Bonjour, aujourd'hui direction le Kansas, pour un huis clos entre nanas… En route !
Gloria Patter, universitaire noire, reçoit chez elle Aurore Amer une romancière française, Lola Dhol, une actrice norvégienne, Babette Cohen professeur d'origine pied-noir, suite à un colloque féministe…
Cette cohabitation va permettre à chacune de se poser quelques questions sur les choix de leur vie. Gloria qui fait passer son travail avant sa famille et dont la fille et le mari préfèrent vivre sous le toit de la grand-mère. Aurore Amer, qui n'a pas d'amer que le nom et qui a fui sa famille, Lola qui a été une actrice renommée mais qui n'a plus que sa bouteille pour spectatrice et Babette qui vient de se faire plaquer par son mec…
Chacune de ses femmes traîne des casseroles, certaines s'en rendent compte, d'autre non. Évidemment, il est plus facile de voir la brindille chez la voisine que la poutre chez soi… Cette journée va être l'occasion de faire un bilan, et il sera loin d'être positif ; car elles sont toutes les quatre désespérément seules.
Entre soutiens et coups bas, des dialogues parfois sympathiques parfois truffés de vacheries ; ces femmes vont faire le point et se dévoiler…
Bref, un huis clos qui oscille entre humour et sarcasmes, avec quatre femmes qui se débattent pour garder la tête hors de l'eau.
À lire assis(e) dans votre cuisine ou celle d'une amie, près de la cage d'un rat (en photo c'est bien aussi), en buvant un café noir accompagné d'un carré de chocolat (noir)… Bonne lecture !
Commenter  J’apprécie         326
La description poétique d'une aurore printanière flamboyante dans le Kansas qui sert d'incipit à ce roman laissait présager une lecture agréable, spirituelle, voir amusante,
Très vite, le gris, le sordide, la polémique , s'invitent dans ce huis clos, où se côtoient quatre femmes quinquagénaires , désabusées , réunies dans la maison de Gloria Patter, la doyenne noire du département de langues étrangères , présidente de plusieurs associations francophones, au lendemain d'un colloque. Elle a invité et hébergé Lola Dhol, une actrice norvégienne qui eut son heure de gloire désormais pocharde et aigrie , Aurore Amer écrivaine française, spécialisée dans les récits animaliers , passionnée par l'Afrique, sosie de Lola, Babette Cohen , rapatriée d'Algérie qui a choisi de devenir agrégée d'anglais pour oublier la France , qui vient de se faire larguer par son compagnon, après vingt-cinq ans de vie commune.
J'ai, très vite, poursuivi la lecture en diagonale, pressée d'en finir avec cette lecture « neurasthénisante ». L'apothéose dans cette noirceur c'est ce rat innocent, captif dans une étroite boite en carton, peu ventilée, qu'on entend, désespérément chercher un peu d'air, qu'on laisse lamentablement mourir, et qu'on achève, sans trop de scrupule pour mettre fin à ses souffrances, métaphore cruelle et douloureuse …
Au final, ***** , oui 5 étoiles noires décernées à ce roman lauréat, ce jour de la lecture qui m'a donnée le bourdon, le cafard et qui m'a plongée dans la sinistrose , il faut le faire, par ce beau jour d'été !
Mais je ne mets pas en cause le talent de Paule Constant, ce livre a été primé par le Goncourt, et il le mérite, probablement.
Commenter  J’apprécie         194
Il y avait quelque chose de fascinant pour Aurore à voir ces femmes, qui avaient fait des carrières exemplaires, renier tout ce qu'elles avaient acquis à la force du poignet pour envier le sort de celles qu'elles avaient méprisées autrefois lorsqu'elles avaient interrompu leurs études pour se marier. Elles les imaginaient qui trônaient maintenant au cœur d'une grande famille mais elles ignoraient leur désenchantement, le sentiment de perte et d'inaccompli de leurs existences. Ah ! des enfants, avoir des enfants, disaient-elles. L'enfant était le dernier rempart contre la solitude.
