364 pages (je ne compte pas les annexes) pour nous dire que l'on sait très peu de choses sur la dernière favorite de Louis XV. Ou tout au moins, que le peu que l'on sait est faux. L'auteur s'efforce de contrer l'image de catin superficielle de la jeune femme, s'appuyant sur les quelques écrits qui nous sont parvenus et dénonçant les affabulations de ses détracteurs de l'époque. Sauf que l'on est tellement noyé par les anecdotes et les histoires des personnages liés de près ou de (très) loin à sa vie que l'on en perd l'essentiel : Jeanne elle-même.
Jeanne « a passé sa vie à se sauver du sentiment d'abandon qui a marqué son enfance ». le portrait qui se profile au gré des chapitres « derrière la légende noire » est celui d'une femme raffinée et généreuse, amatrice d'art, de littérature, et musicienne. J'ai passé les détails de ses travaux d'aménagement et de décoration dans ses différents logements mais j'ai été touchée d'apprendre qu'elle avait eu « de nombreux pupilles, filles et garçons, elle a été leur marraine, elle s'est occupée d'eux, les a élevés, éduqués, pensionnés. La plupart était des enfants de ses domestiques ». Saviez-vous qu'elle avait une fille cachée, Betsi ?
Par ailleurs, « Jeanne ne manque pas de s'intéresser au gouvernement du roi. » Elle apprend vite : les affaires intérieures, la jurisprudence, les démêlés du roi avec ses parlements. « Elle se préoccupe aussi de diplomatie ». Au final, c'était une femme cultivée et intelligente qui ne se réduisait pas à un physique. On comprend mieux sa relation surprenante avec Louis XV, « marquée du sceau du secret ». J'ai beaucoup aimé le portrait du roi réalisé par l'auteur. le chapitre sur son agonie est émouvant (« A la Cour, les ambitions, les hypocrisies et le cynisme se glissent jusque dans la mort »).
Parmi l'entourage de Jeanne, plusieurs personnalités ont attiré mon attention :
Jean-Benjamin de la Borde, « l'ami le plus sûr et le plus fidèle de la favorite, et qui le restera jusqu'à la fin ». Il était premier valet de chambre du roi et « double masculin de Jeanne ».
Il y a aussi Guillaume du Barry, le « mari de papier » car « Jeanne est déjà sûre de son pouvoir sur le roi ».
Enfin j'ai été marquée par la haine et le mépris de la jeune
Marie-Antoinette (que j'aimais beaucoup jusque là).
Si le passage sur le procès de la favorite déchue semble interminable, je referme cette biographie avec en tête le portrait d'une femme bien différente que celui que j'en avais avec les différentes émissions grand public que j'ai pu regarder. La comtesse du Barry dépeinte ici était une femme déterminée et courageuse, curieuse et ouverte d'esprit, altruiste et aimante. Merci à Emmanuel de Waresquiel de l'avoir réhabilitée.