Qu'est-ce qu'un bon polar ? Deux flics, une enquête, une ex sympa qui rend service et donne des renseignements, et une intrigue qui se ficelle aussi vite qu'un rôti ? Pas vraiment, puisqu'un bon polar n'a pas de mode d'emploi. Un bon polar, c'est un livre qui vous donne envie d'enquêter, qui vous perd dans ses rebondissements, qui fait turbiner votre esprit à la recherche d'indice sur l'affaire. Eh bien je l'affirme,
Lignes Noires est un bon polar.
Pierre Gaulon n'en est pas à son premier essai, et ce livre-ci me donne envie de me pencher sur sa bibliographie. Comme je l'ai dit plus haut, ce polar est "canon" (je dis ça comme ça car c'est vraiment le mot qui m'est venu à l'esprit quand j'en étais à peu près à la page 30), et je vais vous dire pourquoi (oui merci, arrête de tourner autour du pot).
Contexte : des gens se donnent la mort (en apparence ?), la presse ésotérique veut en faire ses choux gras, en la personne de madame Maryline Jane. Une femme de caractère, recollée à la colle forte après un accident de voiture qui lui brisa la jambe et le coeur. Et cet ebook là, qui effraie tout le monde, qui susurre son méfait derrière l'oreille des acquéreurs, au nom plus qu'évocateur (je pense que, si je dis le nom ici, c'est du spoil, donc je me tais et vous aurez le plaisir - ou pas - de le découvrir pendant votre lecture). Point commun bien étrange entre ces victimes que tout oppose, la grand-mère bibliophile, l'influenceuse éplorée et le policier de Grand-Mare.
L'intrigue est posée, le personnage principal en la qualité de Maryline Jane nous emmène avec elle dans son enquête, tandis qu'on apprend un peu plus à la connaître (et vous allez voir comme le terrain psychologique de cette dernière est important). On nous introduit également JH, le chasseur de fantômes, personnage décalé mais totalement en phase avec son état d'esprit (et il faut dire qu'il est très cool aussi). Et puis il y a Darkage, le créateur de l'ebook, qui le dissémine au gré de son plan machiavélique (je m'emballe ? je m'emballe. bon j'en dis pas plus parce que j'en ai déjà trop dit). J'ai adoré les interactions entre les personnages et leur caractère vraiment marqué qui les rend totalement vivant à mes yeux. le duo Maryline - JH est excellent, mêlant curiosité, bon sens, un peu de rire parfois, empathie (mais sans pitié), et pléthore de connaissances qui permettent à ces deux protagonistes d'avancer dans l'enquête des suicides. J'avoue que j'ai envie de revoir cette paire dans un autre livre (et peut être que cela sera le cas, qui sait ?).
Je parlais de pléthore de connaissances, et l'on peut saluer l'énorme effort bibliographique dont fait part
Pierre Gaulon pour donner une dimension de réalité à son roman. Il nous ancre dans un univers profond et aborde le pouvoir de la suggestion, qu'il met formidablement en scène dans des interludes aux allures innocentes, camouflant le délit dans des acrostiches, des phrases masquées, qui s'immiscent dans nos cerveaux pour mieux les influencer. Un jeu de l'auteur, taquin, qui nous enjoint même à contacter Darkage, avec cette adresse mail laissée en évidence.
Ce roman ne serait pas une réussite sans l'existence d'une plume aiguisée et de grande qualité, qui laisse dérouler les pages au rythme vivifiant (tiens, c'est un drôle de mot à utiliser dans un livre qui parle de suicide) d'une intrigue bien huilée, ponctuée de rebondissements et de traits d'esprit pertinents. Un page turner donc, qui se conclut en une jolie épanadiplose, pour rester dans le thème des figures de style littéraire (on aime bien ça à la rédaction).
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