Miss Caldwell est gentille, je l’aime beaucoup, mais parfois elle est un peu lente. C’est comme quand j’essaie de parler mais ça va trop vite dans ma tête et je n’arrive pas à tout dire. Des fois, alors que je lui montre une chose magnifique, comme l’autre jour quand j’ai voulu rester un peu plus longtemps à regarder les jonquilles, elle trouve ça sans intérêt. Alors que les jonquilles, maman, elles étaient si belles !
Je préfère une discussion honnête qui met ma propre sensibilité à mal plutôt que l'on me prenne pour une petite chose fragile incapable de me projeter dans une vie qui n'est pas la mienne. Ne vous en faites pas pour moi. J'ai déjà le plaisir d'être votre amie et j'en suis fière.
Pour moi, c'est aussi cela, la physique, ces instants volés à mes obligations de jeune fille sage et dévouée. Je ne suis moi-même qu'à deux endroits : au milieu des livres et sous le ciel nocturne, rêvant de toucher les étoiles.
- Vous aimez donc les livres, Miss Agathe ? me demande Adrian
(…)
- Qu’aurais-je pu faire sans eux ? Les livres sont une bénédiction !
Votre univers se compose d'étoiles, le mien est fait de mots. L'immensité de ces univers reflète le décalage entre ce que nous avons être possible et les limites réelles de nos existences. Et pourtant, dans ces moments, vous vous prenez à espérez qu'il en soit autrement.
- Vous avez surtout tellement peur de l'esprit féminin que vous leur fermez l'accès aux études supérieures.
Il hausse les sourcils :
- Pas le moins du monde. Je ne vois pas de quoi vous parlez, les cursus pour femmes existent depuis de nombreuses années.
-Pour que vous puissiez vous assurer que jamais elles ne vous surclassent dans les vôtres ! Pour vous dédouaner de toute notion de telle égalité! Vous en faites des infirmières plutôt que des médecins. Alors qu'elles pourraient devenir ingénieures, elles restent des ouvrières qualifiées et des éternelles secondes. Savoir, c'est pouvoir, et cela vous terrifie !
Dans la recette du bonheur, il doit y avoir du thé, des scones, des roses et des livres.
Notre société, et tout particulièrement ma caste, rejette unanimement les homosexuels, jusqu'à les emprisonner et les envoyer aux travaux forcés. Cela revient, la plupart du temps, à les condamner à mort.
Je me sais conditionnée pour réagir de la même manière, alors pourquoi cette idée me donne-t-elle la nausée ? C'est peut-être ma nature de toujours tout remettre en question. J'ai vu le regard que Stone a posé sur Evelyn, j'ai vu son sourire. Je ne connais peut-être rien à l'amour, mais je ne vois pas ce que ça peut être d'autre. Quel jugement peut-on porter sur des gens qui s'aiment ? Qui nous octroierait ce droit ? C'est idiot !
Cette bibliothèque est une mine d'or ! Il faudrait plusieurs vies pour tout lire en détail. J'ai la sensation que chaque nouveau livre m'ouvre un océan de possibilités.