Nature humaine n'est pas une chronique rurale sympathique. D'un ton calme et simple SJ nous raconte l'Odyssée, de 1976 à 1999, d'Alexandre, un « petit paysan » du sud ouest, amoureux de sa terre, amoureux de ses bêtes, amoureux de son travail, mais qui vit dans un monde en perpétuelle mutation, qui le bouscule, le malmène souvent, et avec lequel il doit bien composer pour vivre ou tout simplement survivre.
SJ nous fait nous retourner sur ces 23 années pleines de bouleversements : le téléphone (avec cables et fils d'abord, puis sans fils ni câbles), le nucléaire, la gauche au pouvoir, le sida, les marées noires, la maladie de la vache folle, le dérèglement climatique, le développement tentaculaire du réseau autoroutier, qui sont dans les souvenirs de ma génération au même titre que la 1ère cuite ou les 1ères amours, mais qui constituent aussi l'Histoire.
J'ai particulièrement aimé être amené à re considérer ce passé, à le regarder sous un autre angle. SJ, mine de rien, de son point de vue propre, sans colère ni effet de manche, nous invite ? nous incite ? nous autorise ? à porter un regard apaisé sur la « vérité contraire » (pour reprendre la belle expression de Pascal) que nous avons abhorrée en son temps.
Une autre qualité réside dans le dénouement du roman, qu'on n'attendait pas comme cela, que le début du roman nous fondait à penser qu'il serait exactement opposé à ce qu'il est. Là encore SJ, se déjouant des clichés, nous rappelle que rien n'est écrit d'avance, qu'il est toujours possible d'infléchir le cours de sa vie et de choisir de rester fidèle à soi-même.
Enfin ce titre de «
nature humaine » est magnifique. S'agit-il d'un pléonasme : s'il y a de la nature alors il y a, tout naturellement pourrait-on dire de l'humain ? S'agit-il d'un oxymores : s'il y a de l'humain il ne peut y avoir de la nature, puisque s'il y a bien une histoire humaine il ne saurait y avoir de
nature humaine ? S'agit-il de révéler que ceux qui opposent Nature et Humanité, nous obligeant à choisir l'un ou l'autre, voire l'un contre l'autre, sont dangereux; que l'Homme est bien Nature et que la Nature peut être très Humaine.
Ce titre beau et profond de
Nature humaine résume parfaitement, à mon sens, l'histoire d'Alexandre Fabrier, le protagoniste du roman.