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Mémoires d'outre-tombe - Livre de ... tome 3 sur 5

Jean-Claude Berchet (Éditeur scientifique)
EAN : 9782253160892
671 pages
Le Livre de Poche (15/05/2002)
4.04/5   81 notes
Résumé :
Ce troisième volume s'ouvre sur la Restauration et nous conduit jusqu'à la Révolution de 1830 : après la carrière du voyageur puis de l'écrivain, voici venu le temps du politique.

Nommé pair de France en 1815, Chateaubriand devient ambassadeur dans plusieurs capitales d'Europe, et surtout ministre des Affaires étrangères de 1822 à 1824. Mais comme frappé de mutisme au moment d'évoquer le véritable exercice du pouvoir, le mémorialiste reste silencieux ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
J'ai lu avec beaucoup de plaisir le premier tome de Mémoires d'outre-tombe qui relate l'enfance et les premières années adulte De Chateaubriand. J'ai découvert avec intérêt le second volume où Chateaubriand relate la Révolution française, l'ascension et la chute de Napoléon. J'y ai noté une certaine répulsion / admiration De Chateaubriand pour Napoléon. Certaines pages sont sublimes.

Dans ce tome, ce n'est plus la même chose. Chateaubriand se penche sur sa carrière de politicien / diplomate. Mon dieu que c'est long.

Chateaubriand relate ses aventures en tant qu'ambassadeur à Berlin, Londres puis Rome. Certains passages sur l'art, l'Italie sont intéressants mais ils sont peu nombreux et puis Chateaubriand se pose en victime des politiciens de son temps, du roi qu'il soutient, défend et qui ne l'apprécie pas à sa juste valeur.

140 ans plus tard, que reste t il dans nos mémoires de cette époque ? Je ne suis pas très férue de cette époque et je n'ai pas toutes les clés pour comprendre les différentes allusions, personnages que raconte Chateaubriand…. Mais certains retournements de veste, d'opinion, les alliances etc, tout cela n'a rien de bien nouveau sous le soleil… A part des historiens et autres personnes passionnés de la fin du 19eme siècle, je crains bien que peu de gens puissent apprécier ce tome. En tout cas, il me pèse. Je rédige ces quelques lignes alors que j'en suis au livre 30. Il me reste une centaine de pages à lire… et cela s'annonce long… Chateaubriand mélange considérations politiques et diplomatiques. Il est question de guerre entre Turcs, Grecs, Russes, … Une rencontre avec le Pape, des courriers à sa maitresse.

Quelques exemples pour vous montrer les différents niveaux de réflexion. Où l'on peut également voir que les événements actuels et les thèses du grand remplacement ont des racines lointaines…

« Loin de mépriser le passé, nous devrions, comme le font tous les peuples, le traiter en vieillard vénérable qui raconte à nos foyers ce qu'il a vu : quel mal nous peut−il faire ? Il nous instruit et nous amuse par ses récits, ses idées, son langage, ses manières, ses habits d'autrefois ; mais il est sans force, et ses mains sont débiles et tremblantes. Aurions−nous peur de ce contemporain de nos pères, qui serait déjà avec eux dans la tombe s'il pouvait mourir, et qui n'a d'autorité que celle de leur poussière ? »

« Je dois remarquer que j'ai été le seul, avec Benjamin Constant, à signaler l'imprévoyance des gouvernements chrétiens : un peuple dont l'ordre social est fondé sur l'esclavage et la polygamie est un peuple qu'il faut renvoyer aux steppes des Mongols. »


« Mais je m'évertue à démontrer l'honneur de la Restauration ; eh ! qui s'inquiète de ce qu'elle a fait, surtout qui s'en inquiétera dans quelques années ? Autant vaudrait m'échauffer pour les intérêts de Tyr et d'Ecbatane : ce monde passé n'est plus et ne sera plus. Après Alexandre, commença le pouvoir romain ; après César, le christianisme changea le monde ; après Charlemagne, la nuit féodale engendra une nouvelle société ; après Napoléon néant : on ne voit venir ni empire, ni religion, ni barbares. La civilisation est montée à son plus haut point mais civilisation matérielle, inféconde, qui ne peut rien produire, car on ne saurait donner la vie que par la morale ; on n'arrive à la création des peuples que par les routes du ciel : les chemins de fer nous conduiront seulement avec plus de rapidité à l'abîme. »

« l'Angleterre et l'Autriche ont toujours été et seront toujours les adversaires naturels de la France, nous les verrions demain s'allier de grand coeur à la Russie, s'il s'agissait de nous combattre et de nous dépouiller. »

" Il y a sympathie entre la Russie et la France ; la dernière a presque civilisé la première dans les classes élevées de la société ; elle lui a donné sa langue et ses moeurs. Placées aux deux extrémités de l'Europe, la France et la Russie ne se touchent point par leurs frontières, elles n'ont point de champ de bataille où elles puissent se rencontrer ; elles n'ont aucune rivalité de commerce, et les ennemis naturels de la Russie (les Anglais et les Autrichiens) sont aussi les ennemis naturels de la France. En temps de paix, que le cabinet des Tuileries reste l'allié du cabinet De Saint−Pétersbourg, et rien ne peut bouger en Europe. En temps de guerre, l'union des deux cabinets dictera des lois au monde.