Elle en avait par-dessus la tête de Babette et de sa censure qui portait sur chaque mot. Elle en avait sa claque de cette époque monstrueuse qui lynchait, qui empoisonnait, qui massacrait, mais qui faisait soigneusement Le ménage des mots crus et qui aseptisait la langue pour n'adopter qu'un vocabulaire de marketing....
Et Elle continua, comme si de rien n'etait à parler de cette société qui n'osait plus s'exprimer qu'en mettant des guillemets de peur d'avoir à assumer une pensée trop forte, une idée trop precise, des mots trop concrets....
Il n'y a plus un etudiant qui prenne la parole sans s'excuser par avance avec ses deux index; il n'y a plus un intellectuel qui affirme quoi que ce soit à la television sans adresser aux telespectateurs Le signe magique de son desengagement, et Gloria crochetait l'air d'un geste où Aurore, medusee, reconnut l'interpretation mecanique des guillemets.
- Vous étiez comme chien et chat, interrompit Babette en se dégageant de l'étreinte de Gloria.
- On était surtout comme nègre et blanc. C'est quand même le seul type qui ait osé me parler de ma couleur. Il m'a dit exactement, posément, avec un air que je me rappellerai toujours : Le problème vient de vous, Gloria, pas de moi, ni des autres, vous ne DIGEREZ pas votre couleur. Pauvre con de raciste, tueur de femmes, assassin d’enfants... Gloria hurlait ; Qu'est-ce qu'il sait de la couleur noire, ce nazi ? Qu'est-ce qu'il sait de l'humiliation quotidienne ? Qu'est-ce qu'il sait de la libération des peuples opprimés ?
Le printemps est splendide au Kansas, le petit matin y est lumineux, scintillant et glacé. Le ciel mauve dégorge de nuées roses que le vent charge de bigarrures dorées, de poussières vertes qui bleuissent en retombant, de pollens éclatants que la lumière disperse et tout cela est d'un bonheur qui retrouve l'enfance et donne le cœur léger. C'est comme le désert dans l'embrasement de l'aube, se disait Aurore, derrière la fenêtre close de sa chambre, comme la savane qui fume après la pluie : tout étincelle et brille, tout brûle et se consume. C'est l'Afrique se disait Aurore, et on est en Amérique ! L'allégresse la faisait frissonner.
C'est lourd le sac d'une femme qui vieillit avant que l'oubli ne l'allège. Il est rempli du poids d'une vie qui, la plus heureuse soit-elle, compte son lot de déceptions, gonflé du poids des autres vies qu'une femme porte en elle, celle de sa mère, celle d'une soeur, surtout si elle est morte, d'une amie...
https://www.librairiedialogues.fr/livre/14694728-l-insomnie-tahar-ben-jelloun-gallimard
Lors de la rencontre avec Tahar Ben Jelloun, du 1er mars 2019 à la librairie dialogues à Brest, l'auteur nous propose sa sélection de livres coups de c?ur !
En l'occurrence :
- la poésie française du XXe siècle.
- Deux s?urs de David Foenkinos (Gallimard)
- Maîtres et esclaves de Paul Greveillac (Gallimard)
- La vérité sort de la bouche du cheval de Meryem Alaoui (Gallimard)
- La Maison Golden de Salman Rushdie (Actes Sud)
- Nouvelles de William Faulkner (Gallimard, Pléiade)
- Les Mille et une nuits
- Don Quichotte de Cervantès
- Mes Afriques de Paule Constant (Gallimard)
Entretien mené par Laure-Anne Cappellesso.
Réalisation : Ronan Loup.
Retrouvez nous aussi sur :
Facebook : https://www.facebook.com/librairie.dialogues
Twitter : https://twitter.com/dialogues
Instagram : https://www.instagram.com/librairiedialogues
+ Lire la suite