Agone de Rochronde rentre chez lui pour assister aux funérailles de son père, l'un des barons les plus puissants du royaume. Ils s'étaient quittés brouillés après que le fils eût choisi de suivre la voie Préceptorale, dont le but est d'amener la connaissance aux humbles. Hors, dans son testament, le défunt contraint son fils aîné à rejoindre pour six jours le Souffre-Jour, un collège mystérieux...
Ainsi commence la célèbre trilogie de
Mathieu Gaborit, Les Crépusculaires. S'ensuit une épopée riche en événements, en intrigues, en phénomènes et créatures magiques et en personnages.
L'écriture est agréable à lire, plus travaillée que dans le Secret de Ji qui date de la même époque, celle d'une naissance de la fantasy française avec la fondation de Mnémos. L'imagination de l'auteur fourmille d'idées, avec notamment un mécanisme de fonctionnement de la magie inédit, lié à un peuple tout entier, celui des Danseurs.
Dommage que cette indéniable fertilité littéraire soit mise à mal par l'agencement même du roman et par des personnages assez peu attachants (hormis Amertine, la fée noire, qui a été un petit coup de coeur pour moi). L'impression a dominé en ce qui me concerne d'une histoire se déroulant à la va-comme-je-te-pousse, avec un enchaînement d'actions difficiles à suivre tant elles se succédaient, au point que dans les dernières pages je ne me souvenais plus de telle cause survenue trois-cent pages avant et amenant à telle conséquence... Ce qui n'a pas empêché, paradoxalement, plusieurs facilités scénaristiques afin de conserver en vie le héros tout en le mettant en scène dans des situations périlleuses.
En lui apportant, très incidemment, une épée dotée d'une âme, un cistre magique, un Danseur et une tenue capable de le camoufler aux yeux de ses ennemis en cas de danger de mort...
Héros qui, d'autre part, m'a laissée plus que sceptique, et je reviens à ce que j'ai dit plus haut sur les personnages peu attachants. Que dire d'un individu fermement attaché à une voie et une vocation (ici, apporter la connaissance aux humbles) qui tourne casaque en six jours ? Je ne dirais pas qu'il n'a pas de personnalité mais celle-ci manque de profondeur ou est mal étoffée... Un peu moins d'actions et plus d'introspections ne l'auraient-elles pas rendu plus proche pour le lecteur ? Et puis, quelle exaspération que ces quidams que tous les protagonistes, au premier regard et sans qu'il ait encore fait quoi que ce soit, jugent de la race des héros... Agone de Rochronde, encore un sauveur de l'humanité, à l'image de FitzChevalerie chez
Robin Hobb. Mais chez celle-ci, il y avait une subtilité qui manque un peu dans les Crépusculaires.
Je tiens cependant à mettre en exergue la post-face. Ces trois dernières pages, extrêmement bien écrites, véritablement ciselées telles une pierre précieuse, boucle superbement la série en présentant LA cause à défendre, celle dont Agone a manqué dans tout le reste du roman. Dommage que tous les Crépusculaires n'aient pas été dans ce ton-là.