Aujourd'hui je brandis cette poésie flamboyante et pourtant René Char, ce n'était pas un coup de foudre. Sa poésie était pour moi comme une personne dont la première impression repousse. Parce que je me suis sentie d'abord idiote en sa compagnie. Je pensais il y a quelques années : jamais je n'ai ouvert quelque chose d'aussi sorcier et fumeux que René Char ! Ce n'est décidément pas pour moi ! Mais je ne me suis pas fiée aux apparences, la couverture et l'épaisseur du livre continuaient à m'attirer. D'habitude je ne manquais pas de clés pour des oeuvres difficiles…
Aujourd'hui je pense que René Char c'est un esprit supérieur qui ne cherchait pas à plaire. Il était à la poursuite de la beauté du verbe, beauté solitaire. « Il faut peu pour plaire et beaucoup pour faire beau » disais Max Jacob…
J'ai déjà remarqué plusieurs fois chez moi : ce qui choque finit par plaire comme ce qui plaît soudain déplaît. René Char en est un exemple. Il a ses portes et moi j'ai fini par les repérer. Enfin, j'espère !
Ce matin je me suis encore promenée dans son labyrinthe. Je sens que je reviendrai à lui comme à une bible car il en a toutes les qualités : une beauté lumineuse, une perfection intimidante et une profondeur inaccessible… Dans l'atelier du poète est une oeuvre où le raffinement est poussé à l'extrême.
René Char m'a fait réfléchir. J'ai réalisé qu'il y a deux sortes de poésie un peu comme deux sortes de musique (la musique savante et la variété). Effectivement René Char me fait penser plutôt à Boulez qu'aux chansons de Léo Ferré tout comme il est plus proche du peintre Fernand Léger que du dessin humoristique de Sempé !
Oui, il y a des poètes, les « tombés du ciel » qui vous tiennent par la main comme Prévert ou Trenet et les autres poètes qui vous sourient depuis le ciel. René Char appartient à ces derniers. René Char c'est une poésie qui me rend muette tellement elle est recherchée, recherchée jusqu'à l'impossible !
Moins d'un pour cent de la population regarde les émissions consacrées à la musique ou à la danse contemporaines. Mais combien de pour cent des gens lisent la poésie contemporaine, la poésie pure qui n'est pas habillée de chanson ? De mon côté, j'ai besoin de me tirer vers le haut pour être capable d'apprécier les merveilles de la production artistique contemporaine quel que soit le domaine.
Pour revenir à Dans l'atelier du poète, j'ajoute quand même que René Char, tout en étant un être, un génie à part, avait beaucoup d'amis, artistes peintres, compositeurs de musique, qui partageaient ses valeurs esthétiques et qui créaient avec lui des oeuvres en commun. Ce livre témoigne de ces rencontres, et il est si bien documenté qu'après l'avoir refermé j'ai le sentiment de sortir d'une exposition. Dans l'atelier du poète est magnifiquement illustré en noir et blanc et accompagné de photos en abondance.
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ENTRE LA PRAIRIE ET LE LAURIER
La musique récemment encore ne se liait véritablement avec la poésie - ou l'inverse - parce que l'une des deux, dès la première mesure, était battue et complètement assujettie à l'autre. Elle devenait sa doublure, sa monture, si bien que ces deux grands, intarissables et différents mystères, poésie et musique, ne consentaient à apparaître côte-à-côte que pour faire courir un sourire de commisération sur les lèvres venues pour savourer. La réussite de Don Giovanni - livret et partition - , de Pelléas et Mélisande, exceptionnellement, apportait un démenti à cette obligation. La tumultueuse unité, la féconde camaraderie, était donc possible ? Elle n'était jusqu'alors qu'indiquée, ne sachant que filer sur les voies parallèles. Berg, Webern, Schönberg, Bartok, allaient poser les premières greffons et provoquer des générations inconnues. Aujourd'hui, Pierre Boulez nous invite à valider la conquête, à la mener plus avant, à tresser nos sèves ensemble. Soyons attentifs. Entre la prairie et le laurier, là où se concasse la pierre d'âme, commence une nouvelle aventure terrestre. La poésie de notre temps doit l'entendre et participer.
p.720
Ne t'attarde pas à l'ornière des résultats. 2
La France a des réactions d'épave dérangée dans sa sieste. 24
Comme se sont piqués tes vieux os de papillon ! 144
La lune est d'étain vif et de sauge. 148
(Feuillets d'Hypnos)
Chante ta soif irisée (feuillets d’Hypnos, 163)
La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil.(169)
Le chemin du secret danse à la chaleur (201)
Sommes -nous voués à n’être que des débuts de vérité ?extrait des Feuillets d’Hypnos(186)
Nous sommes dans l'inconcevable, mais avec des repères éblouissants
Les grands classiques du répertoire N°1 : René Char. “Claire”, suivi de “Fêtes des Arbres et du Chasseur” - Première diffusion sur la Radiodiffusion-Télévision Française : 14/05/1955. Réalisation : Alain Trutat. Musique originale : Pierick Houdy. Chef d'orchestre : Pierre Michel Le Conte. Avec Jacqueline Pagnol, Pierre Vaneck, Roger Blin, Madeleine Sylvain, Jean Mauvais, Pierre Leproux, Gaetan Jor, Jean-Jacques Morvan, Jean Péméja, Roger Pigaut, Jean Topart, Paul Emile Deiber, Lucienne Bogaert, Pierre Larquey, Michel Dumur, Catherine Goetgheluck. Et Cyril Dives à la guitare et l’Orchestre National de la RTF.
“Claire”
Dans cette suite, René Char suit le cours d’une rivière à laquelle il donne le nom familier de Claire. Il imagine que dans les villages et les lieux qu’elle traverse vivent, participant de l’existence de tous, des jeunes filles et des jeunes femmes appelées également Claire. Mais elles ne sont que des personnifications vivantes de la rivière elle-même.
Claire est celle que le poète attend, la “Rencontrée” qui seule lui permet de chasser ses fantômes et de continuer à vivre. Claire est une et plusieurs, toutes celles qui “aiment, rêvent, attendent, souffrent, questionnent, espèrent, travaillent”. À travers les personnages d’un chef d’opérations dans le maquis puis d’un chargé de mission de la Résistance, ce sont ses propres contradictions qu’interroge le poète des “Feuillets d’Hypnos”.
Dans “Claire”, il poursuit sous une forme dramatique son analyse à la fois poétique et politique du réel, avoue ses déceptions face à l’hostilité d’un monde qui aurait dû changer et s’est reconstruit, étranger à cette espérance.
“Fêtes des Arbres et du chasseur”
Poème pour voix et guitare.
Deux joueurs de guitare sont assis en plein air dans l’attente du chasseur. Ils échangent des poèmes.
Thèmes : Création Radiophonique| Radiodiffusion-Télévision Française| Grands Classiques| Poésie| France Culture| René Char
Source : France Culture
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