« Considérée sous le double rapport des intérêts généraux de la société et de nos intérêts particuliers, la guerre de la Russie contre la Porte ne doit nous donner aucun ombrage. En principe de grande civilisation, l'espèce humaine ne peut que gagner à la destruction de l'empire ottoman : mieux vaut mille fois pour les peuples la domination de la Croix à Constantinople que celle du Croissant. Tous les éléments de la morale et de la société politique sont au fond du christianisme, tous les germes de la destruction sociale sont dans la religion de Mahomet. On dit que le sultan actuel a fait des pas vers la civilisation : est−ce parce qu'il a essayé, à l'aide de quelques renégats français, de quelques officiers anglais et autrichiens, de soumettre ses hordes fanatiques à des exercices réguliers ? Et depuis quand l'apprentissage machinal des armes est−il la civilisation ? C'est une faute énorme, c'est presqu'un crime d'avoir initié les Turcs dans la science de notre tactique : il faut baptiser les soldats qu'on discipline, à moins qu'on ne veuille élever à dessein des destructeurs de la société. »

« L'imprévoyance est grande : l'Autriche, qui s'applaudit de l'organisation des armées ottomanes, serait la première à porter la peine de sa joie : si les Turcs battaient les Russes, à plus forte raison seraient−ils capables de se mesurer avec les impériaux leurs voisins ; Vienne cette fois n'échapperait pas au grand vizir. le reste de l'Europe, qui croit n'avoir à craindre de la Porte, serait−il plus en sûreté ? Des hommes à passions et à courte vue veulent que la Turquie soit une puissance militaire régulière, qu'elle entre dans le droit commun de paix et de guerre des nations civilisées, le tout pour maintenir je ne sais quelle balance, dont le mot vide de sens dispense ces hommes d'avoir une idée : quelles seraient les conséquences de ces volontés réalisées ? Quand il plairait au sultan, sous un prétexte quelconque, d'attaquer un gouvernement chrétien, une flotte constantinopolitaine bien manoeuvrée, augmentée de la flotte du pacha d'Egypte et du contingent maritime des puissances barbaresques, déclarerait les cotes de l'Espagne ou de l'Italie en état de blocus, débarquerait cinquante mille hommes à Carthagène ou à Naples. Vous ne voulez pas planter la Croix sur Sainte−Sophie : continuez de discipliner des hordes de Turcs, d'Albanais, de Nègres et d'Arabes, et avant vingt ans peut−être le Croissant brillera sur le dôme De Saint-Pierre. Appellerez−vous alors l'Europe à une croisade contre des infidèles armés de la peste, de l'esclavage et du Coran ? il sera trop tard."

Je reviens compléter mes notes.

Heureusement la dernière partie de ce volume, sur les trois jours (plus connus sous le nom des trois glorieuses, terme que n'emploie pas Chateaubriand), est beaucoup plus intéressante.

On y découvre un Chateaubriand royaliste, qui n'est pas apprécié par Charles X et qui n'approuve pas la façon dont la royauté d'abord refuse la liberté de la presse (une des raisons qui mène à la crise) puis est sauvée pour un temps en changeant de branche de la famille royale.

Chateaubriand représente un politicien comme il n'en existe plus. Il démissionne et renonce à ses émoluments.

Il a une analyse intéressante sur la situation et sur ce que l'avenir réserve à la royauté en France et en Europe. Certains passages sont vraiment intéressants / éclairants par rapport à la situation actuelle de la politique française (toute proportion gardées).

En revanche il a des considérations sur la guerre civile qui font froid dans le dos.

Il semble également penser que la guerre sera, dans le futur, un concept qui n'existera plus. Sur ce point, soit 140 ans ne suffisent pas… ou il n'est pas très prescient.

Enfin, je vous laisse juge de la modestie De Chateaubriand.

