Pour ceux qui ont la chance de dénicher encore quelque part cet ouvrage, fût-il en lambeaux, ou des bribes, je ne peux que conseiller de lui accorder un peu de leur temps. Comme le dit l'auteur dans la préface, « n'était-il pas téméraire d'entreprendre, loin de la Roumanie, l'étude d'un conteur populaire moldave, dont la vie était encore mal connue, dont la langue est difficile pour les Roumains eux-mêmes, et qui passe dans son pays pour « intraduisible » ? » Puisse M. Boutière nous entendre en considérant qu'il est tout à son honneur d'avoir réussi une des rares monographies rédigée par un étranger sur un auteur roumain. Et puissent aussi nous entendre ceux qui auraient le pouvoir et la volonté de faire revivre des biographies de vulgarisation de ces auteurs méconnus, d'autant qu'aujourd'hui les Roumains restreignent par auto-censure (voire complexe d'infériorité) la sphère de leur littérature de valeur.
Signalons la présence d'un précieux glossaire linguistique contenant nombre de régionalismes, ainsi que d'un index alphabétique permettant de retrouver les nombreuses références, notamment littéraires.
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L’entrée à Socola marque une date importante dans la vie de Creangă : jusqu’à ce moment, le jeune paysan de Humuleşti avait vécu libre, sans contrariétés, sans soucis ; le départ pour le séminaire lui causa un véritable déchirement, qui est très sensible dans la quatrième partie des « Souvenirs », et ce premier chagrin fut suivi de beaucoup d’autres. Creangă connaîtra, certes, encore des joies : il jouira de bonnes et solides amitiés, comme celle d’Eminescu, il aura la grande satisfaction de voir le succès de ses ouvrages, il verra son unique fils grandir et se créer une situation enviable ; mais c’en est fait désormais de ce bonheur sans mélange qui avait été jusqu’à présent son lot.