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EAN : 9782841161638
56 pages
Cheyne (13/10/2010)
4.45/5   22 notes
Résumé :
Le corps amoureux sur sa couche. Et si tout était d'un seul coup englouti dans la dévoration calme de ce bout du monde, et que plus jamais je n'avais besoin de partir, comme lorsqu'on sort d'une ville et qu'on atteint les premières forêts. Comme dans cet espace pareil à une maison, où quelque chose pourrait se passer peut-être bien, s'entrouvrir, s'éclairer.

Ouvrage récompensé en 2011 du Prix International de Poésie Francophone Yvan Goll et en 2012 d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Écrit lors d'un séjour en Chine Comme un morceau de nuit, découpé dans son étoffe, est pour moi une belle retrouvaille avec la poésie de Deborah Heissler.
Dans quatre chapitres désignés en japonais Kaimamiru (entrevoir), Seijaku (Silence), Seishiga (Image fixe) et Yakei (Scène de nuit), c'est tout un jeu de couleurs, de formes, de sonorités, de sensations qui se forment, apparaissent sous une écriture qui se fait légère, contemplative. Elle recueille une à une toutes les nuances particulières d'une trame de paysages, de saisons et d'instants à part, et en rapporte minutieusement toute la secrète et singulière beauté.

C'est une poésie très attachante, méditative, détachée, qui va comme au rythme d'une lente respiration, qui à sa lecture agit comme une dilatation, une ouverture au temps et à l'espace mais qui resserre aussi le regard du lecteur sur la part la plus essentielle de notre présence au monde. C'est dans l'infime, dans l'éloignement que Deborah Heissler va chercher cette part cachée du monde qui est la plus capable de nous rappeler à nous, de cette vie de passage que nous ne faisons qu'emprunter.

Je me souviens
le bleu des nues d'orage et celui
de la source, le bleu de la sauge
fait pour être froissé dans la main.
L'abandon, le don, cela seul.
Les derniers arbres fleuris dans les jardins.
La pluie de juin qui tombe
comme un chuchotement, universel,
sur un chemin d'herbe et de violettes
mêlées – et la fraîcheur du soir
qui vous saisit.

(extrait de Seijaku - Silence)

Comme un morceau de nuit, découpé dans son étoffe de Deborah Heissler est d'une écriture qui obsède par sa profonde justesse et sa douceur.
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En jardin japonais minutieusement agencé, un art intense du silence méditatif qui suggère bien des pistes poétiques inattendues.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/12/12/note-de-lecture-comme-un-morceau-de-nuit-decoupe-dans-son-etoffe-deborah-heissler/

Publié en 2010 chez Cheyne Éditeur, « Comme un morceau de nuit, découpé dans son étoffe » est le deuxième recueil de Deborah Heissler. Récompensées par le Prix international de poésie francophone et par le Prix du poème en prose, ces cinquante pages somptueuses se répartissent en quatre mouvements, Kaimamiru (« Entrevoir »), Seijaku (« Silence »), Seishiga (« Image fixe ») et Yakei (« Scène de nuit »). Même si le recueil a été en partie écrit lors d'un séjour en Chine, à l'Université Xiangtan du Hunan, il se situe, comme les titres des quatre composantes – mais plus encore la tonalité thématique méticuleusement agencée – l'indiquent, au confluent d'un art dense de la forme courte japonaise (celui qui s'étend bien au-delà du seul haiku, comme le rappelait Roland Barthes dans sa « Préparation du roman »), ancré toujours, en essence ou en apparence, dans le fait naturel, matériel s'il en est, et d'un maniement judicieux et songeur du silence – faussement ou authentiquement contemplatif – qui prolonge ceux travaillés par Yves Bonnefoy, André du Bouchet ou Philippe Jaccottet (l'autrice ayant consacré en 2005 sa thèse de littérature à ce dernier : « Psyché ou l'évidence de l'invisible dans l'oeuvre de Philippe Jaccottet. Une poétique de l'impossible comme mise à l'épreuve du signe »).

