Un vaisseau de la taille d'un quasi monde apparaît brutalement aux abords d'une station spatiale de transit et capture un petit transporteur dont l'équipage est de trois personnes .
Cet immense vaisseau est une intelligence artificielle qui parcourt l'univers dans le but de recueillir des échantillons , de les conserver et de les étudier ...
Cet équipage est riche humainement parlant et il est très représentatif des thèmes très humains qui sont le terrain de prédilection de l'auteur .
Le style de C. J.
Cherryh atteint ici , des sommets au niveau de la caractérisation et de l'expression des affects .
La situation de l'équipage capturé au moment du contact frise quasiment un niveau cinématographique , tout en démontrant comment un texte peut être plus grandiloquent qu'une image , grâce notamment au travail de l'imagination du lecteur et à la magie des mots . le lecteur ressent par exemple , intimement , la sensation d'être écrasé par la gravité , au moment de la capture , et la situation est intégralement palpable alors que la panique ressert son emprise comme un étau et que en ricochet la consternation se repend comme un train d'ondes , sur quelques parsecs alentours et notamment à bord de la station Endeavour ...
Le pitch s'articule autour du thème du contact , l'intelligence artificielle va dupliquer littéralement et successivement , à plusieurs reprises , l'équipage et le corps du texte consiste en un improbable dialogue entre les différentes et successives copies de l'équipage avec la machine et aussi quelquefois leur dialogues entre elles évidement .
La machine apprend l'homme au sens littéral du mot apprentissage , et les membres de l'équipage finissent par ne plus savoir s'ils sont eux-mêmes ou bien simplement un aspect d'eux-mêmes . Ils ont peurs , ils sont désemparés , il est question de faire le quasi deuil de soi-même conformément à une situation qui présente des analogies avec un état où les personnages seraient vivants après plusieurs décès et plusieurs « morts « sans être pour autant des spectres alors même qu'il y a manifestement , une hiérarchie des différentes simulations ( quelles soient ou non contemporaines les unes des autres ) ...
Le caractère riche de cette problématique est évident ( non ? ) , et l'auteur va s'employer à examiner en détails et à décliner de façons obsédantes , méticuleuses , exigeantes et ardues , les différentes potentialités de cette rencontre du troisième type .
Je ne vais pas spoiler , mais pour situer le ton du roman voici en gros le début ( le résumé ) de l'épisode qui précède le contact :
A l'intérieur du vaisseau au milieu des débris de son appareil , un personnage se réveille , il fait face à ce qui semble être deux hologrammes des membres de son équipage qui ne parviennent pas à accepter l'idée qu'il seraient morts , le dialogue s'installe l'environnement se précise ....
Mais les expériences commencent , douleurs , nourritures , atmosphère , dialogues improbables , décès , résurrection , remords , qui suis-je ? , rencontres inquiétantes , dialogues avec d'autres échantillons extraterrestres , disfonctionnements du vaisseau ou bien expériences du vaisseau ? ... .... ....
C'est l'histoire du contact entre principalement , un être humain et un être artificiel crée antérieurement par une intelligence définitivement autre .
C'est aussi un des premiers récits de « logicièlisation « d'une conscience humaine réduite à l'état de simulation et ce roman a été écrit en 1984 .
C'est un drame lancinant que ce texte et pour l'apprécier il faudra apprécier la richesse intime des personnages , mais surtout il faudra accepter le langage machine du vaisseau qui est très ardu à suivre . D'autant plus que ce langage est scandé par une ponctuation rigoureusement mathématique ( avec usage de symboles mathématiques ) et une grammaire quasiment autre .
Par ailleurs le cadre du récit est constamment mouvant , les environnements glissent constamment et s'altèrent pour se réinitialiser successivement ...
C'est franchement un roman atypique , un texte dramatique aussi riche humainement qu'il est complexe , et légèrement répétitif du fait des consciences dupliquées qui reviennent sur leur différents vécus successifs . Légèrement répétitif du fait également , des supports de pensée et des expériences qui déterminent leur travail de définition et de ré-acquisition systématique de leurs identités en faisant le tris dans leurs mémoires bouleversées et altérées .
Ce texte est excessivement solide , il est très difficile . Il l'est principalement car l'auteur bâtit et confronte ses personnages et le lecteur à l'altérité extrême .
C'est une expérience que ce texte qui est très difficile à lire en vo et dont je recommande la lecture en français .
Avant de vous lancer , éventuellement , dans cette aventure explorez les différentes couvertures dont ce texte a bénéficié en vo aux states , elles sont très éloquentes ..
Celle qui est visible sur babelio est superbe non ?
Le dénouement est heureux , enfin relativement heureux et il possède malgré tout un arome de sel noir car il n'est heureux que dans la mesure du possible .
En toute franchise , j'apprécie beaucoup ce texte mais il faut bien reconnaître qu'il pourrait bien vous casser les pieds ( c'est un euphémisme ) et il vaut mieux lire les commentaires qui le concerne et qui sont relativement nombreux aux états unis .
C'est plus un travail de recherche en science-fiction et sur le thème du contact et sur celui de la duplication de conscience , qu'une distraction à mon humble avis .