En 1933, alors qu'il est aux Etats-Unis,
Henri Matisse transmit son enthousiasme sur l'art américain à son ami André Masson par cette phrase «
Un jour, ils auront des peintres». Ce livre d'
Annie Cohen-Solal, retrace le parcours des artistes américains depuis le début du XIX siècle jusqu'à "La danse héroïque de
Jackson Pollock et les oeuvres expressionnistes abstraites d'Agnès Martin, de Paris à New York, de Philadelphie à Giverny, de Pont-Aven à Chicago en passant par le Nouveau-Mexique.
Au début du XIX siècle l'art américain se fait l'interprète de la nature, la nature étant l'interprète de Dieu. L'alliance entre l'art et la religion, entre l'artiste et le prête. Son développement se fait à partir de la reproduction de la nature, dans un face-à-face avec la nature la plus sauvage.
Puis dans la seconde moitié du XIX, nombre d' artistes américains traversèrent l'atlantique pour se confronter avec l'art de l'Ancien monde et plus particulièrement en France, l'endroit où il fallait être. L' auteure compare l'organisation de l'art américain, soutenu par les riches hommes d'affaires, à celle de la France, centralisée dans les salons officiels. Les peintres américains découvraient à Paris écoles et musées et ne cachaient pas leur admiration. Et pourtant, à cette époque les arts plastiques connaissaient une crise. Les peintres dits "modernes" de l' école de Barbizon, les peintres réalistes rencontraient beaucoup de difficultés à imposer leur style face à la peinture officiel. Rousseau et Millet reçurent la légion d'honneur en 1868, presque sur leur lit de mort. En 1861, certains élèves de l'Ecole des Beaux-Arts s'étaient regroupés pour protester contre l'art académique et demandèrent à Courbet, qui refusa, de devenir leur professeur. En 1863, Napoléon IIl autorisa le salon des refusés, contre l'avis de l'Académie. Dans le même temps, les artistes américains suivaient les cours dans les académies de Gérôme, Couture et Cabanel, les peintres officiels français. Puis, peu à peu, de nombreux peintres américains prirent des libertés avec l'académisme et colonisèrent Pont-aven avant de retourner aux Etats-Unis.
Ce livre est une véritable mine d'informations pour les passionnés d'art. On y retrouve l'influence d'un Durand-Ruel qui organisa sa première exposition de peintres impressionnistes Français à New York en 1886 où le public américain découvrit Pissaro, Monet, Degas, Manet, Seurat, Sisley, etc. L'auteure nous rappelle l'importance de Whistler, de John Singer Sargent,
Robert Henri,
Thomas Eakins, des femmes peintres américaines, comme Mary Cassat, et enfin le succès des Américains à l'exposition Universelle de 1889 (Deux grands prix, quatre médailles d'or, quatorze médailles d'argent et trente deux médailles de bronze).
Nous retrouvons au fil des pages
Rosa Bonheur, Monet à Giverny, l'exposition universelle de Philadelphie en 1893, la ruée des riches collectionneurs Américains sur les peintres impressionnistes Français, au grand dam de certains peintres américains fréquentant les ateliers des professeurs les plus conventionnels : «Les tableaux impressionnistes sont le résultat de la théorie de Manet, peintre maladroit et sans éducation».
Lé 17 décembre 1897, Julian Weir et neuf de ses camarades quittaient la Société des Artistes américains devenue trop conservatrice à leur goût pour former le « groupe des dix » et entreprirent une croisade pour « éduquer »le public américain et le faire accéder à l'art véritable". Comme en France, bataille des artistes "modernes" contre l'art Académique.
Entre 1908 et 1913, les expositions de Rodin, Matisse, Cézanne, Picasso furent présentées pour la première fois au Nouveau Monde et attirèrent un tout nouveau public et, le 17 février 1913, l'Armory Show ouvrit ses portes à New-York. Mille trois cents oeuvres y étaient présentées, dont un tiers venait d'Europe. On y trouvait, Cézanne, Picasso, Derain, Braque, Gauguin, van gogh, Rousseau, Duchamp, Seurat, etc.
En 1915, New York devenait véritablement la capitale mondiale de l'art et en 1929 La MOMA présenta sa première exposition qui attira plus de quarante-sept mille personnes en quatre semaines. Après la « Grande Dépression » de 1929, Roosevelt, inspiré par la promesse de provoquer un renouveau dans l'art américain et convaincu de l'utilité des artistes, fonda en 1933 le Public Works of Art Project qui permit à 5000 artistes d'obtenir pendant dix ans, une aide de l'état pour continuer à créer et furent salariés du gouvernement. Des artistes comme de Kooning, Pollock profitèrent de cette aide ainsi que de nombreux artistes qui sont, aujourd'hui, mondialement reconnus, et c'est en 1948, à la Biennale de Venise que l'on présenta pour la première fois en Europe, huit toiles de
Jackson Pollock, véritable premier maître américain. L'Amérique avait rattrapé son retard sur l'ancien monde et prenait le leadership sur l'art pictural mondial. Belle revanche pour ce pays dont Fernand Leger disait « L'Amérique, ce n'est pas un pays, c' est un monde».