"Le grand événement de ma carrière politique est la guerre d'Espagne. Elle fut pour moi, dans cette carrière, ce qu'avait été le Génie du Christianisme dans ma carrière littéraire. Ma destinée me choisit pour me charger de la puissante aventure qui, sous la Restauration, aurait pu régulariser la marche du monde vers l'avenir. Elle m'enleva à mes songes, et me transforma en conducteur des faits. A la table où elle me fit jouer, elle plaça comme adversaires les deux premiers ministres du jour, le prince de Metternich et M. Canning ; je gagnai contre eux la partie. Tous les esprits sérieux que comptaient alors les cabinets convinrent qu'ils avaient rencontré en moi un homme d'Etat [Voyez les lettres et dépêches des diverses cours, dans le Congrès de Vérone, consultez aussi l'Ambassade de Rome. (N.d.A.)]. Bonaparte l'avait prévu avant eux, malgré mes livres. Je pourrais donc, sans me vanter, croire que le politique a valu en moi l'écrivain ; mais je n'attache aucun prix à la renommée des affaires, c'est pour cela que je me suis permis d'en parler. Si, lors de l'entreprise péninsulaire, je n'avais pas été jeté à l'écart par des hommes aveugles, le cours de nos destinées changeait ; la France reprenait ses frontières, l'équilibre de l'Europe était rétabli, la Restauration devenue glorieuse, aurait pu vivre encore longtemps, et mon travail diplomatique aurait aussi compté pour un degré dans notre histoire. Entre mes deux vies, il n'y a que la différence du résultat. Ma carrière littéraire complètement accomplie, a produit tout ce qu'elle devait produire, parce qu'elle n'a dépendu que de moi. Ma carrière politique a été subitement arrêtée au milieu de ses succès, parce qu'elle a dépendu des autres."


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Après le premier volume qui s'intéressait davantage à sa vie personnelle, le deuxième à la vie publique de Napoléon, Chateaubriand a consacré l'essentiel de ce troisième volume à sa carrière politique qui s'est déroulée sous la Restauration, principalement pendant le règne de Louis XVIII. Il était un monarchiste convaincu, mais la monarchie était elle-même divisée en multiples factions, parfois en concurrence. Chateaubriand faisait partie des monarchistes constitutionnalistes et légitimistes, prit entre deux feux, celui des ultra-royalistes et celui des libéraux. Pour faire simple, il voulait l'application de la Charte de 1814 dans toute son étendue, elle lui convenait parfaitement. Pour lui, la Restauration était l'alliance de l'ancienne monarchie et des nouvelles libertés.
Voici les principaux tournants de sa carrière mouvementée : Il est nommé ministre de l'intérieur par intérim pendant les Cent-Jours et l'exil de Louis XVIII à Gand. Après la chute de Napoléon, il entre à la chambre des pairs mais il est écarté du pouvoir exécutif en 1816 pour avoir critiqué la dissolution de la Chambre introuvable. Il recommence à avoir de l'influence en 1820 après l'assassinat du duc de Berry. Il est d'abord ambassadeur à Berlin, puis à Londres. Il est ensuite ministre des affaires étrangères pendant l'intervention française pour rétablir le roi d'Espagne en 1823, son grand fait d'arme : il était très fier d'avoir redoré le blason de l'armée royale française. Mais cette guerre était impopulaire et il est mis à l'écart. Après le sacre de Charles X, il prend des positions qui le rapprochent des libéraux, notamment sur la liberté de la presse. Il est ensuite nommé ambassadeur à Rome en 1827. Enfin, il démissionne de cette dernière fonction lorsque Polignac, un ultra-royaliste, arrive au pouvoir en 1829.
La fin de sa carrière politique coïncide avec la révolution de juillet 1830. Evidemment, Chateaubriand ne donne jamais à cette révolution le nom des Trois Glorieuses mais simplement « les trois journées ». Il en fait un récit plus captivant que celui de la Révolution de 1789. Entre reportage sur le terrain et article d'investigation, il suit de près l'organisation et le développement de la révolte dans les rues de Paris ainsi que ses conséquences politiques et réunions des différentes factions. C'est très instructif. Avec une certaine ambiguïté, il parait moins critique sur le déroulement de cette révolution que celle de 1789, les mouvements populaires lui paraissent plus sages, il est même acclamé par les révolutionnaires comme le défenseur de la liberté de la presse. Quand il arrive à Paris le 28 juillet, après avoir pris connaissances des ordonnances qui ont déclenchées les émeutes, il écrit : « J'aperçus le drapeau tricolore flottant ; je jugeai qu'il ne s'agissait pas d'une émeute, mais d'une révolution. J'eus le pressentiment que mon rôle allait changer : qu'étant accouru pour défendre les libertés publiques, je serais obligé de défendre la royauté », ce qui résume à peu près toute sa carrière entre défense de la liberté et de la monarchie. A nouveau, après la parenthèse de la Restauration, il se place du côté des perdants, toujours par fidélité aux Bourbons, sans occulter non plus la responsabilité de Charles X et en prévoyant un avenir républicain à la France.
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Oui le phrasé est parfait .La vie SA vie contée avec art, sensibilité , enthousiasme , son âme couchée sur le papier c est beau comme l'antique Sauf que la plupart du temps M.de Chateaubriand fait comme radio Paris il ment, comme celui qu il détestait et admirait à la fois qui est avec lui co-fondateur du romantisme politico littéraire Napoléon 1°Mais c est si bien fait que l on ne demande qu'a y croire , de plus pour sa postérité il le faut car soyons honnête à part "Les Mémoires " le reste de son oeuvre est devenu illisible .J ai essayé "les Natchez"et Atala ça vous tombe des mains
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Cette 3e partie relate sa période politique de son début, comme parlementaire, puis ambassadeur à Berlin et à Rome, à sa fin quand il se retire après les évènements de juillet 1830. Il voulait initialement que cette période constitue la totalité des Mémoires, ou au moins la plus grande partie, mais ce n'est heureusement pas le cas. Si cette période m'a semblé particulièrement intéressante d'un point de vue historique, les précédentes l'étaient aussi du point de vue de sa vie et de ses sentiments. Comme dans le tome précédent, j'ai apprécié me remettre en mémoire tous ces évènements de l'après-Révolution et en apprendre plus sur le déroulement de la révolution de Juillet à travers le regard d'un contemporain des faits relatés. J'ai préféré ce tome-ci au second, car Chateaubriand intervient davantage dans les évènements politiques dont il parle et car il mêle davantage sa vie privée à ce récit par ses lettres à madame Récamier, sa maîtresse de l'époque.
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Les mémoires De Chateaubriand dévoilent maintenant une période tumultueuse et cruciale de la vie De Chateaubriand, offrant un aperçu captivant de l'histoire et de la politique de son époque.

