Il existe des destinées contemporaines tragiques. Celles des Cambodgiens qui vivaient au Kampuchéa en 1975 lors de la victoire des Khmers rouges sont inscrites dans la mémoire de l'humanité.
le récit de la vie de Madame Kho Vani (1935-2022 - Vani est son prénom), mis en forme par
Cécile Baudet, nous permet de mieux comprendre l'irrépressible et funeste contrainte qui s'est exercée sur tout un peuple pendant plusieurs années.
C'est un peu par accident que Chorn Hay, le mari de Vani, a été repéré en 1970 par la police de Lon Nol. En effet, étudiant en France, Hay, s'était engagé dans un mouvement d'étudiants opposés au régime pro-américain du général Lon Nol. C'est pourquoi, de retour au Cambodge, il s'est senti menacé par les services secrets du général et, avec son épouse Vani, a été contraint de rejoindre le maquis des Khmers rouges en 1971. Il s'agissait avant tout pour eux deux de sauver leur peau.
La vie de Kho Vani est excessivement mouvementée : pharmacienne diplômée en France, maquisarde et ruinée ; après de longues années de séparation, elle accompagnera son mari devenu ambassadeur en Corée du Nord.
Il est utile de lire ce récit pour prendre la mesure à l'échelle d'un couple des conséquences d'une guerre civile et, au travers de deux histoires individuelles, d'entrevoir en filigrane celle de tout un peuple. Sans pathos, la description des pérégrinations, sévices et retours de fortune de cette Cambodgienne (qui accoucha seule dans la forêt tropicale) se lit d'une traite et constitue un témoignage convaincant.