Épilogue
Toi qui as rêvé de cimaises
et exposes au bord du trottoir,
lorsque ton humeur vire au noir,
maniant le pinceau ou la glaise,
(sont-ce des croûtes ? est-ce de l’art ?)
dès lors que les jours te font mal,
étant éternel méconnu,
pour te remonter le moral
tu te rechantes en épilogue
comme une indispensable drogue :
Vincent n’a jamais rien vendu…
Vincent n’a jamais rien vendu…
Et toi, accroché à ta plume,
rêvant d’un public averti
et rabâchant ton amertume
puisqu’au tiroir vont tes écrits,
et te taraudant de questions,
(suis-je auteur ? ou écrivaillon ?)
et voyant fuir avec terreur
les jours, les mois, les ans… les heures,
tu te rechantes en épilogue
comme une indispensable drogue :
Vincent n’a jamais rien vendu…
Vincent n’a jamais rien vendu…
1997.
Et je serai face à la mer
qui viendra baigner les galets.
Caresses d’eau, de vent et d’air.
Et de lumière. D’immensité.
Et en moi sera le désert.
N’y entrera que ciel léger.
Et je serai face à la mer
qui viendra battre les rochers.
Giflant. Cinglant. Usant la pierre.
Frappant. S’infiltrant. Déchaînée.
Et en moi sera le désert.
N’y entrera ciel tourmenté.
Et je serai face à la mer,
statue de chair et coeur de bois.
Et me ferai désert en moi.
Qu’importera l’heure. Sombre ou claire.
Résumons
Au premier tiers de votre vie,
vous qui vécûtes longuement
(mais au départ, tout est écrit),
durant ce tiers, ce premier temps,
vous étiez là. Bien apparent.
Évoluant dans le décor.
Accrochant l’œil. Encore. Encore.
Au second tiers, au second temps
(mais tout se fit à pas feutrés),
devîntes-vous donc transparent ?…
Un peu gommé ?… Comme effacé ?…
Pourtant présent !… Curieux effet !
Presque ignoré dans le décor,
on vous oublie. Encore. Encore.
Au tiers dernier, chamboulement !
Vous revoilà très apparent !
Que grande est l’ironie du sort !
Aussi, qu’immenses sont vos torts !
Car vous entachez le décor
rien qu’en passant, en trottinant !…
Et l’on vous voit ! Encore ! Encore !
1997.
Promenade
Un banc, des coteaux,
des fleurs, une treille,
rayons de soleil
me chauffant le dos.
Des troncs noirs et hauts.
Émois du matin…
Que je me sens bien !
Bocages, ramures.
Un toit qui rassure.
Abri où je dure.
Du rêve. Un piano.
Des livres à gogo.
Pour moi un festin !
Que je me sens bien !
Et quittant la rade,
parfois en balade
ou en randonnée,
je prends le sentier,
cœur et pied légers.
Appel quotidien…
Que je me sens bien !
S’allongent les lieues.
Au vent mes cheveux.
Fatigue aux mollets.
Un coin oublié.
Un silence ailé.
Gazouillis soudain…
Que je me sens bien !
Des baies, des épines.
Et l’air qui burine.
Odeurs de résine
et de chèvrefeuille.
Un saut d’écureuil.
Soleil au déclin…
Que je me sens bien !
Chemin du retour.
Rougeoiement du jour.
Et paix alentour.
Au loin en beauté,
mon toit, mon grenier.
En moi un refrain…
Que je me sens bien !…
Que je me sens bien !…
Que je me sens bien !…
Que je me sens bien !…
Jeunesse
Défais tes doigts nouant tes mains.
Défais ton air un peu chagrin.
Défais ce front buté, têtu.
Défais tes réflexions pointues.
Vingt ans c’est bien dur à porter !
Défais, défais. Sois la rosée.
Sois gai matin au ciel de mai !
Défais…
Te torturant d’ombres subtiles
qu’en toi tu multiplies par mille,
tu es ton centre, ton débat,
mal dans ta peau. Ah ! pauvre état !
Vingt ans c’est bien dur à porter !
Défais, défais. Sois la rosée.
Sois gai matin au ciel de mai !
Défais…
Car au supplice en toi tout vire.
Tu n’es zéro !… Ni point de mire !…
Et pourtant, t’inventant ces pôles,
tu te détestes en chaque rôle.
Vingt ans c’est bien dur à porter !
Défais, défais. Sois la rosée.
Sois gai matin au ciel de mai !
Défais…
Qu’au fond de toi rien ne se brise !
Tes heures claires sont pages grises.
Printemps morts ne renaissent pas.
Défais ta barrière à la joie.
Vingt ans c’est bien dur à porter…
Défais… Défais… Sois la rosée…
"T'es pas beau l'humain", un poème de Esther Granek lu par Caalfein, pour la chaîne YouTube Grain2phonie.
♪ Bonne écoute de cette PoésiePhonie ♫