Dans ces pages, Chateaubriand nous plonge dans le quotidien, exceptionnelle certes, de son parcours personnel, tout en éclairant les événements marquants qui ont façonné le destin de la France et de l'Europe au XIXe siècle. Son style élégant et évocateur transporte le lecteur à travers les salons littéraires de Paris, les champs de bataille de l'Europe et les coulisses des cours royales, offrant ainsi une fresque historique riche en couleur et en émotion.

Marquées par une prose magnifique et une sensibilité poétique, ces chapitres captivent les lecteurs avec leur récit vivant et leur réflexion profonde sur la condition humaine et le devenir des nations, tout un programme pour le premier des romantiques?

En somme, ces mémoires constituent une oeuvre incontournable de la littérature française, offrant une plongée dans l'histoire, la politique et l'esprit d'une époque révolue.
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Fasse le ciel que ces intérêts industriels, dans lesquels nous devons trouver une prospérité d'un genre nouveau, ne trompent personne, qu'ils soient aussi féconds, aussi civilisateurs que ces intérêts moraux d'où sortit l'ancienne société ! Le temps nous apprendra s'ils ne seraient point le songe infécond de ces intelligences stériles qui n'ont pas la faculté de sortir du monde matériel.
Bien que mon rôle ait finit avec la légitimité, tous mes vœux sont pour la France, quels que soient les pouvoirs à qui son imprévoyant caprice la fasse obéir. Quant à moi, je ne demande plus rien ; je voudrais seulement ne pas trop dépasser les ruines écroulées à mes pieds. Mais les années sont comme les Alpes : à peine a−t−on franchi les premières, qu'on en voit d'autres s'élever. Hélas ! ces plus hautes et dernières montagnes sont déshabitées, arides et blanchies.
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Mais je m'évertue à démontrer l'honneur de la Restauration ; eh ! qui s'inquiète de ce qu'elle a fait, surtout qui s'en inquiétera dans quelques années ? Autant vaudrait m'échauffer pour les intérêts de Tyr et d'Ecbatane : ce monde passé n'est plus et ne sera plus. Après Alexandre, commença le pouvoir romain ; après César, le christianisme changea le monde ; après Charlemagne, la nuit féodale engendra une nouvelle société ; après Napoléon néant : on ne voit venir ni empire, ni religion, ni barbares. La civilisation est montée à son plus haut point mais civilisation matérielle, inféconde, qui ne peut rien produire, car on ne saurait donner la vie que par la morale ; on n'arrive à la création des peuples que par les routes du ciel : les chemins de fer nous conduiront seulement avec plus de rapidité à l'abîme.
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Sans doute les ministres depuis 1814, à quelque opinion qu'ils aient appartenu, ont été harcelés par les journaux ; sans doute la presse tend à subjuguer la souveraineté, à forcer la royauté et les Chambres à lui obéir ; sans doute, dans les derniers jours de la Restauration, la presse, n'écoutant que sa passion, a, sans égard aux intérêts et à l'honneur de la France, attaqué l'expédition d'Alger, développé les causes, les moyens, les préparatifs, les chances d'un non−succès ; elle a divulgué les secrets de l'armement, instruit l'ennemi de l'état de nos forces, compté nos troupes et nos vaisseaux, indiqué jusqu'au point de débarquement. Le cardinal de Richelieu et Bonaparte auraient−ils mis l'Europe aux pieds de la France, si l'on eût révélé ainsi d'avance le mystère de leurs négociations, ou marqué les étapes de leurs armées ?