On sera nécessairement frappé par la beauté de ces agencements qui jouent avec un jardin japonais plus psychologique et métaphorique qu'il n'y paraît d'abord (on songera peut-être, depuis un angle poétique fort différent pourtant, au magnifique « Photogénie des ombres peintes » de Sandra Moussempès), mais qui laissent sourdre beaucoup d'inattendu dans la méditation apparente. Jeux de souvenirs, résonances intimes, certainement et bien sûr, mais aussi menées plus souterraines, plus intrigantes encore, presque subversives par instants (dans certains éclairs de silence significatif, les « Géographies de steppes et de lisières » d'Anna Milani ne sont peut-être pas si loin). : il y a ici à l'oeuvre un art surprenant d'instiller le doute et l'hésitation salvatrice au coeur même de l'innocence et de la certitude.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Note de lecture de Pierrick de Chermont dans "Recours au poème, Poésie et Mondes poétiques"
Lien : http://www.recoursaupoeme.fr..
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
     
Garde le silence
tu as longuement parlé
     
Au-dessus des arbres et des près, à l’instant même où cesse la pluie, on entend recommencer le chant de la fauvette à la fois liquide et limpide – goutte-à-goutte obstiné au coeur des feuilles. Ostinato.
     
Et puis
les nuages, bas, épais, leurs trouées mobiles sur la toison des prairies, jusqu’à l’horizon. Louange de l’eau et de la lumière, emportée si vite par le vent. Versatile, atmosphérique, l’esquisse de l’air cru et blanc, dans les plis de l’herbe comme un cantique.
     
     
SEIJAKU / Silence, extrait.
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La longue chaîne de bleus qui porte
jusqu'à l'horizon, à la fois proche,
à la toucher, et tellement lointaine,
dans le froid qui tombe. Cela se
fait presque sans bruit, sans aucun
déchirement.

Les montagnes sont bleues avec des
voiles de brume froide. Un bleu
nouveau a fleuri soudain sur l'eau
vivante. Tout ce grésil sous le ciel
gris, ces heures qui se fanent une
à une derrière moi.

Portée par cet air frais, j'avance
doucement dans la paix.


(extrait de "Seishiga - Image fixe") - p.39
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Et là
soudain sous les yeux, les fleurs.

Ailleurs le souffle lumineux de la
brume et le ciel qui offre lui aussi
le champ d'un illimité, d'un lieu de
conversion, point de rencontre où
se trouvent tous les contraires.

Les fleurs
en explosion de couleurs, de rouge
et de pourpre. Leur constellation
sur la terre, le mouvement de leur
don vers la terre, et déjà
on s'approche d'un corps, de la peau.

Et il me semble que la terre pour-
rait ici s'inverser, acquérir la densité
de lignes limpides et singulières.

(extrait de "Seishiga - Image fixe") - p. 46
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Silence

C’est d’abord un nuage d’abricotiers en fleurs, jaunes ou ivoire, comme mille petits papillons mêlés à l’herbe fraîche, mobiles, dans la lueur des lampes quand la nuit monte. Fragments de rêves. On voit le soleil rouge descendre sur le feuillage, comme une énorme masse d’acier incandescent.

Puis il y avait eu les arbres un peu plus loin dressant leur ossature fragile, la scabieuse de laine bleue comme un regard et ce tumulte de lait dans la pierre profonde, le gémissement enfin de l’air battu d’un vol de ramiers bleus – défi de soie peut-être bien, ou de cuir craquelé.

Tout était devenu chant. La courbe du chemin sous les nuages ici, et là les touches de terre sombre, le vert et le gris, le rose déchiré de la glaise et du gravier sous la pointe des doigts. L’accord surtout était celui de l’ombre et du gazon, feutrés, jusqu’au plus profond du ciel où frémit un battement de plumes heureuses.

Dans ces rêves aussi il y a des noyers noirs, et puis une forêt qui s’ouvre en coup de vent. Rien. Plus rien d’autre que le bruit du vent obstinément.

Lever de lune

Et puis l’averse tout près qui continue d’enjamber les toits dans une tranquillité tremblante. Dans le silence, ou plus exactement dans un espace où les bruits s’éloignent et s’étagent.
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YAKEI
Scène de nuit

Ce n'est plus l'heure de réfléchir. Il ne me reste plus aujourd'hui que le souvenir de cet immense jardin. Les rouges sont un feu dans la terre et les bleues, une nuit d’avant la nuit.
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Video de Deborah Heissler (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Deborah Heissler
"Comme un morceau de nuit, découpé dans son étoffe" (Cheyne éditeur, 2010) traduit en anglais et lu (en anglais et en français) par Sabine Huynh.
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