un témoin du foisonnement de la création poétique actuelle. Ici, aucun courant poétique ni aucune doctrine littéraire ne font la loi. L'anthologie est constituée essentiellement d'inédits.
Le livre est dédié aux poètes disparus en 2021 : Philippe Jaccottet, Bernard Noël, Werner Lambersy, Joseph Ponthus et Matthieu Messagier.
À lire – Là où dansent les éphémères – 108 poètes d'aujourd'hui, Anthologie réunie par Jean-Yves Reuzeau, le Castor Astral, 2021.
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