J'ai bien aimé cette histoire d'amour pour adolescents dans laquelle, Théo, ado de 17 ans antipathique, presque hargneux, se retrouve confronté à Jade, une jeune fille rebelle, amoureuse de la nature et du grand air, qui vit sur une île où se trouve une vieille maison dont Théo vient d'hériter. Même s'il fera tout pour repousser ses sentiments, Théo sera vite fasciné par cette jeune fille qui est tout le contraire de lui: heureuse, fière et indépendante.
Commenter  J’apprécie         70
26 juin, en bas des marches, 14 heures
Je suis prête. Assise sur la dernière marche de l’escalier en colimaçon, mes bagages à mes pieds, j’attends Victor.
Ce matin, avant de partir au travail, ma mère m’a souhaité de bonnes vacances. Hier soir, au téléphone, mon père a fait de même. Ces deux-là ne savent rien de leur fille unique. Rien du tout. Depuis longtemps, je me débrouille très bien toute seule.
C’est drôle... Jusqu’à maintenant, je n’ai jamais pensé écrire. Pendant l’hiver, j’ai commencé à photographier ce qui est fragile et peut disparaître n’importe quand. Mais écrire ? Non, jamais je n’y avais pensé.
Pourtant, la semaine dernière, j’ai acheté ce carnet à la couverture cartonnée rouge et noir. Un carnet chinois. Tout à l’heure, quand je faisais mes bagages, il m’est tombé dans les mains. J’ai glissé, entre ses pages, les polaroïds de la forêt de glace et la vieille photo fripée, la plus ancienne de toutes.
Traversier m’a semblé un bien grand mot pour ce bateau-passeur à fond plat, juste assez grand pour transporter au maximum soit quatre autos, soit deux camions, ou encore un camion et deux autos. Fin des combinaisons possibles. En réalité, seule une camion-nette s’est pointée à la dernière minute. En ce qui con-cerne les piétons, ils stationnent sur le pont, de la même manière que les véhicules. J’étais le seul piéton. En montant à bord, j’ai bien lancé quelques regards au capitaine et au matelot enfermés dans la cabine de pilotage. Ils sont restés de marbre. Quant au chauffeur de la camionnette, il m’a ignoré. Il faut dire que son véhicule était chargé de matériaux et de caisses et que, à la place du passager, il y avait une fille cachée dans ses cheveux.
Mes chers enfants, Lorsque vous lirez ce qui suit, je serai disparue dans l’autre versant des choses. Je serai, et cela est si difficile à comprendre pour un être jeune, je serai MORTE. Poussière. Lumière. Trou noir. Nul ne sait ce qui nous arrive après ce passage, et tous nous y allons. N’est-ce pas que ça donne le vertige ? J’aime imaginer que bientôt je serai catapultée dans l’espace, à l’autre bout de la galaxie, à la découverte de nouveaux univers. Bon. Ce n’est pas votre affaire, cette relation avec la mort. Un temps pour chaque chose.
Lorsque j’ai appris la mort d’Anna, il y a quelques semaines, ça ne m’a rien fait. Pas un pli. Moi, la famille... D’ailleurs, Anna était la tante de ma mère, pas la mienne, et j’avais d’autres chats à fouetter. Je venais de décider que je ne retournais pas au collège pour la rentrée d’automne, que les filles, ça ne valait pas la peine, et que j’allais m’enfermer pour l’été dans ma chambre à surfer dans Internet. Après ? Je ne voyais pas d’après.
Quelques détails m’ont frappé dans cette pièce. Il faisait froid. Il n’y avait pas d’électricité. Adieu toilette, douche, confort. Pas de bois de chauffage non plus pour le poêle, moi qui avais les pieds mouillés de bord en bord. Il avait plu sur la couchette. Enfin, au milieu de la table, un objet semblait m’attendre. Il était gros, il avait fière allure, il était flambant neuf : une tronçonneuse.