Essai transformé d'un exemple de livre dans le livre. le titre du roman de Chomarat est également celui d'un véritable (?) polar norvégien dont trois éditeurs français veulent obtenir l'exclusivité de la traduction. le combat entre les éditeurs est l'occasion d'une confrontation entre les tenants du livre papier et de la véritable littérature et ceux du livre numérique, produit, permettant de faire entrer le lecteur (?) dans le récit par des échanges interactifs via des liens. L'histoire n'est plus celle de l'auteur mais devient celle multiple des lecteurs connectés.
"(...) un produit hybride, lisible uniquement sous forme numérique, avec des liens qui permettront de diriger le lecteur vers des extraits vidéo, et de générer automatiquement du crowdfunding pour toute forme dérivée du texte."
L'autre tour de force du roman de Chomarat est de traiter de thèmes "graves" avec la même légèreté que son auteur au nom imprononçable, Olaf Grundozwkzson...
C'est nous lecteurs que ce roman interpelle. le succès des polars nordiques où le crime le dispute à l'inhumanité en dit long sur notre relation à une réalité que nous n'aimerions pas vivre...Fermez le ban !
En reconnaissant qu'il serait bien incapable d'écrire un récit tel que "la construction d'un feu" de
Jack London, Olaf met en évidence le fait "que le monde ne se prête plus à ce genre d'histoires, ne les génère plus, pour ainsi dire."
Les clins d'oeil et les références émaillent les pages du livre. Un
Sherlock Holmes relooké façon XXIème siècle mène l'enquête. Les flics du roman sont Bjonborg et Willander. Olaf a perdu ses allumettes suédoises...Il adore les contes d'Andersen et s'insurge contre ceux qui prétendent que ce sont des contes pour enfants...
"- Je vous demande pardon ?
- Andersen c'est pour les mômes
- Ne faites pas attention, dit Holmes, mon ami est perturbé par toute cette ambiance de polar nordique"
L'éditeur des éditions Mirage se nomme Delafeuille et ses concurrents Madeleine Murnau et Gorki !
Un auteur disparu des radars,
John Davis et son héros Bob Dumont, est un avatar d'
Henri Vernes et Bob Morane.
Chomarat pose deux questions, pourquoi écrit-on et sur quoi écrit-on ?, opposant les "classiques" à une production pour laquelle les éditeurs payent "(...) au lance-pierre des tâcherons qui prétendent être des auteurs scandinaves, alors qu'ils sont marseillais, ardéchois, peu importe..."
Au-delà de ses saillies, Chomarat ne remet pas en cause la finalité de l'écriture en faisant dire à Delafeuille "Eh bien, à mon avis, le rôle d'un artiste, donc d'un écrivain, est d'introduire le doute là où il y avait une certitude. Un peu le contraire du politicien, si vous voulez."
Un roman qui se lit sans rechigner, et avec le plus grand plaisir, tant la profondeur des thèmes abordés, malgré le ton léger et la dérision des propos, amène le lecteur à s'interroger sur le sens de la littérature et de son addiction à un objet littéraire quelqu'il soit. "La question du genre est inepte. Ou plus exactement, elle est mal posée, puisqu'elle suppose qu'il y a un rapport de cause à effet entre le genre et la qualité."
A lire et à faire lire...