Cécile Coulon est poète et romancière. Son nouveau roman mêle habilement les deux genres de manière puissante et magnétique.
Cécile Coulon dit avoir « écrit cette histoire dans un état hypnotique, bouillonnant, fiévreux », écriture dont elle est ressortie épuisée mais exaltée.
J'ai eu un énorme coup de coeur pour ce court texte poétique qui a tout d'un conte cruel. On se réjouit à la fois de l'histoire habilement contée et de la prose saisissante et flamboyante. Ce format très court - 130 pages - a permis à
Cécile Coulon d'expérimenter un style différent. Car si l'histoire reste dans la même veine que ses écrits précédents, la plume diffère, ici entre roman et prose libre. Son grand-oncle était prêtre et, enfant, le voir prêcher en chaire l'a profondément marqué. Animé d'une énergie incroyable, d'une parole puissante marquée par un rythme proche de l'ordre de l'incantation, son grand-oncle devenait un autre lors de ses prêches. Les souvenirs d'enfance de ces quelques moments passés à l'église ont fortement influencé le prologue et l'épilogue, qui sont les retables du texte. le reste du texte ne sert qu'à rendre plus flamboyants ces deux chapitres aux allures d'incantation.
Le titre,
La langue des choses cachées, renvoie à l'immense capacité (davantage qu'un don) d'être à l'écoute, ouvert, de voir, de disséquer et de comprendre les moindres détails de notre environnement.
« Nous voyons des choses cachées et il n'y a pas de mot pour cela. » (P.13)
L'histoire s'ouvre sur le fils, guérisseur, qui arrive au sombre petit village du Fond du Puits . La mère y a été appelée pour soigner un enfant malade, mais ne pouvant plus faire le long voyage jusqu'à ce village reculé, elle y envoie le fils qu'elle a « éduqué, formé, instruit pour que rien de ce monde ne lui soit étranger ». C'est sa première mission seul.
Le toponyme du Fond du Puits existe vraiment- et en se promenant dans le lieu qui porte ce nom en Picardie,
Cécile Coulon a su qu'elle tenait le nom du décor de son prochain roman - , mais pas le lieu en tant que tel.
Cécile Coulon s'inspire des petits villages de moins de 800 habitants que l'on trouve en Picardie, dans la Dronne ou en Auvergne, avec leur atmosphère particulière qui l'a marquée dans son enfance. Ce lieu est une véritable scène de théâtre, exigüe et piégée par le regard des spectateurs, sur laquelle les personnages vont jouer une tragédie. Ce huis clos se déroule au cours d'une seule nuit.
La mère et le fils n'ont pas de nom car ils incarnent les métaphores de décisions et d'événements. La mère, très présente même si elle est physiquement absente, a une emprise sur le village et le fils, et représente le poids du passé, des traditions et de l'éducation.
"Quand on essaie de faire les choses différemment de ses aînés, ne les fait-on pas plus mal ?" est la grande question à la base de ce roman.
« Il est appelé pour une personne et quand il vient, cette personne est au centre de tout : il ne doit pas détourner son attention, il ne doit parler qu'aux âmes impliquées dans la vie du malade. »
Tout au long de sa vie, le fils d'une vingtaine d'années a toujours obéi. Dans ce roman d'initiation, il s'émancipe en désobéissant. le roman prend un tournant décisif lorsqu'une autre personne du village vient lui demander de l'aide. Sa mère lui a appris à n'aider que la personne qui a fait appel à lui, afin de rester concentré et de ne pas épuiser ses pouvoirs de guérison. En prenant la décision (qui lui semble la plus juste) de suivre cette personne, il se distancie de la mère et n'est plus le fils de sa mère.
Ce roman traite également de la violence humaine.
Cécile Coulon a non seulement voulu montrer comment un seul conflit peut irradier d'autres familles mais aussi comment par les non-dits et les secrets il peut sinuer, se propager de génération en génération.
Le fils brisera le silence en faisant parler les autres.
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