Tout cela est vrai et odieux ; mais le remède ? La presse est un élément jadis ignoré, une force autrefois inconnue, introduite maintenant dans le monde, c'est la parole à l'état de foudre ; c'est l'électricité sociale. Pouvez−vous faire qu'elle n'existe pas ? Plus vous prétendrez la comprimer, plus l'explosion sera violente. Il faut donc vous résoudre à vivre avec elle, comme vous vivez avec la machine à vapeur. Il faut apprendre à vous en servir en la dépouillant de son danger, soit qu'elle s'affaiblisse peu à peu par un usage commun et domestique, soit que vous assimiliez graduellement vos moeurs et vos lois aux principes qui régiront désormais l'humanité.
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J'ai peur maintenant des sensations : le temps, en m'enlevant mes jeunes années, m'a rendu semblable à ces soldats dont les membres sont restés sur le champ de bataille ; mon sang, ayant un chemin moins long à parcourir, se précipite dans mon coeur avec une affluence si rapide que ce vieil organe de mes plaisirs et de mes douleurs palpite comme prêt à se briser. Le désir de brûler ce qui regarde Charlotte, bien qu'elle soit traitée avec un respect religieux, se mêle chez moi à l'envie de détruire ces Mémoires : s'ils m'appartenaient encore, ou si je pouvais les racheter, je succomberais à la tentation. J'ai un tel dégoût de tout, un tel mépris pour le présent et pour l'avenir immédiat, une si ferme persuasion que les hommes µ désormais, pris ensemble comme public (et cela pour plusieurs siècles), seront pitoyables, que je rougis d'user mes derniers moments au récit des choses passées, à la peinture d'un monde fini dont on ne comprendra plus le langage et le nom.
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Tout à coup une porte s'ouvre : entre silencieusement le vice appuyé sur le bras du crime.Monsieur de Talleyrand soutenu par Monsieur Fouché
Mémoires d' Outretombes
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Vidéo de François-René de Chateaubriand
Rencontre avec Gilles Havard autour de Les Natchez paru aux éditions Tallandier.


Gilles Havard
est historien, directeur de recherche au CNRS. Il est l'auteur de nombreux ouvrages dont L'Amérique fantôme. Les aventuriers francophones du Nouveau Monde (2019) et Histoire des coureurs de bois (2016).


Les Natchez
Chateaubriand l'avait bien souligné : les Natchez sont liés à l'histoire de l'Amérique française. Aux yeux des colons du Mississippi, leur société, avec son chef suprême, ses temples et sa hiérarchie sociale, offrait tous les gages de la sophistication. Mais, surtout, un événement spectaculaire de leur histoire va marquer au fer rouge l'histoire de la Louisiane. le 28 novembre 1729, en effet, les Natchez massacrent les colons installés depuis une quinzaine d'années dans leur voisinage. Ce coup d'éclat sanglant fera l'objet de représailles féroces de la part des Français, qui conduiront le peuple natchez au bord de la disparition. Près de trois siècles après les faits, l'auteur mobilise toutes les sources disponibles, tant écrites qu'orales, pour interroger la violence en contexte colonial et tenter de résoudre l'énigme de cet événement. Ce faisant, il restitue aux Natchez leur épaisseur culturelle et cherche à rendre leur dignité en tant que nation. Mais qu'est-ce qui constitue une nation ? Une langue ? Un sang ? Une mémoire ? Des rites partagés ? C'est cette question que pose Gilles Havard, dans une enquête historique et ethnographique qui redonne vie et destin à un peuple amérindien oublié.


voir sur le site (https://www.ombres-blanches.fr/product/1798166/gilles-havard-les-natchez-vie-et-destin-d-un-peuple-nord-americain)


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10/04/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER

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