Roman à l'ambiance très particulière, assez déstabilisant. Toutes les 150 ou 200 pages environ, je me suis dit que c'était bien mais que je ne voyais pas ce que l'auteur allait bien pouvoir écrire ensuite, et puis il y a un événement et c'est reparti, tout aussi entraînant qu'au début. Impossible de savoir à l'avance où l'auteur veut en venir. Les situations s'enchaînent à point nommé. Et en mêlant réel et invraisemblable,
John Irving réussit à créer un monde, un univers surprenant qui lui permet de faire émerger, l'air de rien, des questions sérieuses et des problèmes de société, qui nous poussent à nous remettre en question.
Les extrémistes de tout bord sont renvoyés dos à dos, que ce soit les féministes, dépeints avec un humour burlesque, ou les machistes, dangereux irrécupérables. Pour l'époque je suppose qu'un héros ayant pour amie une transsexuelle était très provocateur.
Quant à la réflexion sur l'écriture, sur la fiction et le réel, elle est remarquable, avec la mise en abyme des chapitres écrits par Garp (dont la pension Grillparzer et le monde selon Bensenhaver), car Garp est romancier.
C'est par ailleurs un personnage très particulier, parfois énervant, mais attachant et humain, confronté au « Crapaud du ressac », comme disait son benjamin, et à la peur obsessionnelle de perdre des êtres chers.
Le ton est léger d'un bout à l'autre du livre, avec toujours une pointe d'humour quelles que soient les situations (souvent tragiques et parfois glauques). Un régal. C'est le premier Irving que je lis, ce ne sera certainement pas le dernier.